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Intervention de Philippe Vitel

Réunion du 9 novembre 2011 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2012 — Défense

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vitel :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l'examen du budget de la défense est chaque année un grand moment de la vie parlementaire. C'est, bien sûr, une échéance obligatoire en termes de finances publiques, mais ce n'est pas que cela. C'est aussi l'occasion de faire le point sur le contexte stratégique, sur la doctrine d'emploi de nos armées, et de juger du rayonnement et de la place de notre pays au sein des instances internationales auxquelles nous appartenons : Union européenne, ONU, OTAN, OSCE.

Cela nous permet également de faire le point sur l'état de l'opinion publique face aux menaces, face à la conjoncture géopolitique, bref, de donner un sens pour chaque citoyen à la relation armée-nation.

Au-delà de l'importance des préoccupations financières, il nous faut avoir une vision dynamique de notre avenir et toujours garder à l'esprit qu'investir dans notre défense, en hommes et en matériel, c'est assurer notre sécurité, bien sûr, mais aussi faire en sorte que nul ne décide pour nous de ce qui nous concerne.

C'est continuer d'exister sur la scène mondiale et, en même temps, garantir la pérennité de centaines de milliers d'emplois de haut niveau ainsi que notre capacité à créer et à innover.

Évidemment, c'est aussi l'occasion de manifester à nos armées, aux femmes et aux hommes qui les composent, que la représentation nationale connaît leurs soucis et sait ce que la nation leur doit, et de les assurer de l'intérêt qu'elle leur porte.

C'est enfin saisir l'occasion de convaincre nos concitoyens que, si nous ne prenons pas les moyens d'assurer notre défense et notre sécurité, personne ne les prendra pour nous. Sécurité qui, d'ailleurs, ne s'arrête plus, comme au siècle dernier, sur les frontières du Rhin, mais peut être mise en cause sur n'importe quel point du globe. C'est pourquoi nous devons avoir les moyens d'y parvenir et convaincre nos partenaires, en particulier européens, que tel est aussi leur intérêt.

Ce budget 2012 est le quatrième de la loi de programmation militaire 2009-2014. Présenté initialement à 31,72 milliards d'euros, en légère augmentation de 1,6 % par rapport à la loi de finances pour 2011, il est, du fait du double rabotage de 267 millions d'euros, ramené à 31,45 milliards hors pensions, soit toujours en progression, de 0,9 %.

Vous nous avez détaillé, monsieur le ministre, les mesures que vous alliez prendre pour réduire le budget que vous avez présenté il y a quelques semaines en commission, et nous constatons avec satisfaction qu'elles n'entraînent ni réduction ni retard de programmation des matériels et des infrastructures. Ce budget 2012 va donc permettre de poursuivre la réforme profonde du format de nos armées et la modernisation de nos forces.

L'inquiétude qui est la nôtre aujourd'hui et qui nous a, à chaque audition, été signifiée par les divers états-majors, concerne les ressources humaines. Depuis 2009, comme nous l'a précisé l'amiral Guillaud, cinquante-trois organismes majeurs ont été dissous et vingt-cinq organismes transférés ; soixante bases de défense ont été créées, ainsi que cinq états-majors de soutien de défense, cinq directions de soutien, l'inspection des armées et la direction de l'enseignement militaire supérieur. Oui, force est de le constater, nos armées se sont profondément réformées.

Au total, 30 000 des 54 000 postes réclamés au ministère de la défense au titre de la RGPP ont été supprimés. Pour 2012, ce sont 7 462 postes que nous allons perdre, qui représentent à eux seuls 25 % des réductions des effectifs de l'État. Le chef d'état-major nous a fait part des difficultés à atteindre cet objectif du fait de nouvelles décisions et de nouveaux besoins.

Il conviendra, monsieur le ministre, dans le cadre de la réflexion actuellement menée, sous la houlette du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, sur notre concept stratégique et sur la révision du Livre blanc de 2008, de prendre en considération le fait qu'une trop importante déflation de nos armées pourrait amener à une perte de cohérence ; et, comme l'a dit l'amiral Guillaud, « les militaires vivraient mal l'incohérence entre l'ambition et l'effort ».

