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Intervention de Jean-Pierre Kucheida

Réunion du 29 novembre 2011 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Kucheida, rapporteur :

Comme vous le savez, la France a développé depuis quelques années la négociation et la signature d'accords bilatéraux dans le domaine de la sécurité intérieure, afin de donner une base juridique solide à la coopération opérationnelle et technique. C'est ainsi que notre commission est amenée à examiner un accord de coopération avec la Bosnie-Herzégovine, signé le 29 mars 2010 à Paris. Il suffit de regarder une carte pour mesurer la complexité de cette région des Balkans occidentaux et l'étroite intrication des différentes entités qui la constituent.

Le pays, où l'Etat est particulièrement faible, présente en effet un contexte sécuritaire dégradé en raison des nombreux trafics – notamment de stupéfiants, d'armes et de véhicules –, de la corruption et du risque terroriste avec l'implantation de structures salafistes fondamentalistes lors de la guerre. Il constitue une zone de transit pour diverses formes de criminalité organisée, dont les répercussions touchent la France et d'autres pays européens. Pour vous donner un exemple, 37 % de l'héroïne afghane passerait par les Balkans. Le montant des fraudes en 2010 est estimé à 103 millions d'euros. Cette situation justifie le soutien de l'Union européenne et de la France pour lutter contre ces formes de criminalité et poursuivre les efforts déjà entrepris. Diverses formes de coopération existent déjà avec l'Union européenne et la France.

La Bosnie-Herzégovine, qui aspire à rejoindre l'Union européenne, a signé avec cette dernière le 16 juin 2008 un accord de stabilisation et d'association, qui vise à renforcer ses institutions, en particulier l'appareil judiciaire, à tous les niveaux. De nombreux programmes ont été développés sous la forme d'instruments de pré-adhésion et, sur la période 2007-2013, ce sont 48 projets qui ont été lancés pour un montant d'environ 45 millions d'euros. La Mission de police de l'Union Européenne, créée en 2002 et renouvelée en 2009 jusqu'au 31 décembre 2011, participe également à la lutte contre la criminalité organisée et au renforcement de la coopération entre police et justice.

La coopération avec la France remonte quant à elle à l'indépendance du pays, le 1er mars 1992, avec un dialogue bilatéral régulier, et nous avons été le premier Etat à y ouvrir une ambassade en janvier 1993. Les relations économiques entre nos deux pays sont encore modestes mais la coopération culturelle et artistique est déjà riche. En matière de sécurité intérieure, notre collaboration remonte à 2003 et s'est traduite par des actions de formation, des échanges d'experts, un stage consacré à la lutte anti-terroriste à Sarajevo en mai 2011 ou encore des visites en France. Entre 2006 et 2009, 57 actions ont ainsi été montées au profit de quelques 550 stagiaires et visiteurs et 16 actions de coopération ont eu lieu au cours de l'année 2010.

Cette coopération intervient dans un pays caractérisé par une organisation administrative complexe, ce qui a abouti à des blocages politiques et à l'absence de constitution d'un gouvernement central après les élections générales d'octobre 2010 – certains pensent qu'un gouvernement pourrait être formé au cours des prochains jours, mais je ne suis pas aussi optimiste. La Bosnie-Herzégovine, peuplée de quatre millions d'habitants – un peu moins, donc, que la région Pas-de-Calais –, est en effet composée de trois peuples constituants (Bosno-serbes, Bosno-croates et Bosniaques) et de deux entités, la République Srpska et la Fédération croato-musulmane, elle-même divisée en dix cantons qui disposent de leur propre gouvernement, auxquelles s'ajoute un district autonome sous supervision internationale. En conséquence, la structure des services de police est également complexe, puisque 21 000 policiers se répartissent entre le niveau central et les entités en 18 administrations de police différentes. Les polices souffrent de la faiblesse de l'Etat central par rapport aux entités et ne disposent par exemple pas de bases de données centralisées. Les responsables manifestent néanmoins une réelle volonté de coopération entre entités et avec l'étranger. Notre coopération s'adresse à l'ensemble des forces de police.

Le présent accord vise à formaliser notre coopération avec la Bosnie-Herzégovine et à la renforcer pour lutter efficacement contre les risques sécuritaires.

L'article 1er fixe ainsi, de manière non exhaustive, les domaines de coopération concernés : criminalité organisée, trafic illicite de stupéfiants, terrorisme, infractions à caractère économique et financier, traite des êtres humains, trafic d'organes, immigration illégale, sûreté des moyens de transport, faux et contrefaçons, vol et trafic illicite d'armes, trafic de véhicules volés et de biens culturels, police technique et scientifique, formation.

L'article 2 stipule que l'accord s'inscrit dans le respect strict de la législation de chaque Etat partie et rappelle que toute demande de communication d'information peut être rejetée si elle risque de porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne ou si la souveraineté, la sécurité, l'ordre public ou les règles d'organisation et de fonctionnement de l'autorité judiciaire de l'Etat sont menacés.

L'article 3 précise les modalités de la coopération contre les différentes formes de criminalité internationale : échange d'informations, partage des résultats des recherches en criminalistique et en criminologie, échange de spécialistes et coopération dans les actions policières opérationnelles.

L'article 4 concerne quant à lui la lutte contre les produits stupéfiants, de leur culture jusqu'à leur commercialisation. Il prévoit l'échange d'informations concernant la localisation, les activités, les individus, les réseaux et leurs méthodes, ainsi que l'évolution des méthodes et techniques pour prévenir les trafics et les résultats d'expérience.

L'échange d'informations relatives aux actes de terrorisme et aux groupes terroristes est visé à l'article 5.

Les articles de 6 à 12 déterminent quant à eux les modalités de mise en oeuvre des actions relevant de ces domaines de coopération, notamment la protection des données nominatives. La Commission nationale de l'informatique et des libertés indique cependant que la Bosnie-Herzégovine ne dispose pas d'une législation adéquate en matière de protection des données à caractère personnel et n'a pas fait l'objet d'une reconnaissance de protection adéquate par la Commission européenne. L'accord permettra néanmoins de développer l'échange d'informations autres que les données à caractère personnel, en attendant une éventuelle amélioration de la législation bosnienne.

L'article 12 prévoit enfin que l'accord est conclu pour une durée de trois ans, tacitement renouvelable.

Cet accord permettra des avancées importantes dans la coopération entre nos deux pays, avec pour conséquence directe une efficacité renforcée dans la lutte contre les différentes formes de criminalité organisée, ce qui est dans l'intérêt de la Bosnie-Herzégovine comme de la France. C'est pourquoi je vous invite à adopter ce projet de loi.

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