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Intervention de Patrick Ollier

Réunion du 22 décembre 2011 à 9h30
Répression de la contestation de l'existence des génocides reconnus par la loi — Discussion d'une proposition de loi

Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement :

…qui n'est qu'un texte de coordination juridique tirant les conséquences d'un vide dans notre droit. Il convient donc d'aborder ce débat avec sagesse et calme, en veillant aux mots que l'on emploie, afin de ne heurter personne et, tout simplement, d'essayer de faire une bonne loi et du bon droit.

Je prends la pleine mesure de ce sujet qui peut partager la représentation nationale. En effet, il ne s'agit pas d'un débat simple, car ce texte – qui, je l'ai dit, vise à harmoniser notre droit – peut, pour certains, renvoyer à un débat de conscience. Je le comprends et l'admets tout à fait.

Dans cet hémicycle, la conscience pousse un certain nombre d'entre vous à s'exprimer. C'est ce qui donne de l'intensité à vos échanges. Soucieux de permettre le débat sur cette initiative récurrente, le Gouvernement a donc accepté l'inscription, ce jour, de la proposition de loi.

Je remercie, à cet égard, pour la qualité de leurs travaux, les membres de la commission des lois et son président, M. Jean-Luc Warsmann, qui ont fait évoluer la proposition initiale en prenant en compte les observations des uns et des autres, notamment du Gouvernement.

La proposition de la commission se présente désormais comme un texte global, qui ne cherche à viser personne en particulier. C'est un texte de principe : il ne s'agit pas de légiférer sur des problèmes historiques, mais seulement d'harmoniser notre droit pour combler un vide dans l'application de notre législation pénale.

En effet, à ce jour, deux génocides ont été reconnus comme tels par la loi : la Shoah, par la loi Gayssot du 13 juillet 1990, et le génocide arménien par celle du 29 janvier 2001. Seule la négation de la Shoah est pénalement réprimée, et le dispositif pénal qui sanctionne la négation du génocide juif n'est pas applicable à d'autres génocides. Voilà pourquoi cette proposition vient aujourd'hui à l'ordre du jour.

Certes, si notre droit ne permet pas, en l'état, de poursuivre et de sanctionner le négationnisme quand il vise d'autres génocides, d'autres qualifications pénales sont susceptibles de fonder la poursuite de tels propos. Car le négationnisme relève le plus souvent d'une logique de provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la violence raciale, nationale ou religieuse, et de tels agissements sont systématiquement poursuivis par le ministère public. Le garde des sceaux a d'ailleurs adressé une circulaire aux parquets le 6 mai 2011, dans laquelle il rappelle la nécessité d'une réponse ferme et systématique aux infractions de cette nature.

Mais beaucoup plaident aujourd'hui pour que la négation de tous les génocides reconnus comme tels par la loi française soit également réprimée. C'est bien le seul objet de la proposition de loi qui vient en discussion aujourd'hui, dans sa rédaction issue des travaux de la commission des lois.

La question de l'opportunité des lois mémorielles est un réel et vaste sujet auquel aucun parlementaire, aucun juriste ni aucun historien ne peut répondre de manière définitive. Le Gouvernement respecte toutes les opinions, qu'elles soient favorables ou défavorables, quant à l'opportunité de ces lois. Néanmoins, dans le cas présent, il ne s'agit pas, je le répète, de reconnaître ou de nier tel génocide mais bien de prévoir, ou non, une réponse pénale à la contestation ou à la minimisation d'un génocide déjà reconnu par la loi française. Ce texte ne vise donc personne en particulier ; il complète simplement notre législation pénale.

Mais, bien entendu, nul ne peut ignorer la réaction de nos amis turcs.

La Turquie est un grand pays, avec lequel nous souhaitons ardemment développer nos relations, qu'elles soient amicales, économiques ou culturelles. La Turquie joue un rôle stratégique dans sa région et au-delà. Nul ne le conteste. Le Gouvernement souhaite rappeler sa conviction que nos intérêts stratégiques communs, notre coopération pour la paix et la liberté en Syrie et en Afghanistan, notre appartenance commune à l'OTAN ou au G20, nos coopérations culturelles et économiques sont suffisamment forts pour surmonter les épreuves que peuvent traverser nos relations.

S'agissant du texte qui est proposé, je veux en revenir à son article premier. Cet article insère un nouvel article 24 ter dans la loi du 29 juillet 1881 concernant la presse, qui dispose que ceux qui auront contesté ou minimisé de façon outrancière l'existence d'un ou plusieurs crimes de génocide défini par l'article 211-1 du code pénal, et reconnus comme tels par la loi française, seront punis d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende, cette infraction pouvant être commise dans des réunions publiques, par affichage, par la distribution de tracts, mais aussi sur Internet.

L'article 2 vise, quant à lui, à élargir la capacité d'agir en justice des associations qui se proposent de défendre l'honneur des victimes de crimes de génocide. L'amendement de coordination déposé par Mme la rapporteure vise à permettre à ces associations d'agir en justice en ce qui concerne l'infraction prévue par l'article 24 ter de la loi du 29 juillet 1881, créé par l'article premier de la proposition de loi.

Tel est le dispositif législatif qui vous est aujourd'hui proposé. Le Gouvernement relève que cette proposition s'inscrit dans un mouvement d'ensemble – que je souhaite rappeler – qui vise à pénaliser les propos racistes ou xénophobes. Je veux insister devant les parlementaires qui m'écoutent sur le fait que ce texte n'a rien d'une initiative isolée.

Ainsi l'Union européenne a-t-elle adopté en 2008 une décision-cadre sur la pénalisation de certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie.

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