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Intervention de Jean-Michel Fourgous

Réunion du 9 novembre 2011 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2012 — Défense

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Fourgous, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour la préparation de l'avenir :

Monsieur le président, monsieur le ministre de la défense et des anciens combattants, mes chers collègues, jamais nous n'avons vu une opération militaire aussi bien menée et coordonnée que celle qui a conduit à la libération du peuple libyen. Avec le soutien de l'ONU et de l'OTAN, de nos amis anglais et américains, nous avons pu balayer en six mois une dictature établie depuis quarante-deux ans. Nous l'avons fait sans perte humaine ou matérielle : zéro mort, zéro blessé, plus de six cents objectifs atteints à 100 %. C'est une première mondiale !

Cette victoire sur la dictature, cette victoire pour la démocratie, nous la devons bien sûr au courage et au talent de nos soldats, à qui je veux rendre un vibrant hommage, n'en déplaise à Mme Eva Joly et à ses positions antimilitaristes et antinucléaires d'un autre temps.

Cette victoire nous la devons à la performance de nos matériels, à la compétence sans faille de notre industrie de défense, qui joue un rôle moteur dans l'économie nationale.

La force d'un pays se mesure certes sur le plan économique et diplomatique mais aussi sur le plan militaire. De ce point de vue, nous pouvons tous être fiers de la collaboration étroite entre nos industries de défense et nos armées, et de la valeur ajoutée que cette collaboration apporte à notre pays.

Je ne crains pas de dire que, lors de nos opérations extérieures, nos soldats et nos matériels ont été les meilleurs ambassadeurs du savoir-faire militaire et sécuritaire français et qu'ils le restent. Je l'ai moi-même constaté lors des nombreuses missions de contrôle que j'ai eu l'occasion d'effectuer – souvent avec Louis Giscard d'Estaing – sur le Charles de Gaulle, en Côte d'Ivoire, au Gabon, en Afghanistan, aux Émirats arabes unis et dans d'autres pays.

Au passage, qu'il me soit permis de remercier la commission de la défense pour sa collaboration précieuse avec la commission des finances.

La France peut donc s'enorgueillir d'être l'une des premières puissances armées du monde : dotée d'un budget de la défense de 38,3 milliards d'euros – crédits de paiement avec pensions et hors gendarmerie –, elle est l'un des rares pays, avec les États-Unis et le Royaume-Uni, à être présent militairement de manière permanente sur les cinq continents. Avec les États-Unis, elle fait partie des deux seuls pays au monde à disposer d'un porte-avions à catapultes, capable de propulser des avions multimissions de dernière génération.

Ces bons résultats, notre pays les doit à la fois aux compétences de ses militaires et à la qualité des équipements utilisés, qu'il s'agisse des aéronefs : Rafale, Mirage 2000, Tigre ; des navires : porte-avions, navires de projection et de commandement, sous-marins nucléaires d'attaque ; des missiles, de l'optronique embarquée, des techniques d'imagerie ou encore des chaînes de transmission de données à haut débit.

Nos militaires ont souligné dans le conflit libyen la qualité du travail des industriels français. Un chef d'état-major s'est même exclamé, à propos du capteur d'images pod Reco-NG : « C'est magique ! ». Pouvoir distinguer un char d'une ambulance à plus de 10 kilomètres d'altitude à la vitesse du mur du son, c'est effectivement magique !

À cet égard, monsieur le ministre, en quel sens entendez-vous agir pour lancer au plus tôt le développement du pod de désignation laser de nouvelle génération ? Comme vous le savez, les effets de levier à l'export sont considérables : plus de 600 milliards d'euros sont en jeu dans les offres en cours, sans compter les retombées de l'opération NOOR aux Émirats arabes unis. L'abandon par la France du PDL-NG conduirait, outre à des pertes d'emplois hautement qualifiés, à une perte de compétence industrielle irrémédiable dans ce domaine. J'y reviendrai un peu plus tard.

L'actuel gouvernement a bien pris la mesure de tous les enjeux des industries de défense et des dépenses engagées. Pour illustrer mon propos, je citerai trois chiffres qui concernent le montant des dépenses d'équipement des armées dans les trois dernières lois de programmation militaire : l'effort d'équipement consenti par la loi de programmation militaire du gouvernement Jospin s'est élevé à 14 milliards d'euros par an ; dans celle des gouvernements Raffarin et Villepin, il a été porté à 15 milliards d'euros ; en 2012, il atteindra 16,5 milliards d'euros.

À titre d'exemple, les forces recevront l'an prochain les principaux armements suivants : onze avions Rafale, trois hélicoptères de manoeuvre Caracal, six hélicoptères de combat Tigre, une frégate multimission FREMM, cent véhicules blindés de combat d'infanterie VBCI , trente-huit véhicules haute mobilité VHM, un navire de projection et de commandement BPC, cinq avions de transport Casa, huit hélicoptères NH-90, deux cents petits véhicules protégés PVP, deux systèmes de missiles sol-air moyenne portée terrestre SAMPT, soixante et un missiles Aster, dix missiles Mica, quinze missiles rénovés Mistral.

Le budget de la défense représente des masses financières importantes qui sont investies dans le tissu industriel national. Les 20 milliards injectés chaque année dans notre économie font travailler, peu ou prou, 5 000 entreprises à haute valeur ajoutée, qui emploient directement 250 000 personnes dans le secteur de la défense et indirectement près d'un million de personnes. Quand vous donnez 100 à une entreprise française, l'État en reprend la moitié pour le fiscal et le social, les prélèvements représentant 56 % du PIB. Si l'on achète français, cela coûte donc, d'une certaine manière, d'autant moins cher.