Nous sommes d'autant plus inquiets que la plupart de ces 7 462 emplois sont dans le soutien et qu'il est prévu de dégager, au-delà des 54 000 postes, 16 000 postes au titre de l'externalisation. Toutefois, celle-ci se déroule beaucoup plus lentement que prévu parce que nous avons renoncé à certains dogmes et que nous avons tiré les leçons de l'expérience de nos amis britanniques à ce sujet.

Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous fassiez part de votre vision du back office dont nos armées ont besoin et des conséquences que vous en tirez en termes de réduction de postes dans le domaine du soutien.

Hormis cette interrogation légitime que je crois partagée par beaucoup de collègues, je ne peux que me réjouir de constater que ce budget apporte beaucoup de satisfaction, que ce soit en termes d'effort d'équipement – plus 3 % –, de disponibilité des matériels – plus 7,5 % –, de recherche et développement intéressant les grands donneurs d'ordres, mais aussi les PME et PMI grâce au dispositif RAPID – 3,5 milliards d'euros – et d'amélioration de la condition des personnels,

Mes chers collègues, nous devons avoir d'abord l'exigence permanente d'adapter aux menaces nos capacités opérationnelles, et surtout être prêts à toute surprise stratégique. La difficulté consiste à combiner en permanence une vision de long terme avec l'exigence de réactivité de court terme. De plus, comme l'histoire récente nous l'a démontré, nous devons garder la capacité de participer au même moment à plusieurs conflits de haute intensité tout en assurant notre propre sécurité. En ce sens, l'élaboration de coopérations de plus en plus structurées est une exigence car, au rythme de contraction des budgets de défense européens, il est grand temps d'arrêter de parler de mutualisation communautaire, et bien de la mettre en place !

Ce n'est pas parce que l'européisme est un pacifisme qu'il doit signifier obligatoirement antimilitarisme. Notre continent est en paix depuis soixante-cinq ans, mais ce n'est pas une raison pour que l'Europe puisse se passer d'une armée. Or il est triste et inquiétant de constater qu'en 2010 les dépenses militaires ont diminué de 2,8 % en Europe, tandis qu'elles continuent d'augmenter au Moyen-Orient – plus 2,5 % –, en Afrique – plus 5,2 % – et en Amérique latine – plus 5,8 %. En Europe, l'année dernière, quatre pays ont réduit leurs dépenses de plus de 20 % et quatre autres de plus de 10 %, seuls les pays de la bordure orientale ont augmenté leur budget. Si les États-Unis ont encore fait un effort significatif de 2,8 %, c'est uniquement du fait de leurs engagements majeurs et très coûteux, mais ils vont fatalement être contraints à des choix drastiques du fait d'une situation économique et financière bien compromise. Ils s'intéresseront alors beaucoup moins à l'Europe et le centre de gravité de la planète basculera vers l'océan Pacifique et l'Asie.

Aussi, permettez-moi d'applaudir à la mise en place hier, 8 novembre 2011, d'une Task Force européenne de défense qui va regrouper en une seule entité tous les organismes de l'Union européenne s'occupant de défense, à savoir, entre autres, l'Agence européenne de défense, le service diplomatique européen, la direction générale du marché intérieur, la direction générale Entreprise, et ce à l'initiative de notre commissaire européen Michel Barnier. Trois objectifs : faire face aux défis de sécurité ; préserver une base industrielle ; élargir le marché défense et sécurité pour que nos industries restent compétitives en Europe et dans le monde. Toute mutualisation, économie d'échelle ou interdépendance est une bonne nouvelle. C'est pourquoi j'attends une déclinaison opérationnelle à bref délai du traité franco-britannique signé il y a maintenant un an. Monsieur le ministre, où en est ce partenariat ?

Mes chers collègues, ce budget, dans la conjoncture mondiale actuelle, assure l'essentiel, c'est-à-dire le financement des cinq missions stratégiques que nous avons confiées à nos armées. Beaucoup de nos concitoyens s'étonnent des sommes que nous consacrons à notre défense ; à nous de leur expliquer qu'ils vivent dans une sécurité trompeuse et qu'il est nécessaire de maintenir notre garde haute, car ne pas disposer de moyens pour nos interventions pourrait coûter beaucoup plus cher à la nation.

Gardons toujours en tête ce que disait Frédéric le Grand : « La diplomatie sans armes, c'est comme la musique sans instruments. ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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