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Intervention de Sandrine Mazetier

Réunion du 9 juillet 2009 à 15h00
Dérogations au repos dominical — Article 2, amendement 52

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Mazetier :

Avec l'habillage proposé par l'alinéa 2 de l'article 2, vous êtes infidèles à l'esprit du code du travail et à celui de l'article L. 3132-3 que vous souhaitez modifier.

En 1906, il avait été rédigé en prenant en compte l'intérêt que constituait pour toute la société un temps commun chômé. Et si le texte avait été adopté dans un esprit plus large que le seul intérêt des salariés, ce n'était pas innocent : il répondait à la nécessité d'avoir des repères communs dans une société.

En France, la société se remettait profondément en cause à l'aube d'un nouveau siècle. Elle réfléchissait à la laïcité, au droit des associations, à l'engagement, à la gratuité, au temps commun. Elle se dotait de nouveaux repères, pour une nouvelle ère. Elle se pensait dans son actualité et se projetait dans son avenir. Elle croyait au progrès, au progrès humain, au partage, à l'échange. Avec votre texte, vous vous apprêtez à abîmer tout cela.

Sous prétexte d'habillage, cette proposition de loi remet en cause des temps sociaux auxquels tous nos concitoyens sont attachés. Manifestement, certains d'entre vous, dont le rapporteur, ne mesurent pas leur importance.

Mme Delphine Batho disait tout à l'heure que les femmes seraient l'essentiel des salariés touchés immédiatement dans les activités de commerce, quels que soient les périmètres retenus.

Dans la région Île-de-France, qui sera très concernée par les conséquences de la proposition de loi, deux tiers des personnes vivent seules. Vous ne reteniez, monsieur le rapporteur, qu'un pourcentage de 50 % et la surreprésentation des cadres supérieurs à Paris.

L'ouverture de tout ou partie des commerces parisiens n'aura pas seulement un impact sur les salariés de Paris, mais sur tous ceux d'Île-de-France, notamment les familles monoparentales. Mme Batho y faisait allusion tout à l'heure, certains de nos collègues l'ont également fait remarquer lors de la discussion générale.

Monsieur le ministre, vous aviez, dans une responsabilité précédente, il n'y a pas si longtemps, interdit l'ouverture des écoles le samedi matin – nous n'en avons d'ailleurs pas parlé dans cet hémicycle – au prétexte que les familles le demandaient, ayant besoin de temps commun. Le même ministre, qui n'est plus ministre de l'éducation nationale, s'apprête à mettre les mêmes mères de famille, les mêmes parents au travail sans que cela lui pose le moindre problème.

Je voudrais que l'on cesse d'être hémiplégique dans cet hémicycle, que le cerveau droit parle au cerveau gauche. Vous adoptez des propositions de loi et des projets de loi les uns à la suite des autres. Retournez-vous pour prendre la mesure de la société que vous êtes en train de mettre en place et des conséquences des lois votées ! Si on « chaîne » les discours les uns après les autres, ils sont totalement contradictoires. Soit vous ne faites pas attention aux conséquences des textes adoptés, soit vous en êtes tout à fait conscients et c'est encore plus grave.

Avec la précision « Dans l'intérêt des salariés » apportée dans le code du travail, vous refusez de considérer les conséquences sur l'environnement, sur les temps sociaux, sur la vie de famille, sur les associations, sur les paysages commerciaux, sur l'activité économique.

J'attends des réponses précises aux questions posées par un certain nombre de nos collègues, en particulier par Martine Billard, sur Paris, sur les périmètres. J'ai écouté avec beaucoup d'attention notre collègue Axel Poniatowski expliquer que les maires étaient soucieux de maintenir l'équilibre de leur territoire et de remédier aux déséquilibres qui pouvaient s'y produire.

Dans une ville comme Paris, avec votre texte, 2 millions de Français seront privés de cet équilibre, de l'attention portée au type de paysage commercial, au type de commerce, aux conséquences induites sur la vie des salariés, des consommateurs, des collectivités et de leurs habitants. À Paris, en effet, le maire et les élus n'auront pas leur mot à dire sur les périmètres. Le Président de la République considère que Paris dans son ensemble est une ville touristique, donc tout Paris sera ouvert le dimanche. Mais Paris n'est pas seulement une capitale internationale dont il faudrait ouvrir les commerces le dimanche pour les femmes de chef d'État, aussi brillantes soient-elles. C'est une ville peuplée d'habitants, dotée d'équipements publics ; c'est une ville où des personnes travaillent, se déplacent tous les jours.

Qui vient travailler à Paris dans les commerces ? Il y a dans ma circonscription un de ces périmètres exceptionnellement ouvert le dimanche : Bercy Village. Les salariés qui y travaillent, en très grande majorité des femmes, n'habitent pas dans ma circonscription, dans cet arrondissement de Paris. Ils empruntent les transports en commun pour venir y travailler tous les dimanches. Demain, le sort de ces salariés sera généralisé à l'ensemble des salariés d'Île-de-France. Les quelque 100 000 commerçants et artisans parisiens ne pourront pas suivre et seront frappés de plein fouet par les conséquences d'une telle mesure.

J'ai beau écouter attentivement, je n'ai obtenu aucune réponse précise sur ces questions. Manifestement, aucune mesure n'a été prise quant à la catastrophe sociale, environnementale et sociétale qu'entraînera ce texte. Et quoi que vous en disiez, chers collègues de la majorité, j'ai le sentiment que vous ne prenez pas la mesure de vos décisions et de la perte de repères induite par ce texte.

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