Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Hervé Mariton

Réunion du 2 novembre 2011 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2012 — Écologie développement et aménagement durables

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Mariton, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour les transports routiers, ferroviaires, fluviaux et maritimes, le contrôle de la circulation et du stationnement routier, les services nationaux de transports conventionnés de voyageurs et les avances au fonds d'aide à l'acquisition de véhicules propres :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits des transports dans les domaines que le président vient de citer, que je rapporte pour la commission des finances depuis maintenant neuf ans, témoignent d'une bonne politique. Il me semble que, durant ces neuf dernières années, des progrès importants ont été accomplis, à la fois pour nos concitoyens et pour la compétitivité de notre économie. Cette politique comporte ce qu'il faut de continuité tout en mettant en oeuvre des initiatives fortes.

Cela étant, madame la ministre, monsieur le ministre, le monde change. Et au regard des débats de ces derniers mois, ou de ces dernières années, je souhaitais plus particulièrement insister sur quatre points.

Le premier, c'est la perspective du schéma national des infrastructures de transport, le SNIT. Vous êtes venue, madame la ministre, devant la commission des finances pour répondre, d'une manière intéressante, à un certain nombre de questions que nous avions à vous poser, en particulier dans la continuité du rapport que j'avais publié.

Le SNIT, c'est, a priori, plus de 260 milliards d'euros de dépenses. Nous vous avons fait respectueusement observer que, ni de près ni de loin, l'État n'était capable de financer cela, et que, outre ce problème de capacité financière, se posait également celui de la hiérarchie et de l'explicitation des priorités. Vous nous avez répondu que vous partagiez cette préoccupation, ce qui est bien. Nous vous avons demandé quelle méthode vous proposiez pour résoudre ce problème. Votre réponse, mais c'est à vous qu'il revient de la préciser, madame la ministre, voulait à peu près dire – et je trouve que c'était une réponse intéressante – que le concours financier des collectivités locales pourrait venir, au fond, témoigner de l'intérêt plus ou moins grand que telle ou telle collectivité portait à tel ou tel projet, et que ce serait là une forme de hiérarchisation des projets.

Vous-même et M. Mariani aviez eu précédemment l'occasion de rappeler que la mobilisation de partenariats public-privé pouvait favoriser l'émergence de ces projets. Mais comme vous le savez, les partenariats public-privé sont utiles pour davantage d'efficacité et de rapidité, pour améliorer l'épaisseur du projet et pour trouver des financements auxquels on n'aurait peut-être pas pensé. Ils ne transforment cependant pas le plomb en or, et ne rendent pas immédiatement rentable un projet qui ne le serait pas.

Au surplus, étant donné la contrainte qui pèse sur les finances publiques et la lucidité qui doit être la nôtre à cet égard, la rigueur qui s'impose à l'État doit aussi s'imposer aux collectivités locales. Par conséquent, madame la ministre, la question que je vous pose est la suivante : aujourd'hui, où en sommes-nous du projet de SNIT ?

Votre cabinet m'a dit que, pour rassurer les agences de notation face à cette perspective irréaliste et dangereuse d'une dépense de 260 milliards, il pourrait y avoir une notule de bas de page indiquant qu'il fallait tout de même prendre les choses avec mesure. Je ne pense pas, madame la ministre, que l'époque soit à des notules de bas de page. Si nous voulons être sérieux, en termes d'ambition pour les transports, mais aussi, tout simplement, pour le crédit économique et financier de notre pays, nous devons dire que si nous avons certes besoin d'un SNIT, car la crise ne dispense pas d'une ambition dans le domaine des transports, il faut que celle-ci soit calibrée en fonction des moyens que nous pouvons raisonnablement mobiliser. Et ce n'est pas affaire d'une notule de bas de page. Je souhaitais donc vous demander, madame la ministre, quelles étaient aujourd'hui, dans le contexte économique et financier qui est le nôtre, en France, en Europe et dans le monde, vos intentions en ce qui concerne le SNIT.

Deuxième point, la mission qui est la mienne, pour la commission des finances, me conduit à regarder comment vous présentez le projet de budget et comment les opérateurs le présentent, et à poser des questions qui permettent, tout au long de la préparation de la discussion du projet de loi de finances, d'avancer. Et puis, il y a des moments où je n'y arrive pas. Le débat en séance publique est l'occasion, me semble-t-il, de vous poser une question importante. Vous avez assigné à RFF une belle ambition, la régénération des voies, à hauteur de 2 milliards d'euros. Or, je ne les trouve pas – mais probablement ai-je mal regardé. Et RFF, en tant qu'opérateur, me dit qu'il n'en dispose pas. En tout cas, les crédits que l'État lui alloue ne permettent pas de couvrir cette dépense.

Le patron, c'est vous, c'est l'exécutif. RFF est un établissement public sous la tutelle de l'État, et c'est à vous qu'il appartient d'en décider. C'est aussi à vous de nous dire si ces 2 milliards d'euros sont effectivement dans la capacité d'action de RFF en 2011, ou si, parce que, en matière budgétaire, on ne fait pas de miracle, ils n'y sont pas.

