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Intervention de Michel Mercier

Réunion du 20 décembre 2011 à 22h00
Application de l'article 11 de la constitution — Discussion d'un projet de loi organique et d'un projet de loi modifiés par le sénat

Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés :

Droit d'exciper de l'inconstitutionnalité d'une loi à l'occasion de toute instance ; possibilité de saisir le Défenseur des droits, autorité de niveau constitutionnel dotée de compétences élargies et de moyens d'action sans précédent ; droit de saisir directement le Conseil supérieur de la magistrature du comportement d'un magistrat susceptible de faire l'objet de poursuites disciplinaires.

Les deux textes soumis ce soir à votre examen renouvellent également notre pratique démocratique avec la mise en oeuvre d'un nouvel instrument au service de l'État de droit : le référendum d'initiative partagée. Ces textes déterminent en effet les conditions dans lesquelles, conformément aux nouvelles dispositions de l'article 11 de la Constitution, les électeurs pourront apporter leur soutien à une proposition de loi dans le but de la faire adopter par le Parlement ou par la voie référendaire.

Proposée par le comité Vedel en 1993 pour renforcer le droit des citoyens, la proposition de « référendum d'initiative minoritaire » a été reprise, en 2007, par le comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, présidé par Édouard Balladur.

L'article 11 de la Constitution dispose désormais qu'un « référendum peut être organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits » ; « cette initiative prend la forme d'une proposition de loi ». Le constituant a souhaité que cette nouvelle procédure, contrairement à l'initiative populaire italienne qui n'est qu'abrogative, puisse conduire à l'élaboration de nouvelles normes dans tous les domaines relevant actuellement du champ du référendum, réserve faite du domaine constitutionnel.

Ne pouvant intervenir que dans les domaines énumérés à l'article 11 et sur un texte préalablement jugé constitutionnel par le Conseil constitutionnel, cette nouvelle procédure référendaire n'a par ailleurs aucune visée plébiscitaire.

Conformément à l'article 11 de la Constitution, le projet de loi organique qui vous est aujourd'hui soumis détermine les conditions de présentation de l'initiative partagée ainsi que les modalités de son contrôle, confié par le constituant au Conseil constitutionnel.

Le texte précise ainsi que l'initiative est d'abord soumise au Conseil constitutionnel par les membres du Parlement qui en sont les signataires. Le juge constitutionnel dispose alors d'un délai d'un mois pour vérifier que les conditions de recevabilité prévues par la Constitution sont respectées, comme le soutien d'un cinquième des membres du Parlement, le respect du champ du référendum défini à l'article 11 de la Constitution et, enfin, la conformité de la proposition de loi à l'ensemble des règles et principes de valeur constitutionnelle.

Par mesure de cohérence, votre commission a souhaité préciser, dans le projet de loi ordinaire, que les dispositions de l'article 39 de la Constitution qui permettent de saisir pour avis le Conseil d'État d'une proposition de loi ne seront plus applicables dès lors que celle-ci aura été transmise au Conseil constitutionnel au titre de l'article 11. Il convient en effet d'éviter le chevauchement de procédures qu'induirait une saisine parallèle des deux institutions dont les contrôles porteraient, certes en partie seulement, sur les mêmes questions juridiques. Une fois déclarée recevable, la proposition doit recueillir le soutien d'au moins un dixième du corps électoral. Le projet de loi organique encadre cette procédure afin d'en garantir la sincérité et la régularité. Le recueil des soutiens s'opérera par voie électronique, ce qui facilitera tant leur collecte que les opérations de contrôle par le Conseil constitutionnel.

Chaque citoyen pourra donc directement soutenir une proposition depuis son domicile, de la même façon qu'il peut faire sa déclaration d'impôt en ligne. Pour ceux de nos concitoyens qui n'ont pas accès à un équipement informatique ou qui n'ont pas de connexion Internet, la commission des lois a prévu, sur votre proposition, monsieur le rapporteur, que les communes chefs-lieux de canton mettent à disposition des points d'accès Internet.

