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Intervention de Paul Jeanneteau

Réunion du 21 juin 2011 à 15h00
Bioéthique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Jeanneteau :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la commission mixte paritaire s'est réunie mardi 15 juin afin de permettre aux sénateurs et aux députés de parvenir à une rédaction commune du projet de loi relatif à la bioéthique.

Ces deux lectures ont permis à l'Assemblée et au Sénat de confronter leurs visions, initialement divergentes, pour finalement se retrouver autour de valeurs partagées. Ainsi, les deux chambres ont voté le principe d'interdiction avec dérogation de la recherche sur les embryons et réaffirmé le fait que l'aide médicale à la procréation est réservée au traitement d'une stérilité médicale, non sociale. Toutes deux se sont également prononcées contre la gestation pour autrui, le transfert d'embryon post mortem et la levée de l'anonymat du don de gamètes.

Néanmoins, certaines dissensions persistaient.

À l'issue de cette concertation, nos deux assemblées sont parvenues à s'accorder sur un texte commun, équilibré, fidèle aux grands principes éthiques de notre pays.

La commission mixte paritaire a décidé d'interdire les dons de gamètes dans les centres privés à but lucratif, tout comme la possibilité de conserver des cellules de sang de cordons dédiées, excepté en cas de nécessité thérapeutique avérée et dûment justifiée lors du prélèvement. En effet, le Parlement est attaché au principe d'anonymat et de gratuité du don, qu'il s'agisse de gamètes, d'organes ou de cellules.

Les députés et les sénateurs ont également souhaité confier aux gynécologues une mission d'information sur le don de gamètes et, conscients des besoins importants en ovocytes, ils ont voulu permettre aux nullipares qui le veulent, de donner les leurs.

L'une des difficultés persistantes concernait la question de la révision systématique de la loi de bioéthique. Après un débat passionnant et riche, et dans un esprit de consensus, la commission a arbitré en prévoyant l'organisation d'états généraux de la bioéthique tous les cinq ans. L'année suivante, l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques rendra un rapport sur ce même thème de la bioéthique avant que n'intervienne, un an plus tard, une révision de la loi. Cette dernière sera donc réexaminée périodiquement, tous les sept ans.

Le contrôle du Parlement en matière de bioéthique s'exercera également lors de la discussion en séance publique du rapport annuel de l'Agence de la biomédecine sur ses activités.

Enfin, les députés et sénateurs ont jugé que la question de la recherche sur la personne humaine n'avait pas sa place dans la loi de bioéthique. Ils ont donc supprimé le titre VII quater qui lui était consacré.

Comme en 1994 et 2004, le Parlement a choisi, cette fois encore, de se doter d'un texte législatif exigeant sur le plan des valeurs mais aussi parfaitement conforme à notre corpus législatif.

Ainsi, par ce projet de loi, nous réaffirmons que la non-patrimonialité du corps, le respect qui lui est dû, la dignité de l'être humain et l'intérêt de l'enfant sont autant de valeurs immuables. Y déroger reviendrait à nier l'homme dans ce qui fait son humanité.

Le préambule de la déclaration universelle des droits de l'homme consacre d'ailleurs l'intangibilité de ces principes en rappelant que « la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde ».

Ces valeurs se retrouvent également dans notre droit national, notamment dans l'article 16 du code civil qui dispose que « la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie ».

La dignité, c'est-à-dire le fait que la personne humaine a une valeur absolue et donc qu'elle n'a pas de prix, est intrinsèque à l'homme. C'est pourquoi, il ne saurait être question de la rendre proportionnelle à quelque chose ou fonction d'un élément quelconque.

Si toutes les sociétés sont concernées par les questions de bioéthique, aucun consensus international ne prévaut en ce domaine. Nous sommes seuls face à ces interrogations et aucune loi d'aucun autre pays ne peut y répondre à notre place. Rien ne s'impose à nous, que notre propre conscience.

Certaines nations ont fait le choix d'une approche éthique moins exigeante et moins régulatrice que la nôtre. La France, quant à elle, a pris le parti de respecter un certain nombre de valeurs essentielles qui cimentent notre société.

La loi de bioéthique que nous allons voter aujourd'hui s'inscrit dans un contexte social, philosophique, culturel, juridique propre à notre pays, que nous ne pouvons ignorer.

Notre système juridique repose sur la recherche de l'intérêt général. La détermination des droits se fait par la communauté, en opposition à toute forme d'individualisme. La recherche du bien commun doit guider l'action du législateur, indépendamment de toute compassion. En effet, si chaque expérience, chaque parcours de vie, chaque souffrance ou désir est éminemment respectable, les parlementaires ne doivent pas se laisser gouverner par leurs émotions ou se contenter de transcrire mécaniquement dans la loi les évolutions techniques ou sociales. Notre devoir est d'élaborer des règles applicables à tous, fondées sur une éthique partagée. Plus encore que dire ce qui est permis, la loi doit fixer ce qui est interdit.

Le texte proposé par la commission mixte paritaire respecte cet équilibre entre principes éthiques et évolutions scientifiques. Les progrès de la science sont incessants, et nous ne pouvons que nous en féliciter. Pour autant, nous ne devons pas en devenir tributaires.

Avec ce projet de loi de bioéthique, le législateur français affirme que le droit ne doit pas autoriser tout ce qui est techniquement réalisable. Il montre qu'il refuse d'instaurer dans son pays un droit d'enregistrement que l'on pourrait qualifier de notarial ou d'hypothécaire.

Si le droit ne peut ignorer les évolutions scientifiques et sociales, il doit, avant tout, faire preuve de cohérence, car sa légitimité repose sur sa capacité à traduire et à faire respecter un système de valeurs autour duquel la société se construit. Certes, l'équilibre est difficile à trouver, comme en attestent les échanges passionnés que nous avons eus au sein de nos assemblées, mais nous avons – je crois – atteint cet objectif.

La France fait donc un choix éthique courageux, conforme à sa vision de l'humain et du vivant, sans céder à la peur de la page blanche ou à la tentation du moins-disant éthique.

Kant définissait le droit comme « l'ensemble des conditions qui permettent à la liberté de chacun de s'accorder à la liberté de tous ».

Le texte qui nous est présenté aujourd'hui, fruit de longs débats de grande qualité, répond parfaitement à cette exigence. Il apparaît comme le meilleur consensus possible pour notre société.

C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à le voter comme le fera le groupe UMP. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

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