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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 29 novembre 2011 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame et messieurs les rapporteurs, en première lecture, le Gouvernement avait, avec une arrogance décomplexée, placé ce texte sous le double signe de la responsabilité et de la justice sociale, et prétendu sauvegarder le caractère solidaire de notre système de protection sociale. Vos justifications sonnaient presque comme un aveu visant à mieux vous faire pardonner l'absence totale de ces deux notions dans les mesures de ce PLFSS.

Parlons de responsabilité. Où est la responsabilité dans la procédure au pas de charge que vous nous avez imposée en deuxième lecture, marquée par un déni de démocratie sociale et un mépris flagrant pour le travail parlementaire ?

Où est la responsabilité dans ce texte qui ne respecte en rien l'exigence constitutionnelle de clarté et de sincérité du débat parlementaire en général et du débat budgétaire en particulier ? Est-il responsable de fixer l'ONDAM au taux le plus bas de son histoire en faisant peser l'essentiel de l'effort de maîtrise des dépenses sur le secteur hospitalier et en transférant sur les malades les coûts de leur guérison ?

Est-il responsable, de la part d'un gouvernement, de minorer comme vous le faites le poids du reste à charge pour les assurés et l'augmentation préoccupante des refus de soins pour motif économique ?

Où est la responsabilité dans votre refus dogmatique de tirer les leçons de vingt-cinq ans de politiques de maîtrise des dépenses de santé ? Trois décennies de libéralisme ont pourtant montré que l'explosion des déficits résulte d'une réduction de la croissance des recettes consécutive à la faiblesse des créations d'emplois et à leur précarisation croissante, et non, comme vous tentez de le faire croire, d'un excès de dépenses.

Où est la responsabilité dans vos politiques économiques, dont dépendent en grande partie le financement de la sécurité sociale ? Le budget de l'emploi est en baisse de 12 % pour 2012, et le nombre de contrats aidés passera de 520 000 à 390 000 l'an prochain. Quelle faute politique en ces temps de crise sur le marché de l'emploi !

Vous maintenez les allégements généraux de cotisations sociales sur les bas salaires, qui enferment les travailleurs dans la précarité, et l'exonération de cotisations sur les heures supplémentaires, en dépit d'avis réitérés de la Cour des comptes et de Bercy sur l'inefficacité de telles mesures.

Les conséquences de votre irresponsabilité patente se mesurent à l'aune de la situation économique de notre pays et des chiffres désastreux du chômage, dont vous êtes entièrement coupables et comptables : entre septembre et octobre, le nombre de chômeurs de catégorie A a augmenté de 1,2 %, plus 6,9 % pour les femmes, plus 15,5 % pour les seniors ; en un an, la hausse est de 4,9 % et, si l'on y ajoute les chômeurs des catégories B et C, le rythme de progression annuel passe à 5,2 % – encore ces chiffres ne valent-ils que pour la métropole !

Rappelons que M. Bertrand affirmait faire de l'emploi sa priorité, en prétendant ramener le chômage en dessous de la barre des 9 % : l'OCDE prévoit aujourd'hui qu'il dépassera malheureusement les 10 % en 2012 ! Nous vous tenons légitimement pour coupables de l'augmentation de 36 % du chômage toutes catégories confondues, entre 2008 et 2012, ce qui représente plus d'un million de chômeurs supplémentaires.

Où est la responsabilité, face à ces faits et à ces chiffres, dans votre refus obstiné des propositions formulées dans cet hémicycle et que le Sénat avait eu le courage de voter ? Nous vous proposions des ressources pérennes, responsables, vertueuses et surtout équitables et justes pour nos concitoyens. Vous les avez balayées avec insolence et dédain !

Tout dans ce PLFSS, le dernier d'un quinquennat désastreux pour les comptes de la sécurité sociale autant que pour les assurés, témoigne de votre absence totale de responsabilité budgétaire et de votre profond mépris pour tout ce qui touche à la solidarité.

Parlons de justice sociale et de solidarité, deux notions que vous bafouez en permanence ! Où sont la justice sociale et la solidarité dans votre mesure de désindexation des prestations familiales au profit d'une revalorisation forfaitaire au taux de 1 %, pour un rendement ridicule, de l'ordre de 300 millions d'euros ? Vous savez que cette mesure appauvrira mécaniquement les ménages et touchera de plein fouet les familles monoparentales, au premier rang desquelles se trouvent surtout des femmes seules avec leurs enfants. Or, actuellement, le tiers de ces familles, soit 1,6 million de personnes, vivent sous le seuil de pauvreté fixé à 954 euros par mois. Pour ces familles, un euro, c'est un repas !

Comment osez-vous dès lors laisser entendre, comme l'a fait Mme Bachelot, qu'un manque à gagner de 100 euros en moyenne n'affectera que de manière très limitée les allocataires ? On frise ici la provocation ! Cent euros pour ces familles, ce n'est pas de l'argent de poche : cela représente un mois de produits alimentaires de première nécessité pour nourrir un enfant !

Où sont la justice sociale et la solidarité dans le doublement de la taxe spéciale sur les contrats d'assurance complémentaire santé solidaires et responsables et sur les contrats des mutuelles étudiantes ? C'est une mesure qui accentuera les inégalités d'accès aux soins et qui s'ajoute à d'autres déjà dramatiques du point de vue de la santé publique, telles que les franchises médicales ou le forfait hospitalier, qui ont fait exploser – toutes les études le démontrent – le reste à charge et le taux de renoncement aux soins.

