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Intervention de François de Rugy

Réunion du 20 décembre 2011 à 22h00
Application de l'article 11 de la constitution — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

Reste que douze mois, c'est excessivement long. Dans la proposition de loi que j'avais défendue, nous prévoyions douze mois au maximum pour la collecte des signatures. Si néanmoins la commission désignée par le Conseil constitutionnel constatait que les signatures étaient recueillies avant l'échéance, il était possible de passer à l'étape suivante. Je précise ici que, dans certains pays comme la Suisse, qui possède une vieille tradition de votation citoyenne, la collecte des signatures peut s'étendre sur dix-huit mois. En effet, collecter des signatures n'est pas forcément chose aisée.

Comme l'on n'est jamais trop prudent, vous avez également spécifié que toute procédure s'interrompt six mois avant l'élection présidentielle. En fait, lorsqu'on cumule les délais, cela signifie qu'un an, un an et demi, deux ans même avant l'élection présidentielle, il est inutile de lancer une procédure d'initiative populaire : elle ne pourrait pas aboutir avant le début de ce délai fatidique de six mois avant l'élection.

Autre restriction, un peu étonnante, les signatures ne pourront être recueillies que par voie électronique. Je suis pour qu'elles le soient par cette voie. Je l'avais dit lors du débat de décembre 2010 ; on m'avait rétorqué que cela pouvait être dangereux et méritait réflexion. Et voilà que vous basculez dans le tout-électronique. Sans me faire le défenseur absolu du papier, je pense à ceux de nos concitoyens qui sont un peu rétifs à l'utilisation d'internet. Bien sûr, il y a une borne internet dans chaque mairie, et on pourrait leur dire d'y aller. Mais il serait quand même utile de conserver, en complément, la voie papier. Dans ma proposition de loi, je conservais cette possibilité ; je suis surpris que vous ne l'ayez pas retenue.

Une autre restriction mérite qu'on s'y arrête, car elle va à rebours de la tradition française, c'est la publicité des signatures. Il est bien rare que celui qui recueille des signatures pour une pétition aille les placarder sur les murs, ou sur internet. Nous sommes ici à la marge du droit électoral certes, et vous l'avez fait observer en commission : il ne s'agit pas du secret du vote. Quand on signe une pétition, il faut l'assumer. Mais quand même, non seulement il va falloir trouver 4 500 000 signatures, mais il faudra qu'elles soient publiques. Déjà, alors que les 500 parrains dont la signature est requise pour être candidat à la présidentielle sont des hommes et des femmes qui font de la politique, donc qui assument leurs choix, il n'est pas simple pour eux de parrainer quelqu'un pour une élection démocratique. Pour les simples citoyens, c'est plus compliqué encore de s'engager publiquement.

Vous avancez un certain nombre de précautions. Par exemple, les fichiers de signataires ne pourront pas être utilisés, dites-vous. Mais s'ils sont publics, à un moment ils pourront l'être. Je ne comprends pas l'objectif poursuivi, ou plutôt je soupçonne qu'il y a là un moyen de dissuasion. Décidément, tout doit être fait pour que cette procédure ne soit pas utilisée.

Monsieur le rapporteur, je vous remercie d'avoir présenté dans votre rapport une frise chronologique pour montrer comment les différentes phases s'enchaînent dans le temps. Vous en concluez que pour mener à bien la procédure, il faut un délai de 15 mois incompressible. Un an et trois mois, à l'ère de la vitesse, du storytelling cher à Nicolas Sarkozy et des procédures d'urgence que le Gouvernement impose au Parlement, c'est plus qu'un train de sénateur – si vous me permettez l'expression, monsieur le ministre.

Et le rapporteur ajoute, avec honnêteté, que les 15 mois sont incompressibles, mais que le délai le plus probable, c'est 23 mois ! Presque deux ans, et en évitant de s'approcher de l'élection présidentielle ! On a le temps de voter plusieurs fois la réforme de La Poste, celle des retraites, sujets qui intéressent nos concitoyens. Presque deux ans, on n'est plus dans le temps de la politique ! Ce n'est pas sérieux !

Mais j'imagine – j'aime anticiper la critique – que vous nous reprocherez de ne rien proposer. Il se trouve que j'ai déposé et défendu une proposition de loi ; vous n'avez pas voulu la voter. C'était il y a un an, un an que nous aurions gagné, et comme les délais que je prévoyais étaient moins longs, on aurait pu utiliser cette procédure avant l'élection présidentielle. Mais c'est peut-être ce qui vous gênait.

En tout cas, si les Français nous donnent la majorité en 2012…

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