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Intervention de Catherine Lemorton

Réunion du 18 janvier 2012 à 15h00
Modalités d'exercice des professionnels de santé étrangers — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Lemorton :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte que nous allons étudier constitue un nouvel exemple de la tendance de la majorité à légiférer dans l'urgence – alors qu'en l'occurrence, il aurait été possible d'anticiper.

Vous permettrez que je fasse un récapitulatif des faits ayant mené à cette réelle crise, débutant à partir de la loi du 27 juillet 1999, qui interdit effectivement de recruter des diplômés étrangers n'ayant pas travaillé en France avant juillet 1999. Toutefois, du fait de la diminution du numerus clausus, les hôpitaux continuent de recruter un personnel nécessaire au bon fonctionnement de leurs services. Il faudra attendre 2005 pour voir apparaître un premier décret, mettant en place la nouvelle procédure d'autorisation, dite NPA, particulièrement inadaptée aux enjeux. Le projet est de subordonner l'autorisation d'exercer en France, pour les diplômés étrangers, au passage d'un concours ne tenant en rien compte de la situation de praticiens déjà en poste.

Après s'être engagé à la création d'une voie spéciale, le ministère s'était alors rétracté. Dès cette époque, les PADHUE – c'est-à-dire les praticiens à diplôme hors Union européenne – l'avaient pourtant alerté, dénonçant l'absence de reconnaissance officielle de leur travail. M. Bertrand, alors ministre de la santé – vous êtes hors de cause, madame Berra, puisque vous n'étiez pas encore au Gouvernement – avait prétexté des problèmes juridiques. Il disait n'avoir « pas renoncé à assurer un avenir et un statut à ces diplômés », on en voit le résultat quelques années plus tard.

Le 27 février 2006, c'est la HALDE qui, suite aux discriminations subies par les praticiens concernés – essentiellement des médecins – se chargeait du dossier en demandant officiellement des avancées au ministère de la santé dans un délai de quatre mois, notamment dans le sens d'une validation des acquis. Une fois de plus, les engagements pris alors n'ont pas été suivis d'effets. Il faudra donc attendre le projet de loi de financement de la sécurité sociale de 2007, et de nombreux mouvements sociaux, pour que les revendications des PADHUE soient enfin prises en considération. Le Gouvernement propose alors un examen dérogatoire, en parallèle du NPA, et suivi d'une période probatoire de trois ans, pour les praticiens recrutés par les hôpitaux avant juin 2004.

Toutefois, cette proposition ne s'applique pas aux praticiens titulaires du CSCT – le certificat de synthèse clinique et thérapeutique –, dont une partie de la formation est française. Dans un souci d'équité, notre groupe avait, à l'époque, soutenu l'accès à cette mesure dérogatoire pour des praticiens exerçant leur spécialité dans la précarité depuis des années. Nous avions d'ailleurs conditionné cet accès à l'exercice de trois ans de fonction hospitalière en France après la période de formation, et au fait d'être en poste au moment de la publication de la loi. Comment expliquez-vous qu'un praticien ayant effectué une partie de son cursus scolaire en France, ayant la nationalité française, et travaillant pour le service public de santé français, n'ait pas l'accès à cette dérogation ?

Aujourd'hui, ce sont ces quelque 6 700 praticiens à diplôme étranger, auxquels il faut ajouter 3 300 autres encore en formation, qui payent les conséquences d'une politique inadaptée. Ces personnes pourtant nécessaires au fonctionnement de notre système hospitalier, vous les avez oubliées ! Elles travaillent à des salaires inférieurs de 30 % à 50 % à leurs collègues titulaires d'un diplôme français – ce qui avait motivé la saisine de la HALDE – et ne bénéficient que d'un statut précaire contractuel renouvelable d'année en année. Il n'existe toujours, à l'heure actuelle aucune prise en compte des années d'exercice effectuées par ces praticiens, et du service qu'ils rendent tous les jours à la France. Qui retrouve-t-on dans les services de gériatrie, ou l'on manque de bras ? Qui assure les gardes pendant les périodes de vacances ou de jours fériés ? Qui, encore, accepte de travailler dans les régions peu peuplées, peu denses en médecins, ou dans les quartiers difficiles des villes, là où d'autres se découragent, si ce n'est ces praticiens diplômés hors Union européenne ?

