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Intervention de Michel Mercier

Réunion du 16 novembre 2011 à 15h00
Service citoyen pour les mineurs délinquants — Discussion d'une proposition de loi en nouvelle lecture

Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés :

La motivation, la volonté de s'en sortir, sont évidemment déterminantes pour le succès de cette mesure.

Pour les mineurs, plus encore que pour les majeurs, nous devons adapter la réponse pénale à la diversité des profils et imaginer toutes les solutions de nature à offrir une prise en charge efficace. Pour ma part, j'ai la certitude qu'il ne faut se priver d'aucun outil pour favoriser la réinsertion d'un mineur délinquant. Le service citoyen est un instrument original, susceptible de répondre aux besoins de certains mineurs.

En 2010, 72 381 mesures de milieu ouvert et 7 650 mesures de placement ont été ordonnées par les parquets et juridictions pour mineurs. L'autorité judiciaire dispose d'ores et déjà d'une large palette de solutions permettant d'adapter la réponse pénale au profil du délinquant. Il s'agit aujourd'hui de compléter les mesures que le juge peut prononcer, pour une prise en charge la plus efficace possible.

Dans cette perspective, je suis convaincu que l'EPIDE répond aux objectifs poursuivis par le texte. Depuis sa création en 2005, il a en effet une double mission d'insertion sociale et professionnelle et de prévention de la délinquance. En outre, les personnels de ces centres ont à la fois l'expertise et l'expérience de l'encadrement et de l'accompagnement de jeunes en difficulté ou marginalisés. Ces personnels aux compétences reconnues ont développé un savoir-faire et des méthodes pédagogiques qui sont parfaitement adaptés à ces mineurs.

À cet égard, je veux rappeler que l'EPIDE n'est pas une structure militaire, mais une structure civile. Elle s'inspire, certes, du modèle militaire, mais aussi des méthodes des travailleurs sociaux. C'est précisément la complémentarité entre les enseignants et les anciens militaires, qui représentent 42 % de l'ensemble des personnels, ainsi que les partenariats avec le monde de l'entreprise, qui font la force du dispositif et toute sa pertinence pour les mineurs délinquants visés par la proposition de loi.

Un travail de grande qualité a d'ores et déjà été mené entre les services de l'EPIDE et le ministère de la justice. L'EPIDE est prêt à accueillir ces jeunes et à les former. Il participe très activement à la définition du cahier des charges de ces nouvelles missions. Je tiens à l'en remercier vivement au nom du Gouvernement dans son ensemble, puisque plusieurs ministères – outre celui de la justice, ceux de la défense, de l'emploi et de la ville – y travaillent avec lui.

J'ajoute que l'EPIDE et la protection judiciaire de la jeunesse travaillent déjà ensemble à la réinsertion de jeunes qui, ayant purgé leur peine, souhaitent s'engager dans un projet de formation professionnelle. Une convention de partenariat a été conclue en ce sens entre l'EPIDE et la protection judiciaire de la jeunesse en janvier 2010.

En élargissant le public de l'EPIDE, nous prolongerons sa mission, pour mener le plus en amont possible l'action de réinsertion. Ces établissements ont d'ailleurs fait la preuve de leur efficacité : beaucoup, sur les bancs mêmes de cette assemblée, reconnaissent les bons résultats des centres EPIDE. J'ajoute que les jeunes seront intégrés au public actuel de ces établissements et représenteront environ 10 % de l'ensemble des personnes accueillies. Il est en effet important que ces mineurs désorientés qui, certes, ont commis une infraction, ne soient pas stigmatisés ni ostracisés. Je suis convaincu que les jeunes majeurs auront un effet d'entraînement sur les plus jeunes. Ils bénéficieront tous du même traitement pour les activités collectives, à la différence près que les mineurs effectueront en plus, dans le cadre d'un programme individualisé, un travail sur l'acte de délinquance qu'ils ont commis.

Le service citoyen qu'entend instaurer cette proposition de loi suppose, bien évidemment, de renforcer le dispositif existant de l'EPIDE et d'abonder ses moyens afin de créer progressivement de nouvelles places dédiées. Ainsi, dès février 2012, les trois centres de Bourges, de Belfort et de Val-de-Reuil pourront accueillir les premiers mineurs concernés. Les personnels d'encadrement bénéficieront à cet effet d'une formation spécifique, afin de permettre une prise en charge rapide et efficace de ces nouveaux publics. D'ici à juin 2012, quinze centres pourront accueillir des mineurs délinquants.

En ce qui concerne le financement de ce nouveau dispositif, chacun des ministères concernés, que j'ai cités il y a quelques instants, participera à hauteur de deux millions d'euros. Pour le budget de la justice, cette contribution se fera à budget constant.

Je rappelle que la durée du contrat de service sera comprise entre six et douze mois. En outre, la proposition de loi prévoit, il est important de le souligner, que si le mineur adhère au projet que lui aura proposé l'EPIDE, il aura la possibilité, à l'issue de la mesure judiciaire, de prolonger, de son propre chef et en accord avec l'EPIDE, son contrat.

Par ailleurs, toujours dans le souci de moderniser la justice des mineurs tout en préservant son identité et ses spécificités, le texte vise, dans son second volet, à mettre notre droit en conformité avec les exigences posées par le Conseil constitutionnel dans ses décisions des 8 juillet et 4 août derniers.

Sur proposition du Gouvernement, votre assemblée a ainsi introduit un article qui tire les conséquences de ces décisions quant à la composition du tribunal pour enfants et du tribunal correctionnel pour mineurs et aux modes de poursuite devant le tribunal correctionnel pour mineurs.

Ces dispositions permettent d'abord de renforcer l'impartialité des juridictions pour mineurs, en prévoyant notamment que le juge des enfants qui aura instruit l'affaire et l'aura renvoyée pour être jugée ne pourra pas présider le tribunal. La proposition de loi précise ensuite, s'agissant des modalités de saisine du tribunal correctionnel pour mineurs institué par la loi du 10 août dernier pour les récidivistes de plus de seize ans, que le parquet aura la faculté de demander au juge des enfants le renvoi dans un délai compris entre dix jours et un mois. Ce mode de poursuite par voie de requête devant le juge des enfants assure la conciliation du rôle de ce magistrat, tel qu'il est défini par le Conseil constitutionnel, avec l'exigence d'une réponse rapide – lorsque, bien sûr, celle-ci est possible.

En créant le contrat de service citoyen, la proposition de loi qui vous est soumise élargit le champ des réponses à la délinquance des mineurs, nous donnant ainsi un nouveau moyen de prévenir la récidive. J'appelle la représentation nationale à ne pas se priver de ce nouvel outil de réinsertion sociale et professionnelle des mineurs délinquants, et vous invite par conséquent à voter la proposition de loi de M. Éric Ciotti. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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