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Intervention de Raymond Durand

Réunion du 16 novembre 2011 à 15h00
Service citoyen pour les mineurs délinquants — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRaymond Durand :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, après le rejet de ce texte par le Sénat et l'échec de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte commun à nos deux assemblées, l'occasion nous est donnée de débattre, une seconde fois, de cette proposition de loi qui concerne un sujet de préoccupation majeur dans notre société.

Nos concitoyens le constatent chaque jour, la délinquance des mineurs connaît une augmentation incontestable : les atteintes aux personnes sont chaque jour plus violentes, plus nombreuses et souvent répétées. Nos concitoyens s'inquiètent également d'une vague d'impunité qui semble régner à l'égard des mineurs délinquants.

Ainsi que je l'avais évoqué en première lecture, notre collègue Yvan Lachaud a rendu il y a quelques mois un excellent rapport dans lequel il exprimait le constat largement répandu chez les professionnels selon lequel la justice des mineurs n'était pas suffisamment rapide, effective et lisible. Il y déplorait un certain manque de fermeté envers les mineurs délinquants, résultant notamment de dysfonctionnements au sein de notre justice qui constituent un obstacle au traitement efficace de la délinquance juvénile. D'une part, les décisions applicables aux mineurs délinquants interviennent tardivement après les faits, d'autre part, elles manquent de lisibilité pour le délinquant comme pour l'ensemble de la société. Ajoutons que les sanctions afférentes sont le plus souvent effectuées de façon bien trop aléatoire.

Partant de ces constats, les députés du groupe Nouveau Centre et apparentés ne peuvent qu'accueillir favorablement une proposition qui tend à diversifier les modalités de traitement de la délinquance des mineurs. En effet, nous ne pouvons nous satisfaire d'une situation qui compromet durablement la tranquillité et la sécurité auxquelles aspirent légitimement nos concitoyens. Il convient de trouver des solutions pour faire reculer durablement la délinquance juvénile.

Au-delà de la réponse pénale, il serait opportun de prendre en compte les mesures éducatives susceptibles de faciliter la réinsertion du mineur.

À ce titre, la création d'un service citoyen en établissement public d'insertion de la défense que préconise la présente proposition de loi constitue une mesure intéressante en ce qu'elle privilégie l'éducatif sur le répressif, ainsi que l'impose l'ordonnance du 2 février 1945.

En permettant au magistrat ou à la juridiction de prescrire à un mineur délinquant, l'accomplissement d'un contrat de service en EPIDE, ce texte oeuvre en faveur d'une diversification des solutions de façon à répondre le plus fidèlement possible au profil et au besoin du jeune, ce que précisément les magistrats appellent de leurs voeux.

Bien que les députés du groupe Nouveau Centre comprennent la volonté de l'auteur de cette proposition de loi, il leur semble néanmoins utile de répondre à certaines interrogations déjà évoquées en première lecture.

En premier lieu, ce texte ne recueille pas l'adhésion totale des personnels concernés par le dispositif. Les centristes attachent une importance particulière à l'implication des acteurs de terrain dans la définition et la mise en oeuvre des décisions politiques. Or les personnels semblent en majorité inquiets face à cette proposition. Cette inquiétude est d'autant plus compréhensible que les militaires ne sont pas préparés à encadrer de jeunes délinquants. Il serait plus judicieux que cette tâche incombe à des formateurs aux capacités plus adaptées.

Par ailleurs, il nous semble dangereux de susciter dans l'opinion publique des confusions sur le rôle des militaires dans notre société : leur rôle n'est pas de prendre en charge la délinquance des mineurs.

En deuxième lieu, la proposition de loi prévoit que ces centres devront désormais accueillir des jeunes contraints par une décision de justice. Cela risque de perturber les individus déjà présents au sein des EPIDE qui, à la différence des mineurs délinquants visés par la proposition de loi, sont volontaires pour intégrer ces établissements. La proposition de loi risque de dénaturer la vocation initiale des EPIDE qui repose sur le volontariat de jeunes en difficulté et dont les résultats en matière de réinsertion par la formation professionnelle sont positifs. Les chiffres le prouvent, 73 % des jeunes qui vont au bout du parcours sont insérés et la part des jeunes qui ont trouvé un emploi six mois après leur sortie du dispositif a progressé de 7,20 %.

Enfin, ces établissements sont déjà confrontés, dans leur fonctionnement actuel, à un manque de moyens : initialement créés pour accueillir jusqu'à 20 000 jeunes, ils n'en accueillent en réalité que 2 000, soit dix fois moins que les chiffres annoncés. Les EPIDE sont d'ores et déjà fragiles, et la présence de mineurs délinquants risque de les fragiliser davantage.

Par conséquent, nous profitons de ce débat pour formuler d'autres propositions en matière de traitement de la délinquance des mineurs. D'abord, et c'est là un motif de satisfaction pour le groupe Nouveau Centre et apparentés, l'État expérimente actuellement les propositions formulées dans son rapport par Yvan Lachaud. Ainsi, afin de lutter contre le sentiment d'impunité que peuvent avoir certains jeunes délinquants, un nouveau type d'établissement sera prochainement créé dans le ressort de trois cours d'appel : les établissements de placement provisoire d'observation et d'orientation. Ensuite, des brigades de police spécialisées dans la prise en charge de mineurs délinquants seront mises en place, en coordination avec la protection judiciaire de la jeunesse et l'éducation nationale. Ces mesures devraient, nous l'espérons, apporter des améliorations en matière de lutte contre la délinquance des mineurs.

Les centres éducatifs fermés, qui ont fait la preuve de leur efficacité, pourraient accueillir davantage de mineurs. Cependant, il convient d'en augmenter le nombre afin, d'une part, de répondre aux besoins de placement actuel et, d'autre part, de permettre l'accueil des primo-délinquants.

J'ose espérer que, tous ensemble, nous pourrons trouver un terrain d'entente et prendre les mesures qui s'imposent afin de lutter contre la délinquance des mineurs.

Bien que certains membres du groupe Nouveau Centre et apparentés aient exprimé leurs réserves quant à l'adoption de la proposition de loi, nous y sommes, pour la plupart, favorables et nous la voterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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