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Intervention de Martine Billard

Réunion du 17 novembre 2011 à 9h30
Sécurité du transport aérien civil — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Billard :

Comme l'a indiqué notre rapporteuse, les récentes tragédies aériennes ont rappelé les attentes fortes des familles et du public en matière de contrôle du secteur aérien. Elles ont démontré les atouts, mais également les limites de l'organisation actuelle.

Premier objectif de cette proposition de loi : l'amélioration de l'information communiquée à l'entourage des victimes et au public. Il s'agit là d'une mission essentielle du BEA qui doit être confortée. Après la catastrophe du vol Yemenia Airways, les familles des victimes n'ont pas pu obtenir d'informations satisfaisantes. Cette terrible incertitude s'ajoute à la douleur de la perte d'un proche.

Le présent texte facilite l'accès aux données des enquêtes menées par le BEA, et je m'en réjouis. J'ajoute que la réglementation européenne nous y invite. Les préconisations émises dans les rapports du BEA doivent également bénéficier d'une plus grande publicité.

La création d'une autorité administrative indépendante chargée de s'assurer de la qualité de notre politique de sécurité aérienne est une proposition intéressante. Cette Haute autorité de sécurité aérienne constituerait un verrou supplémentaire contre toute tentative de pression.

Sa saisine par le Gouvernement et le Parlement représente également une avancée importante, tout comme ses larges pouvoirs d'investigation et de communication des pièces. La rédaction par cette Haute autorité d'un rapport annuel sur la sécurité aérienne est une conséquence logique de ce schéma.

Pour autant, la création de cet organisme ne saurait aboutir à un démantèlement de la Direction générale de l'aviation civile et de ses missions. Leurs rôles doivent être clairement dissociés. Le maintien de la DGAC dans ses missions de contrôle est indispensable.

J'en viens au statut d'établissement public administratif dont serait doté le Bureau d'enquêtes et d'analyses. S'agissant d'un domaine aussi sensible, nous partageons le souci d'indépendance de cet organisme formulé par la rapporteure. Il est vrai que le BEA dispose d'un statut original. S'il est rattaché à la direction générale de l'aviation civile, son indépendance est garantie par la loi. D'autres pays ont fait le choix d'organismes totalement indépendants, correspondant davantage à leur tradition juridique.

Le droit européen, particulièrement la récente adoption du règlement sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l'aviation civile, incite ces organismes d'enquête à se doter de la personnalité morale. Une telle évolution présente incontestablement des avantages, notamment en termes d'autonomie financière et de possibilités de levée de fonds auprès de l'Union européenne et des États étrangers. Elle peut toutefois également ouvrir la voie à un affaiblissement de la puissance publique dans cette mission de contrôle a posteriori.

C'est ainsi que doit être comprise l'inquiétude des personnels du BEA et de leurs représentants face au projet de transformation en établissement public administratif. Eu égard aux profondes mutations subies par la DGAC à la suite de l'introduction du ciel unique européen, je partage cette inquiétude. Des réformes douloureuses et néfastes se sont succédé pour répondre aux dogmes libéraux européens, opérant une séparation de l'ensemble des activités pour mieux les mettre à terme en concurrence.

Pour des motifs comptables et budgétaires, la Cour des comptes a préconisé cette évolution statutaire de l'ensemble de la DGAC. Ce scénario figurait parmi les options envisagées par le rapport parlementaire prévu à la loi de finances 2009. Mais après s'être dits favorable à de telles évolutions, le Gouvernement et sa majorité parlementaire ont fait machine arrière. Pour quelle raison ? Le coût de fonctionnement de ces nouveaux organismes. Rien n'échappe à l'austérité budgétaire chère au Président Sarkozy, pas même la sécurité des passagers !

Au-delà des questions statutaires se pose la question de l'effort financier que la nation est prête à assumer pour améliorer la sécurité aérienne, et de la volonté politique qui est à l'oeuvre.

En trois ans, cinq cents emplois de la DGAC seront supprimés et les coûts de fonctionnement seront abaissés de 10 % afin de dégager des marges de manoeuvre financière pour les programmes du ciel unique européen. Cette administration du budget annexe souffre d'un déficit structurel. Comment ne pas voir là un manque de volonté politique ?

Le Bureau d'enquêtes et d'analyses ne dispose pas de moyens suffisants pour mener à bien ses investigations. Cette situation a un impact sur le délai des enquêtes menées. Son budget peut varier considérablement d'une année sur l'autre – l'accident Rio-Paris l'a démontré –, ce qui appelle de nouvelles ressources.

Pour les députés de notre sensibilité, l'amélioration de la sécurité aérienne nécessite de s'affranchir de la pression du marché. Les dépenses de sécurité ne peuvent être considérées comme un coût.

Si la plupart des grandes compagnies ont intégré cette analyse, l'ascension des compagnies du Golfe soulève des inquiétudes tout comme le renforcement des compagnies low cost. À cela s'ajoutent les pratiques hors-la-loi, qui ne sont pas rares pour contourner les législations les plus protectrices.

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