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Intervention de Daniel Paul

Réunion du 4 juin 2008 à 21h30
Modernisation de l'économie — Article 3

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Paul :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il faut, coûte que coûte, permettre le développement des activités économiques et de l'entreprise individuelle. Dans le monde que nous prépare ce projet de loi, les solidarités de classe devront s'effacer derrière l'individualisation et la marchandisation des rapports humains à tous les niveaux.

Avec cet article, les nouveaux entrepreneurs, salariés ou retraités, exerçant des activités non salariées « à titre accessoire », seront libérés de toute contrainte. Vous allez donc supprimer l'immatriculation au registre du commerce ou au registre des métiers et la remplacer par une simple formalité : la déclaration d'activité. Nous entrons dans le champ, fort intéressant, de l'innovation juridique, qui consiste, si l'on poursuit le raisonnement, à mettre au jour, au mieux des activités « externalisables », au pire des activités jusque-là occultes.

Je cite le rapport de la commission saisie au fond : « La dispense d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés doit permettre un allégement sensible des formalités pesant sur les personnes physiques exerçant une activité commerciale de complément, même s'il faut observer que les frais de greffe et d'affiliation aux assemblées consulaires liés à l'inscription au registre du commerce et des sociétés dont les intéressés seront donc dispensés restent actuellement plutôt réduits.

« La mesure prévue devrait permettre de "voir apparaître" certaines activités aujourd'hui occultes. Quant au montant de chiffre d'affaires annuel imposant l'immatriculation, il devrait être compris entre 50 et 100 % du plafond de micro-imposition ».

Fine observation que celle du rapporteur, qui nous montre par l'exemple à quoi conduira ce texte ! N'étant inscrits dans aucun registre, ces commerçants, artisans et travailleurs indépendants « à titre accessoire » visés par l'article 3 seront certes dispensés des contraintes inhérentes à l'inscription, notamment en matière fiscale – est-ce là le plus grand frein au développement de l'activité ? – mais ils seront également privés de nombreux droits.

En effet, n'étant pas inscrits, ils ne voteront pas aux élections des chambres de commerce, pas plus qu'à celles des chambres de métiers. Ils seront aussi privés du droit à la formation, du droit à un audit de viabilité de leur activité qui, fût-elle accessoire, nécessite pourtant une analyse. Ces personnes, n'étant pas enregistrées, seront libérées des contraintes mais aussi privées de droits. Cela m'amène à vous présenter quelques-unes des raisons fondamentales pour lesquelles nous refusons cette mesure.

En créant cette catégorie de travailleurs indépendants sans devoirs ni droits, vous ouvrez la porte à bien des abus, dont le moindre ne sera pas que l'employeur de l'auto-entrepreneur impose à ce dernier, par ailleurs salarié ou retraité, des tâches qui seront ainsi externalisées.

Vous offrez là, quoiqu'on en dise, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, un filon inépuisable à toutes les entreprises qui, cherchant à mettre en place un plan social, pourront ainsi dissimuler des licenciements secs !

Demain, grâce à l'article 3, il sera possible de mettre en préretraite un salarié âgé tout en lui demandant, dans le cadre d'une activité « à titre accessoire », de continuer à travailler pour l'entreprise qui l'aura gentiment mis au rebut.

Demain, il sera possible d'exiger d'une hôtesse de caisse de supermarché au temps partiel imposé d'effectuer « à titre accessoire » de menues prestations administratives ou comptables depuis son propre appartement, au bénéfice de l'enseigne qui l'emploie.

Demain, il sera possible de demander à un salarié de travailler à temps partiel pour jouer, une journée par semaine, le rôle d'agent commercial indépendant.

Ce que vous allez promouvoir, avec cet article 3, c'est une société des bas salaires, une précarisation généralisée…

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