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Intervention de Alain Vidalies

Réunion du 9 juillet 2009 à 15h00
Dérogations au repos dominical — Article 2, amendements 45 56 61 63 67 68

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Vidalies :

La proposition de loi introduit une modification importante quant à la nature des commerces pouvant ouvrir le dimanche. Il s'agit de passer de la définition actuelle, qui ne méritait pas d'être caricaturée et qui consiste à prévoir une dérogation pour la vente des objets qui sont nécessaires notamment pour l'activité touristique, à un texte non seulement qui accroît le nombre de dimanches ouverts, puisque tous les dimanches de l'année seraient concernés, mais également qui touche tous les produits.

Certes, on a beaucoup caricaturé la jurisprudence, les médias ont largement parlé des lunettes de soleil et des lunettes de vue… Franchement, doit-on ouvrir les magasins le dimanche pour des touristes qui veulent se faire faire des lunettes de vue ? Normalement, ces propos auraient dû déclencher l'hilarité générale, y compris chez les commentateurs qui les rapportaient, tellement la situation est absurde.

Les décisions qui ont été rendues sur telle ou telle activité des Champs-Élysées visaient des personnes qui ne respectaient pas les textes, tout simplement. Je pense notamment à la décision très récente du Conseil d'État, en date du mois de mars 2009, sur la société Louis Vuitton. Les juges ne sont ni rétrogrades ni absurdes. Simplement, ils ont constaté que le fait de placer trois livres et cinq tableaux dans un magasin pour essayer d'en faire un lieu culturel susceptible d'être ouvert le dimanche, ne devait pas permettre de vendre tout un tas de choses qui n'avaient strictement rien à voir avec ce que la loi prévoyait, et ils ont considéré, dans leur arrêt, que la nécessité d'acheter ces objets le dimanche n'était pas évidente.

Vous avez ouvert très largement cet espace-là. Est-ce une bonne chose ? Comme, sur ce point également, aucune d'étude d'impact n'a été réalisée, nous n'en savons rien et je ne suis pas sûr que tout le monde, ici, sache quoi en penser.

Je vous mets en garde. Si nous savons ce que recouvre le commerce de détail spécialisé, puisque c'est la réalité d'aujourd'hui, nous ne connaissons pas ce qu'il adviendra demain avec les dispositions que vous êtes en train de voter. Puisque tout sera permis tout le temps, il se pourrait bien que des franchises débarquent dans toutes les villes concernées pour capter la clientèle au détriment des commerçants du coin. Vous aurez alors réussi une extraordinaire opération.

À supposer que les commerçants déjà installés veuillent ouvrir plus longtemps, prenez au moins la précaution de vérifier que leurs activités soient bien en lien avec l'activité touristique ou culturelle et ne permettez pas tout. S'il n'y a plus aucune liste, plus aucune barrière, notamment sur la nature de l'activité – si l'on excepte l'alimentaire, qui n'est pas visé –, les grandes boites franchisées voudront profiter de la situation. Il ne faudra pas le leur reprocher. Il ne faudra pas venir faire, ici, des discours sur la défense du petit commerce, et vos spécialistes de la défense du petit commerce, qui sont d'ailleurs absents de ce débat, ne pourront pas continuer à affirmer qu'ils vont s'en occuper.

La défense du petit commerce, qui permet, d'une certaine façon, la préservation d'un aménagement du territoire cohérent, passe par une disposition législative. Il est de votre responsabilité d'empêcher que le scénario qu'on évoque devant vous aujourd'hui ne se produise. Sinon, il ne faudra pas, demain, venir vous plaindre d'avoir des franchisés partout.

Ce n'est pas de paroles mais d'actes que nous avons besoin. Vous avez la possibilité d'en faire un en votant cet amendement.

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