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Intervention de Jean-Jacques Guillet

Réunion du 2 novembre 2011 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2012 — Écologie développement et aménagement durables

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Guillet, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères :

Madame la ministre monsieur le ministre, je m'empresse de vous dire que la commission des affaires étrangères a, sur ma proposition, donné un avis favorable aux crédits consacrés à l'action internationale de la France en matière d'écologie. Il faut dire que ces crédits sont relativement faibles, puisqu'ils s'élèvent à 9 425 695 euros très exactement. Moins de 10 millions d'euros, c'est un montant modeste, mais on peut faire beaucoup avec peu.

Et en définitive, ces crédits sont essentiels. Ils permettent à nos délégations ministérielles, diplomatiques et scientifiques de participer aux réunions multilatérales et communautaires et d'y défendre la position de notre pays. Ils permettent également de poursuivre les relations contractuelles entre l'État et diverses ONG, qui jouent un rôle d'expertise auprès des pouvoirs publics. Ils sont, enfin, complétés par une dotation du ministère de l'économie et des finances, inscrite au programme 110, qui consacre, pour quatre ans, 95 millions d'euros au fonds français pour l'environnement mondial. Ce fonds est géré par l'AFD, ce qui explique qu'il ne soit pas dans le même périmètre, et il nous permet d'assister des pays en développement dans leurs projets environnementaux.

Madame la ministre, monsieur le ministre, au-delà de ces crédits, ce qui intéresse au premier chef la commission des affaires étrangères, c'est évidemment l'état de l'ensemble des grandes négociations internationales sur le climat et la biodiversité. C'est d'ailleurs pour cela que la commission des affaires étrangères s'est saisie du budget de l'écologie depuis maintenant deux législatures.

On peut être frappé par le décalage entre les situations d'urgence que nous devons affronter et la lenteur des solutions que les États proposent, comme si tous, collectivement, nous n'avions pas pris conscience que les problèmes globaux exigent une forme de gouvernance mondiale. Or c'est un peu le contraire qui se produit. Peut-être sous l'effet de la crise – mais c'est une fausse justification –, les égoïsmes nationaux semblent l'emporter largement. Le dialogue est jusqu'ici resté infructueux, en particulier dans le domaine des négociations sur le climat. En ce qui concerne la biodiversité, paradoxalement, les choses semblent avancer.

En ce qui concerne les négociations sur le climat, je pense qu'il ne faut pas nous réfugier derrière une rhétorique optimiste. Le sommet de Copenhague n'a pas été un succès, chacun en conviendra.

La conférence de Cancun peut être qualifiée de demi-succès, dans la mesure où les objectifs étaient très modestes. Elle a débouché sur trois points : une limitation du réchauffement ; un arrangement pour enregistrer les objectifs et les actions des pays développés et des pays en développement ; la mise en place de mécanismes pour soutenir les actions des pays en développement – c'est le nouveau fonds vert, et c'est probablement le point le plus intéressant.

La conférence de Durban, qui se tiendra dans quelques semaines, est censée mettre en oeuvre les objectifs fixés à Cancún, mais les négociations préparatoires ne dégagent aucune perspective d'accord, de sorte que cette conférence pourrait être un « impossible compromis ». Pour l'heure, le blocage des négociations sur le climat est principalement dû aux intérêts divergents des pays qui disposent des économies majeures de notre planète.

En effet, la Chine et les États-Unis, qui sont les principaux émetteurs de C02, ne font pas des négociations climatiques une priorité. Le C02 émis annuellement par la Chine atteint désormais 6,8 tonnes par habitant, contre 5,9 tonnes en France. Ce pays a ainsi multiplié par deux son niveau d'émission depuis 2003. Or, compte tenu de son poids dans l'économie mondiale et dans la finance – on s'en aperçoit régulièrement –, aucun pays ne peut faire pression sur elle. Son inertie volontaire préfigure donc à elle seule un échec de la conférence de Durban.

En outre, l'analyse des États-Unis est, au moins sur un point, similaire à celle de la Chine. Washington fait en effet de la création d'emplois et du soutien de la croissance une priorité et parie sur l'innovation technologique plutôt que sur un accord international. Par ailleurs, la Chine et les États-Unis n'ont jamais ratifié le protocole de Kyoto, dont la première période expirera le 31 décembre 2012. Dès lors, on peut s'interroger sur l'avenir de ce protocole.

Aussi vous poserai-je trois questions, madame la ministre. Premièrement, qu'attendez-vous réellement de la conférence de Durban ? Deuxièmement, pensez-vous que le protocole de Kyoto puisse être prolongé par une nouvelle période ? Troisièmement, si Kyoto ne devait pas être prolongé, quelle position adopteront la France et l'Union européenne ? Et j'ajouterai une quatrième question : le format des conférences internationales sur le climat est-il le plus pertinent ? Ne serait-il pas plus utile de se contenter du format européen et de miser sur l'exemplarité européenne ? Nous disposons, du reste, de quelques instruments pour y parvenir. Je pense notamment à l'Agence internationale pour les énergies nouvelles – IRENA –, instituée par un traité dont notre assemblée a débattu, et à la création très récente d'une « ADEME internationale », que je salue car je l'avais réclamée dans mon rapport l'année dernière. Une telle institution me paraît en effet utile pour exporter notre savoir-faire et nourrir nos propres réflexions sur une économie faisant une meilleure part aux énergies renouvelables et aux innovations technologiques en matière d'efficacité énergétique.

Je conclurai en évoquant la biodiversité et l'Organisation mondiale de l'environnement.

L'état de la biodiversité inspire un constat pessimiste, en raison de la disparition accélérée d'espèces végétales et animales liée à l'activité humaine. Toutefois, la conférence de Nagoya, en octobre 2010, a abouti à un accord intéressant, dans le détail duquel je n'entrerai pas, le temps m'étant compté.

Quant au projet de création d'une Organisation mondiale de l'environnement – qui rejoint ma préoccupation en matière de gouvernance mondiale –, il est porté par la France depuis le Sommet de la Terre, qui s'est tenu à Johannesburg en 2002. Hélas ! cette idée progresse trop lentement. Jacques Chirac l'a longtemps soutenue. Nicolas Sarkozy l'a également défendue, en soulignant la fragmentation de la gestion internationale de l'environnement. Le Programme des Nations unies pour l'environnement n'a pas, en l'état, les moyens de coordonner cet ensemble. Il serait donc indispensable d'aller plus loin, en créant cette OME. Espérez-vous quelque chose du Sommet de Rio sur ce point ?

Madame la ministre, avant d'achever mon intervention, je souhaiterais recueillir votre avis sur un événement récent. La Russie a annoncé, il y a quinze jours, son souhait d'exploiter les richesses minières et hydrocarbures de l'Antarctique. Or, la communauté internationale a, de tout temps, souhaité, par les traités de Washington et de Madrid, faire de ce continent un sanctuaire. Je crains que ne s'enclenche un mécanisme trop vu ailleurs et dans d'autres temps : on commence par demander une légère dérogation au droit de l'environnement et, de fil en aiguille, la nature subit un grignotage insidieux. Ce qui me préoccupe, c'est le silence des pays qui occupent l'Antarctique. Ni les États-Unis, ni le Royaume-Uni, ni la France ni la Norvège n'ont, pour le moment, réagi. Quelle est, sur ce point, la position de la France ?

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