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Intervention de Simon Renucci

Réunion du 24 novembre 2011 à 9h30
Plan d'aménagement et de développement durable de corse — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSimon Renucci :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, je pars avec un sacré handicap : tous les orateurs qui m'ont précédé sont plus brillants que moi. Je n'ai, en ce qui me concerne, qu'un message à faire passer, c'est ma part de vérité, et celle de tous les Corses : nous nous félicitons que notre littoral soit conservé comme il l'est aujourd'hui et qu'il ne ressemble pas à celui d'autres régions. C'est là l'essentiel.

Cela dit, il s'agit également, aujourd'hui, de faire preuve de sagesse. La Corse a besoin d'orientations claires pour se projeter et pour réfléchir non seulement à son développement mais aussi à la protection de son environnement. N'oublions jamais que notre nature est l'un des atouts majeurs du développement économique de l'île. Un équilibre est donc nécessaire.

À la collectivité territoriale de Corse, que M. Giacobbi préside, incombe l'entière responsabilité de l'élaboration et de l'adoption du PADDUC. Cette prérogative totalement décentralisée est d'une importance majeure.

Hélas, ces dernières années, nous n'avons pas pu trouver le consensus essentiel à l'adoption d'un nouveau PADDUC ; M. de Rocca Serra nous a expliqué les raisons de cet échec. On reprend les mêmes et on recommence ? Pas du tout ! L'Assemblée de Corse a changé, et j'espère que ce changement trouvera sa traduction concrète dans les orientations que nous arrêtons aujourd'hui et qui permettront aux Corses de décider librement des choix à faire. Je formule donc le même voeu que d'autres en me fondant sur un raisonnement différent.

Le point d'équilibre entre le développement et l'environnement doit être notre ligne de conduite.

Le texte que nous examinons a pour objectif de faciliter l'adoption de ce plan tout en respectant la compétence de la collectivité et en y intégrant les prescriptions du Grenelle, qu'il faut respecter car la Corse fait partie de la nation française.

Aux termes de ce projet de loi, dans certains cas, le PADDUC pourra s'imposer – le ministre de l'intérieur y a veillé – aux décisions individuelles ; ce point est sans ambiguïté. Je l'avais demandé il y a quelques mois en posant une question orale sans débat.

Le projet de loi ne modifie en rien l'articulation du PADDUC avec la loi relative au développement et à la protection de la montagne, dite loi montagne, ni avec la loi relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite loi littoral, telles qu'elles ont été adoptées par le législateur en 2002.

Il est en outre nécessaire de prendre en compte la croissance démographique marquée du territoire. La population de l'île continue effectivement de croître à un rythme élevé. Le logement et le développement économique sont devenus, et resteront, des enjeux majeurs sur ce territoire où l'urbanisation est peu dense et prend souvent des formes extensives.

Il faut également prendre en compte les données naturelles et respecter les stratégies de développement des communes. Rappelons que 20 % d'entre elles sont concernées par la loi montagne et la loi littoral.

Enfin, on ne peut dire que la planification de l'aménagement soit pénalisée par des lacunes des documents locaux d'urbanisme. Pourquoi donc ? En fait, seules 129 communes, soit 35,8 % des 360 communes de Corse, disposent d'un plan local d'urbanisme, d'un plan d'occupation des sols ou d'une carte communale. C'est là que réside le principal obstacle à l'aménagement et même à l'application des jugements du tribunal administratif.

Il existe donc, en Corse, de vrais besoins en termes d'aménagement, mais c'est là une entreprise soumise à de fortes contraintes.

Ce texte apporte une réponse à l'échec du PADDUC précédent. Il devenait nécessaire de revoir le cadre législatif d'élaboration de ce plan avant de le remettre en chantier, ce qui, je l'espère, va être fait.

Conformément au statut de la collectivité territoriale de Corse, l'Assemblée de Corse a été consultée sur un avant-projet de loi le 8 novembre 2010. Elle a adopté – soyons-en reconnaissants à M. Giacobbi – à l'unanimité, le 17 décembre 2010, une délibération demandant des modifications de ce texte sur plusieurs points. L'ensemble des demandes ont été prises en compte par le Gouvernement et intégrées au projet de loi tel qu'issu de son examen par le Conseil d'État.

Le projet de loi complète aussi la liste des organismes associés à l'élaboration du PADDUC et impose des délais stricts pour les avis obligatoires. La concertation est en effet fondamentale : chacun doit pouvoir participer à l'avenir de l'île. Encore faut-il que cette concertation soit fructueuse et féconde.

Je tiens à rappeler l'importance de la préservation de notre territoire, de son littoral et de ses montagnes, reconnue la semaine dernière par la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire ; félicitons notre rapporteur, M. Paternotte, et espérons que le texte issu des travaux de la commission ne sera pas dénaturé par nos travaux en séance. Certes, les enjeux du développement économique et urbain sont fondamentaux, mais je crois en la possibilité d'un développement concerté qui respecte la législation existante. Celle-ci joue le rôle d'un filet de sécurité.

À cet égard, le texte que nous examinons reprend les termes de la loi du 22 janvier 2002, qui prévoit que le plan peut préciser les modalités d'application d'une loi, mais toute souplesse expose au risque d'une multiplication des régimes dérogatoires à l'application stricte des lois littoral et montagne. Il n'y a pas que des Khmers verts !

Je m'interroge donc sur l'article 4 du projet de loi. Il dispose que le PADDUC peut préciser les modalités d'application des lois littoral et montagne de manière à les adapter – retenons ce mot, qui se révèlera source d'ennuis – aux particularités géographiques locales.

Je tiens à m'élever vigoureusement contre cette possibilité d'adaptation qu'on ne définit pas. Si nous voulons légiférer, soyons précis ! Légiférer est un exercice de précision, et c'est le flou qui porte en germe conflits et violences. Or l'adaptation des modalités d'application reste une notion floue qui ouvre la porte aux interprétations, alors qu'il est fondamental que ces lois soient appliquées strictement.

Qui dit interprétation dit subjectivité. Mieux vaut, s'agissant de l'occupation de notre littoral, un texte strict que des zones d'ombre appelant des interprétations. Vous le savez, le sujet de l'occupation du littoral présente un caractère de tabou, soyons donc précis en la matière.

En vertu du pouvoir législatif encadré que lui confère la loi du 22 janvier 2002, l'Assemblée de Corse a la possibilité de prévoir une adaptation de la loi sans porter atteinte à la cohérence globale, mais nous nous devons de respecter le processus démocratique. J'indique à ceux qui l'auraient oublié qu'un débat a eu lieu le 10 mars 2000 à l'Assemblée de Corse sur le maintien ou non de cette collectivité dans la République. Deux motions s'opposaient, et c'est le groupe corse social-démocrate, dont je suis le président, qui a permis à la motion en faveur du maintien dans la République de l'emporter. Au mois de juin suivant, j'ai défendu, avec mon collègue Chaubon du même groupe, l'idée d'un pouvoir législatif encadré qui a recueilli l'assentiment de la majorité de l'Assemblée de Corse.

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