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Intervention de Jean-Paul Lecoq

Réunion du 12 octobre 2011 à 15h00
Débat préalable au conseil européen

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'Union européenne s'enfonce toujours davantage dans la crise. Comme nous ne cessons de le dénoncer, les choix politiques inscrits dans les traités européens, de celui de Maastricht à celui de Lisbonne, fondés sur une logique de compétition et de mise en concurrence des États membres, expliquent en grande partie la fragilisation financière des États. Je pense notamment au principe de libre circulation des capitaux et aux critères du pacte de stabilité, dont les seuls juges sont désormais les agences de notation, élevées au rang d'arbitres absolus, et les marchés financiers.

Aujourd'hui, on ne peut plus se voiler la face : la politique monétaire de l'Union, conduite par la BCE, devait déboucher, tôt ou tard, sur une crise de grande ampleur. La crise financière de l'été 2007 a fait la démonstration que plusieurs décennies de libéralisation des secteurs financiers et de privatisation des établissements de crédit ont entraîné des problèmes majeurs de fonctionnement. Le système est devenu hors de contrôle. La majorité n'a proposé, au fil des ans, que de le rafistoler à la marge et d'en huiler les rouages, alors que la priorité était de reprendre le contrôle des marchés financiers et des banques.

Malgré les grandes promesses faites par les dirigeants du monde entier en 2008 et 2009, on a pu mesurer, cet été, à quel point la régulation des pratiques spéculatives n'avait pas progressé. Avec le plan de sauvetage des banques de 2008, qui n'avait été assorti d'aucune contrepartie, les établissements bancaires ont d'abord et avant tout pensé à leur redressement financier plutôt qu'au financement de la relance de l'activité économique. Or, ce sont ces mêmes établissements bancaires qui, une fois « renfloués », ont été à la manoeuvre dans la spéculation sur la dette souveraine. Les marchés se sont mis à parier sur le défaut de paiement de certains pays de la zone euro et ont commencé à massivement augmenter les taux d'intérêt des obligations grecques et portugaises. Une fois de plus, la réponse apportée par les dirigeants politiques, notamment Nicolas Sarkozy, n'a pas été à la hauteur. Le plan d'aide à la Grèce n'a été que la répétition du plan d'aide aux banques et a consisté, en réalité, à sauver les banques, au détriment des peuples. La création du Fonds européen de stabilité financière puis l'élargissement de ses missions, convenu le 21 juillet dernier, demeurent des avancées minimes qui n'offrent aucune perspective de désendettement.

L'austérité pénalise l'activité économique, paupérise massivement la population et fait plonger la Grèce dans la récession. Les méfaits de l'austérité ont pourtant été maintes fois dénoncés par d'éminents économistes atterrés, lesquels, depuis la publication de leur manifeste à l'automne 2010, voient leurs hypothèses se vérifier avec l'accélération de la crise. « Nous sommes condamnés au radotage, car l'histoire bafouille », ironise Frédéric Lordon, directeur de recherche au CNRS, qui s'en prend à la « remarquable persévérance dans l'erreur de ceux qui nous dirigent ».

Aucun des prétendus sommets sur la crise n'a en réalité apporté de solution à la crise de la dette ni limité la spéculation effrénée. Ces plans d'austérité ont sur les peuples des conséquences démesurées. Selon les chiffres de la Banque nationale de Grèce, le taux de chômage a doublé en plus de deux ans, atteignant plus de 16 % ; en seulement un an, 65 000 entreprises, dont 7 000 commerces à Athènes, ont déposé leur bilan. Chômage, incapacité de rembourser ses dettes, aggravation de la pauvreté sont autant de conséquences directes des plans d'austérité. En outre, depuis le début de la crise, en 2009, le nombre de personnes qui se sont donné la mort a doublé. Ces suicides sont le signe du profond désespoir qu'engendrent vos décisions.

L'urgence exige que soit mis fin à cette course au désastre et que soient construites des solutions alternatives fortes à l'échelle de l'Union européenne. Ces solutions existent. Nous estimons, pour notre part, nécessaire et urgent d'envisager la refonte des institutions de la zone euro et du système financier international, de prendre des mesures concrètes pour mettre fin aux fonds spéculatifs, aux fonds de capital investissement, aux paradis fiscaux et à l'évasion fiscale, et de dompter le marché des produits dérivés en le soumettant à des régimes d'autorisation contraignants.

Nous jugeons également indispensable de démanteler les agences de notation privées, de remplacer le pacte de stabilité et de croissance, devenu obsolète, par un pacte de solidarité sociale pour l'emploi et la formation. L'Union doit s'attacher à promouvoir la taxation des mouvements des capitaux spéculatifs et à redéfinir le rôle de la Banque centrale européenne. Cette réforme de la BCE pourrait s'accompagner de la création d'un grand pôle financier public européen constitué en partenariat avec les grandes banques européennes préalablement nationalisées. Ce fonds serait abondé par une taxe sur les transactions financières et une taxe européenne sur les hauts revenus à hauteur de 5 %. L'action prioritaire de ce fonds pourrait être la restructuration et le rachat des dettes souveraines des pays en difficulté.

Il n'est que temps de tirer les leçons des cinglants démentis apportés, semaine après semaine, aux dogmes de l'idéologie néolibérale inscrite au coeur même des traités européens. Contrairement à ce que demande le patronat, il faut, non pas aller vers « une Union politique et économique plus étroite », mais mettre au pas la finance et remettre le social au premier plan.

Nous vous demandons de faire entendre la voix de la France au prochain Conseil européen pour engager une transformation radicale de la construction européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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