Ma troisième question concerne la taxe poids lourds. Monsieur le ministre, vous avez récemment signé l'accord qui permet de débloquer cette affaire, qui a été et est encore complexe, aussi bien sur le plan opérationnel que dans sa dimension contentieuse. On peut espérer, parce que je soutiens votre action, que la taxe poids lourds soit mise en oeuvre en 2013. L'idée est apparue, dans les travaux de notre commission comme dans les échanges que nous avons eus avec le monde professionnel des transports, que cette taxe pouvait, à sa manière, être une sorte de préfiguration de TVA sociale. Pour dire les choses, nous avons là un secteur d'activité pénalisé par des charges de personnel qui entravent sa compétitivité face aux transporteurs étrangers. Ces dernières années, nous avons en effet constaté – et il est clair que ce n'est pas la faute du Gouvernement – un retrait très grave des transporteurs routiers français sur le marché. Et on se dit qu'au fond, il serait possible de « charger » la taxe poids lourds que vous proposez et, en même temps, d'alléger les charges sociales des transporteurs routiers.

Dans le monde tel qu'il est, du point de vue de l'évolution de la fiscalité et de l'amélioration de la compétitivité de nos entreprises, je souhaite connaître la position du Gouvernement sur ce sujet.

J'en viens au quatrième point. Dans sa longue liste, le président a oublié que je rapportais aussi les crédits de l'eau. Regardant, il y a quelques mois, le fonctionnement des agences, je me suis rendu compte qu'il y a des domaines où l'on ne comprend plus très bien pourquoi et comment l'argent public est employé. Prenez l'exemple de la lutte contre le saturnisme. Après avoir entendu votre administration, mais aussi le directeur général de la santé de l'époque, Didier Houssin, il apparaît, et c'est heureux, que la fréquence du saturnisme a été divisée par trente, en France, en vingt ans. Les pouvoirs publics ont ainsi mené une politique à la fois coûteuse et efficace. C'est un vrai succès.

Le seul problème, c'est que l'on continue de la mener à peu près à l'identique, d'une manière encore plus coûteuse pour l'avenir, sans pouvoir en aucune façon attendre les mêmes résultats dans les années qui viennent. Il y a là des dépenses pour les particuliers, pour les entreprises, pour les collectivités locales et pour les agences de l'eau, lesquelles subventionnent un certain nombre de travaux, dont certains, à l'évidence – et cela est reconnu y compris par le directeur général de la santé –, n'ont aucun impact d'aucune sorte sur la santé humaine. Manifestement, l'obligation de résultat et l'obligation de moyens sont confondues.

Le Gouvernement, madame la ministre, monsieur le ministre, est à la recherche d'économies. N'y a-t-il pas là matière à économies, au-delà de ce que vous avez récupéré sur l'ONEMA ? Mais il ne s'agit pas simplement d'effectuer un prélèvement sur les agences de l'eau. Il faut, à un moment donné, assumer un changement de politique.

Une question similaire se pose s'agissant des services publics d'assainissement non collectif, les SPANC. Il y a ici un certain nombre de députés ruraux, dont je suis. Chacun entend bien qu'une contrainte pèse aujourd'hui sur certaines installations, dont les rejets n'ont, en tant que tels, compte tenu du lieu où elles sont implantées, compte de la géologie et de la géographie du terrain, aucun impact d'aucune sorte sur l'environnement, ni proche, ni éloigné. Là aussi, il y a manifestement confusion entre l'obligation de moyens et l'obligation de résultat. Il ne s'agit pas uniquement de dépenses contraintes pour des particuliers. Il s'agit aussi, dans certains cas, de subventions apportées par les collectivités locales et par les agences de l'eau – il y a là matière à économies.

L'an dernier, en commission élargie, j'avais posé cette question à la secrétaire d'État à l'écologie. Pour dire les choses de manière directe, nous avions assisté à un renvoi de balle entre le ministère de l'écologie et celui de la santé. Je constate que Didier Houssin, le directeur général de la santé de l'époque, qui connaissait le sujet – son successeur est en fonction depuis peu de temps, et il est en train de se pencher sur la question –, qui est une personnalité reconnue, était parfaitement conscient qu'il y avait matière à changement de politique et à économies substantielles sur ce terrain. Vous vous honoreriez, madame la ministre, en étant celle qui engage les choses.

De même, s'agissant des services publics d'assainissement non collectif, on impose aujourd'hui des contraintes et des coûts à nos concitoyens, aux collectivités locales et aux opérateurs de l'État que sont les agences de l'eau, parfois sans justification. Il y a des cas où les mesures sont évidemment justifiées. Il en est d'autres où elles ne le sont pas. La réalité est que, non pas au nom du principe de précaution, que je partage – j'ai voté, en son temps, la révision constitutionnelle qui l'a inscrit dans le préambule de la Constitution, et je ne le regrette pas –, mais au nom du « principe du parapluie », on impose des dépenses qui ne sont pas justifiées, dans des cas dont il faut faire l'inventaire et l'économie. Cela me paraît urgent.

Par ailleurs, je défendrai tout à l'heure un amendement proposant des économies dans le domaine de l'aide aux associations. Je croisais tout à l'heure ma collègue Henriette Martinez. Son département comme le mien font partie de ceux dans lesquels vous vous êtes rendue, madame la ministre, concernée que vous étiez par le problème, car c'en est un, de la présence du loup en France. J'avais présenté l'an dernier devant la commission des finances une note faisant apparaître le coût extravagant de la présence et du développement du grand canidé dans notre pays. C'est là, certes, un exemple ponctuel, mais qui permet de rappeler que l'on finance, parce qu'il est là ou parce qu'il faut gérer les dégâts, la présence du loup en France, tout en finançant un certain nombre d'associations qui en défendent l'extension. Il y a manifestement, dans ce domaine comme dans d'autres, quelques économies à faire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion