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Intervention de Dominique Raimbourg

Réunion du 7 décembre 2011 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Raimbourg :

Le dossier est difficile, car il touche à un épisode extrêmement dramatique de l'histoire. Il exige donc de faire preuve de recul et d'une sensibilité particulière.

La reconnaissance du génocide, désormais acquise en France, ne peut que contribuer à la cicatrisation de la blessure subie par les Arméniens. Cela étant, la comparaison avec la loi Gayssot ne s'impose pas nécessairement. En effet, si l'on exclut les activités de quelques illuminés auxquelles il sera de toute façon impossible de mettre définitivement un terme, on n'observe pas, à l'égard du génocide arménien, un mouvement de contestation comparable au négationnisme à relents antisémites qui sévissait lors de l'adoption de la loi du 13 juillet 1990, et dont le retentissement était tel que l'Université avait dû prendre des mesures à l'encontre de certains de ses membres et de leur travail prétendument historique. Dans ces conditions, et en l'absence de comportements qui troublent gravement l'ordre public, la création d'un nouveau délit est-elle nécessaire ?

Même dans le cas où un tel mouvement de contestation apparaîtrait, et s'il en venait à exciter la haine à l'égard d'un groupe de personnes, la loi française réprime déjà de tels comportements. Le droit en vigueur satisfait d'ores et déjà le contenu de la directive.

À l'issue des travaux d'une mission d'information présidée par le président Accoyer lui-même, l'Assemblée avait décidé de se montrer très prudente s'agissant de ce que l'on appelait à l'époque les « lois mémorielles » : les intrusions du pouvoir législatif dans le travail historique devaient cesser. Aucune raison particulière n'incite à revenir sur cette position.

Ce qui est important, c'est que les auteurs du génocide en reconnaissent eux-mêmes l'existence, parce qu'il fait partie de leur histoire. Nous-mêmes, de temps en temps, devrions nous pencher sur notre propre histoire et en examiner avec plus de lucidité les épisodes les plus douloureux ; cela nous donnerait une plus grande légitimité au moment de donner des leçons au monde entier. Or des négociations diplomatiques sont en cours avec la Turquie, notamment à propos de son adhésion à l'Union européenne ou sur la définition d'un statut particulier. L'adoption de cette proposition de loi ne risquerait-elle pas de nuire à l'objectif essentiel, celui de faire entrer ce génocide dans l'histoire universelle ?

Pour toutes ces raisons, nous sommes plutôt réservés à l'égard de ce texte, même si cette position est susceptible d'évoluer au cours du débat.

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