Où sont la justice sociale et la solidarité dans l'accélération inopinée de l'application de la réforme des retraites, qui pénalise un nombre croissant d'assurés alors que ceux-là mêmes qui devaient partir à la retraite sont les plus touchés par le chômage ? Rappelons qu'en un an le nombre de chômeurs de plus de cinquante ans a augmenté de 14,3 % et que des milliers de seniors se trouvent privés par vos décisions d'emploi et de retraite.

Où sont la justice sociale et la solidarité dans la mesure annoncée ce jour de baisser les indemnités journalières pour les salaires supérieurs à 1,8 fois le SMIC ?

La solidarité, pour ce gouvernement et sa majorité, cela consiste à demander toujours plus d'efforts à ceux qui donnent déjà le maximum au financement de la sécurité sociale et subissent aujourd'hui le plus durement la crise, ouvriers, salariés, bas revenus, étudiants, familles monoparentales, classes moyennes, futurs retraités, malades et précaires.

La justice sociale, pour ce gouvernement et sa majorité, c'est faire peser 86 % des mesures d'économies sur les revenus du travail des assurés que je viens de citer, sans jamais prendre, ou si peu, aux patrimoines des plus aisés de nos concitoyens !

La réalité, c'est que ce PLFSS n'est ni responsable, ni solidaire, ni juste. La réalité, c'est que vous êtes coupables de la dégradation de la situation économique et de celle de nos comptes sociaux.

Pour couronner le tout, votre politique est jalonnée de mensonges permanents. Mensonge sur la prétendue neutralité de vos mesures fiscales et sociales pour nos concitoyens alors que vous avez créé pas moins de vingt-quatre taxes nouvelles et augmenté le poids des prélèvements obligatoires dans le revenu des ménages de 1,6 % en cinq ans ; le candidat-président avait pourtant affirmé qu'il n'avait pas été élu pour augmenter les impôts…

Mensonge à répétition sur le retour à l'équilibre des comptes sociaux : vous nous annonciez déjà il y a six ans le rétablissement des comptes de la sécurité sociale pour 2008 ; vous avez en 2007 repoussé cet objectif à 2010, puis à 2012… Aujourd'hui, vous nous annoncez que vous y arriverez à l'horizon 2015 : un mensonge de plus dans le contexte économique actuel !

Mensonge par omission sur la fraude sociale : vous dénoncez la fraude sociale des assurés en faisant un amalgame nauséabond entre fraudeurs, malades et étrangers. Cette stigmatisation cache mal votre absence criante de résultats et l'injustice sociale de vos politiques.

En revanche, vos communications ne disent rien sur la fraude sociale des entreprises et du patronat, rien sur le travail dissimulé ou l'emploi de travailleurs sans papiers, rien sur la sous-déclaration des accidents du travail et maladies professionnelles, qui coûtent près d'un milliard par an à la sécurité sociale, rien non plus sur les contrats de travail frauduleux, les licenciements et les plans sociaux déguisés en ruptures conventionnelles, alors que cette fraude pèse entre et 15 et 20 milliards d'euros.

Mensonge par omission encore sur les déficits : vous oubliez de rappeler que, de 2007 à 2010, vous les avez multipliés par 3 !

Mensonge toujours : vous claironnez votre volonté de ne pas faire supporter le poids de vos turpitudes aux générations futures, alors que vous transférez toujours davantage les dettes des caisses à la CADES et maintenez son plafond d'emprunt à un niveau indécent, qui fragilise le système de protection sociale dans son ensemble.

Mensonge à nos concitoyens, et surtout à nos concitoyennes : sous la pression du MEDEF, vous n'avez quasiment rien fait en dix ans en faveur de l'exigence constitutionnelle d'égalité salariale entre les hommes et les femmes. Si elle était effective, elle rapporterait 35 milliards d'euros au budget de la sécurité sociale !

Mensonge et irresponsabilité enfin sur vos prévisions macroéconomiques surréalistes : en première lecture, vous reteniez sans en démordre une hypothèse de croissance de 1,75 %, alors que toutes les études tablaient plutôt sur 1 %. Aujourd'hui, Mme Pécresse maintient sa prévision à 1 % pour 2012, alors que l'OCDE prévoit au mieux 0,3 %, au pire une récession. Vous frisez le ridicule !

À l'heure du bilan social de cette législature, nous pouvons sans crainte affirmer que le Président de la République et son gouvernement sont ceux qui auront, à rebours des avancées sociales qui caractérisent la Ve République, le plus fragilisé la sécurité sociale, cassé la solidarité nationale, précarisé nos concitoyens et creusé les inégalités sociales, notamment face au système de soins.

« Payer plus pour avoir moins », telle pourrait être la nouvelle devise de l'UMP ! Ce PLFSS témoigne malheureusement de l'entreprise de démantèlement de notre système de protection sociale menée tambour battant par cette majorité.

Vous l'aurez compris, les députés communistes, républicains citoyens et du Parti de gauche nourrissent et défendent d'autres ambitions pour notre pays et nos concitoyens.

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