Je vous pose donc une question : mais qu'avez-vous donc attendu ? Je vous rappelle pourtant la lettre, en date du 21 août dernier, du syndicat national des praticiens à diplôme hors Union Européenne, qui signalait déjà depuis mai la situation alarmante dans laquelle se retrouvent aujourd'hui ces diplômés étrangers, arrivés en France après juin 2004. Vous saviez donc que les mesures dérogatoires prévues par l'alinéa IV de l'article 83 de la loi du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale 2007, prenaient fin le 31 décembre 2011. Je rappelle également que Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé ici présente, a reçu ce syndicat en octobre dernier et, devant l'urgence de la situation, a décidé d'intégrer un article au PLFSS 2012. Le groupe socialiste ayant déposé un recours devant le Conseil constitutionnel, cet article a été retoqué par le Conseil, qui a considéré qu'il s'agissait d'un cavalier législatif – on voit ici les limites à la pratique consistant à légiférer dans l'urgence.

Depuis le 1er janvier dernier, ce sont des milliers de praticiens qui exercent dans l'illégalité, ce que les ARS ont constaté. Il y a donc urgence à légiférer pour tous ces praticiens médicaux et paramédicaux.

On entend dire que l'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 serait tombé par la faute des socialistes : non ! Les Sages du Conseil constitutionnel ont fait leur travail, et l'ont considéré comme un cavalier législatif. Subordonner l'avenir de tous ces gens à un cavalier législatif est hautement irresponsable, et prouve combien vous les avez méprisés – ou, si le mot de mépris est un peu fort, combien vous les avez ignorés.

Toutefois, nous, groupe socialiste, radical et citoyen, ne nous opposons pas systématiquement, contrairement à ce qu'on entend régulièrement dans la bouche des membres du Gouvernement. Quand le chemin nous semble juste et bon, même si vous l'empruntez tard, puisque nous nous sommes exprimés sur ce sujet depuis 2006, nous n'hésitons pas à le suivre. Enfin, nous allons pouvoir régulariser une situation à propos de laquelle nous vous avons alertés, je le répète, depuis déjà longtemps. Mais comme dit la maxime populaire : mieux vaut tard que jamais !

Nous voterons donc sans réserve cette proposition de loi dont le rapporteur est notre collègue Jean-Pierre Door…

1 commentaire :

Le 28/01/2012 à 22:28, Samia LAKHAL (Dentiste) a dit :

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Bonjour Madame LEMORTAN,

J'ai suivi avec beaucoup d'attention et d'intérêt votre intervention et vous remercie. Cependant pour nous les dentistes déjà lésés, cette loi va encore exclure la grande majorité d'entre nous.

1- Cette loi votée au sénat le 24 janvier 2012 va permettre l'intégration des médecins arrivés après 2004, mais ne va pas permettre l'intégration des chirurgiens dentistes qui sont là depuis 20 ans car :

· Depuis 1999, il n'y a plus de recrutement pour les dentistes dans les hôpitaux et en plus il n'y a pas de service d'odontologie.La profession de dentiste est principalement libérale.

· La seule autre possibilité pour pouvoir exercer notre métier de dentiste est d'intégrer l’université, en se présentant au concours de la première année de médecine PACES et ensuite intégrer la 5ème année, ce qui pour les praticiens que nous sommes est quasiment impossible

2- Les résultats PAE 2011 sont encore désastreux pour les odontologistes, les raisons principales sont connues au CNG.

- Chirurgiens dentistes de 2005 à 2011 : de 0 à 5% de reçus (exception faite pour 2009)

- Médecins : + de 60% de reçus

3- Les besoins de dentistes sont croissants (DRESS -2007, Rapport Berland, etc.) et nous, dentistes «Prêt à l'emploi» et français sommes en situation de blocage et pour certains de chomage !

Pourriez vous nous aider pour sortir de cette impasse ?

Samia LAKHAL

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