Une commission spéciale sera chargée d'assurer le suivi de l'ensemble des opérations de recueil du soutien des électeurs et de régler, pendant cette période, les éventuelles réclamations et contestations. Sur proposition de votre rapporteur, les garanties d'indépendance et d'impartialité de cette commission ont été renforcées : les membres, ainsi que leurs collaborateurs ou toute autre personne prenant part aux travaux, seront astreints à une obligation de discrétion sur le contenu des débats, les votes et les documents de travail.

Je rappellerai que, par sa composition, la commission présente d'importantes garanties d'indépendance et de compétence : en effet, elle comprendra six membres issus des hautes juridictions – Conseil d'État, Cour de cassation et Cour des comptes – nommés pour un mandat de six ans non renouvelable et soumis à un régime d'incompatibilités.

Votre commission des lois a souhaité fixer un délai d'un mois pour l'examen par le Conseil constitutionnel du nombre et de la validité des soutiens. C'est une question sur laquelle la réflexion n'est peut-être pas allée jusqu'à son terme. Fixer un délai à ce stade de la procédure n'apparaît pas indispensable. En tout état de cause, il convient de nous assurer que ce délai laissera au Conseil constitutionnel les moyens d'opérer un contrôle approfondi sur le travail réalisé par la commission chargée de superviser le recueil des soutiens.

Le projet de loi ordinaire vient, quant à lui, préciser les sanctions pénales destinées à garantir, sur le modèle des dispositions prévues actuellement pour les scrutins électoraux, la régularité et la sincérité des opérations de collecte des soutiens à une initiative référendaire, qu'il s'agisse de l'usurpation d'identité d'un citoyen inscrit sur les listes électorales, de l'altération des données collectées par voie électronique, ou encore de menaces, violences ou toute forme de pression exercée sur les citoyens pour les contraindre ou les dissuader d'apporter leur soutien à l'initiative. Je voudrais saluer l'important travail, effectué par le rapporteur, de mise en cohérence de ces sanctions avec celles prévues par le code électoral.

Par ailleurs, même si le recueil de ces données à caractère personnel ne tombe pas sous le coup des interdictions formulées dans la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, il était impératif d'encadrer le traitement qui en sera fait.

Les citoyens qui apporteront leur soutien doivent bénéficier de toutes les garanties : les données les concernant, qui seront recueillies électroniquement, devront servir aux seules fins de vérification et de contrôle prévues par le texte, et toute utilisation contraire sera pénalement sanctionnée. Comme le requiert la loi du 6 janvier 1978, le recueil et le traitement des données devront être entourés de toutes les mesures de sécurité nécessaires, notamment techniques. Les conditions de consultation des listes de soutien et de conservation des données seront précisément définies par décret en Conseil d'État.

Sur proposition de votre rapporteur, le projet de loi a été complété pour renforcer les garanties offertes à nos concitoyens. Le décret qui fixera les conditions de mise en oeuvre des traitements de données à caractère personnel sera ainsi soumis à la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

Une fois la recevabilité établie par le Conseil constitutionnel sur la base des soutiens apportés, la proposition de loi sera soumise à l'examen du Parlement. Celui-ci disposera, comme le recommandait la commission Balladur, de douze mois pour l'examiner. À l'expiration de ce délai, et à défaut d'un examen par chacune des chambres du Parlement, le Président de la République devra la soumettre à référendum dans un délai de quatre mois. La procédure prévue par l'article 11 de la Constitution permettra ainsi d'inscrire à l'ordre du jour des assemblées la proposition de loi soutenue par une partie significative du corps électoral. Ce n'est que si le Parlement ne s'est pas prononcé, de quelque manière que ce soit et dans un délai de douze mois, sur le texte ayant reçu le soutien d'un dixième des électeurs, que celui-ci sera soumis au référendum.

En créant une initiative parlementaire soutenue par une part importante du corps électoral, le constituant de 2008 a renforcé la dimension démocratique du rôle du législateur, grâce à une procédure nouvelle associant étroitement le peuple souverain et ses représentants.

Comme le soulignait le comité Balladur, il eût été contradictoire d'émanciper le Parlement tout en étendant de manière excessive le champ de la démocratie directe. La procédure choisie par le constituant est originale et sans équivalent exact dans les autres États disposant de mécanismes d'initiative populaire.

Initiative partagée,…

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