Il est un point sur lequel je veux insister : la nécessaire dualité de nos entreprises. Vous le savez tous, mes chers collègues, tout euro investi dans la recherche militaire conduit immanquablement à des progrès techniques qui, la plupart du temps, sont transposables dans le civil dans des domaines tels que l'aviation – en particulier, les hélicoptères, secteur où nous occupons le premier rang mondial –, internet, la santé avec les lasers, l'électronique, la téléphonie, les satellites. Cette dualité, nous pouvons la résumer en un chiffre : les 450 milliards d'euros du carnet de commandes d'EADS pour les six ans à venir. La défense constitue donc un vivier de ressources et de compétences pour le civil.

Le monde change, tout va plus vite, tout va plus loin. Notre défense doit s'adapter aux risques nouveaux, aux nouvelles technologies opérationnelles comme la surveillance de l'espace, de la mer et des frontières, la défense informatique, le renseignement moderne, la lutte contre le terrorisme et la prolifération nucléaire, la lutte contre les armes chimiques et biologiques.

En 2012, le renseignement militaire – direction générale de la sécurité extérieure, direction du renseignement militaire, direction de la protection et de la sécurité de la défense – disposera de 675 millions d'euros de crédits de paiement contre 652 millions d'euros en 2011, soit une hausse de 3,7 %. Soulignons que, dans une période de déflation forte des effectifs du ministère, la DGSE est la seule à gagner des emplois : 690 agents supplémentaires sur la durée de l'actuelle programmation.

Notre pays doit se montrer volontariste et inciter les industriels concernés à coopérer et à investir dans les domaines porteurs. Les talents foisonnent dans notre pays : faisons les travailler ensemble ! Le manque d'ingénieurs est régulièrement dénoncé par les industriels et je vous invite, monsieur le ministre, à appeler l'attention de vos collègues de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur sur ce problème.

Ce manque d'ingénieurs peut en effet être préjudiciable pour notre économie. Qui dit manque d'ingénieurs, dit manque de recherche et développement, déficit de recherche et technologie, perte d'innovation et de créativité, qui sont les moteurs de l'économie et de la croissance, et donc de votre budget, monsieur le ministre. Pour compenser, nous achetons sur étagère. Mais si les petits laboratoires ferment, notre savoir-faire va s'éteindre et des pans entiers de nos industries risquent de disparaître.

Le développement de notre industrie de défense passe aussi par l'exportation. À ce titre, je souhaite saluer les succès de l'année 2011, qui a été particulièrement fructueuse avec, entre autres, la contractualisation par l'Inde de la rénovation de sa flotte de Mirage 2000 – contrat qui bénéficiera essentiellement à Thales – et la vente à la Russie de deux navires de projection et de commandement.

Nous espérons tous que l'année 2012 permettra la concrétisation de deux gros contrats de vente du Rafale : l'un portant sur soixante appareils, en cours de négociation avec les Émirats arabes unis ; l'autre, portant sur la fourniture de 126 chasseurs, en cours de négociation avec l'Inde pour lequel le Rafale est en concurrence avec l'Eurofighter.

La France est en train de réussir la transformation et la modernisation de ses armées, avec un niveau d'engagement extérieur jamais atteint. Nous pouvons vous en féliciter, monsieur le ministre.

Bénéficiant de recettes exceptionnelles mais aussi d'une politique volontariste de la part du Gouvernement, les ressources militaires de la France sont bien moins affectées par les restrictions budgétaires qu'en Allemagne et au Royaume-Uni. La marine britannique n'aura plus de porte-avions avant 2020.

Monsieur le ministre, vous avez la responsabilité de nous protéger contre les menaces. Il en est une que vos services, très performants au demeurant, n'ont pas encore détectée mais qui pèse lourdement sur notre pays : c'est celle de l'illettrisme économique, qui peut nous faire perdre notre triple A. Cet illettrisme économique pourrait au moins geler les programmes de défense.

Quand je parle d'illettrisme économique, je pense à certains candidats à la présidentielle qui partent en guerre contre le nucléaire. Cela mettrait un million d'emplois en danger, et il faudrait encore trouver 400 milliards d'euros pour le démantèlement des centrales et le passage à une autre énergie !

Je pense à un autre candidat, parti en guerre contre tous les exemples de la réussite en France, et qui veut taxer les revenus de plus de 350 000 euros. Plus de 100 000 personnes – les grands sportifs, les grands artistes, les grands intellectuels, les banquiers, les administrateurs du CAC40, les grands chefs d'entreprise – sont concernées. Vous imaginez la gravité de la situation si cette élite française partait ! En voulant imposer les revenus à 100 % au-delà de 350 000 euros, ce sont toutes ces élites que l'on vise.

Je pense aussi à cet autre candidat, Merlin l'enchanteur, qui veut fonctionnariser la France en ajoutant près d'un demi-million de fonctionnaires – en ponctionnant le budget de l'État.

Monsieur le ministre, il faut que vous sonniez la mobilisation générale contre cet illettrisme économique qui hypothèque votre propre budget. En effet, nous votons aujourd'hui un budget qui pourrait devenir, du jour au lendemain, obsolète et caduc, si nous perdions notre notation AAA.

Je suis toujours étonné, je dois l'avouer, que nous restions à ce point performants alors même que des gouvernements précédents ont mis à mal l'économie nationale en développant une culture idéologique opposée à l'économie de marché. Je rappelle que tous les pays au monde se sont convertis à l'économie de marché ! La Corée du Nord et une certaine tendance politique particulière française sont les deux seules exceptions.

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