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Intervention de Catherine Lemorton

Réunion du 27 septembre 2011 à 15h00
Renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Lemorton :

Il faut les imposer aux firmes pharmaceutiques. Ils sont déjà pratiqués pour les maladies graves comme le cancer, le sida, les hépatites, car il serait bien sûr criminel de laisser une partie de la population sans traitement. Mais il faut les appliquer aussi aux pathologies de tous les jours – hypertension, diabète, cholestérol, ulcères. De ces tests dépendront le niveau d'amélioration du service médical rendu et donc l'avenir de tel ou tel médicament dans notre système de soins, qu'il s'agisse de la décision de sa mise sur le marché, de son intégration dans les stratégies thérapeutiques médicamenteuses, de son remboursement ou du taux de ce remboursement. À cet égard, il faut s'interroger sur la pertinence d'un taux de remboursement de 15 % pour les régimes obligatoires : à ce niveau, on peut se demander si les médicaments rendent un service médical effectif et s'il ne s'agit pas plutôt d'assurer la pérennité de leur prescription.

Lors de nos débats en commission, M. Robinet nous a opposé qu'un de nos amendements concernant les tests était contraire au droit européen.

Au-delà du principe de subsidiarité qui s'impose en matière de santé publique, nous avons donc recherché celles des directives européennes qui concernaient les médicaments et les essais cliniques. M. Robinet est un homme raisonnable : nous nous sommes dit que si, sans cesse, il nous opposait les directives européennes, c'était parce qu'il avait sans doute raison. Mais il semblerait que nous n'en ayons pas la même lecture à droite et à gauche, un peu comme au sujet de la présomption d'innocence dont parlait tout à l'heure M. Fillon.

Permettez-moi d'en dresser un inventaire. La directive 200110CE du 4 avril 2011 concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l'application des bonnes pratiques cliniques dans la conduite d'essais cliniques de médicaments à usage humain précise les principes de base reconnus pour « la conduite d'essais cliniques chez l'homme fondés sur la protection des droits de l'homme et de la dignité humaine à l'égard des applications de la biologie et de la médecine telle qu'elle est évoquée, par exemple, dans la version de 1996 de la déclaration d'Helsinki » – rassurez-vous, je reviendrai sur cette déclaration.

Dans son article 2, il est précisé qu'est considérée comme essai clinique « toute investigation menée chez l'homme, afin de déterminer ou de confirmer les effets cliniques, pharmacologiques etou les autres effets pharmacodynamiques d'un ou de plusieurs médicaments expérimentaux, etou de mettre en évidence tout effet indésirable d'un ou de plusieurs médicaments expérimentaux, etou d'étudier l'absorption, la distribution, le métabolisme et l'élimination d'un ou de plusieurs médicaments expérimentaux, dans le but de s'assurer de leur innocuité etou efficacité ». Rien concernant les tests contre comparateurs me direz-vous : certes. Mais reportons-nous à la définition du médicament expérimental donné dans la directive : « principe actif sous forme pharmaceutique ou placebo expérimenté ou utilisé comme référence dans un essai clinique, y compris les produits bénéficiant déjà d'une autorisation de mise sur le marché ».

Dans ces conditions, monsieur Robinet, j'aimerais que vous m'expliquiez en quoi cette directive va à l'encontre des solutions que nous appelons de nos voeux depuis un moment et avec lesquelles vous prétendez ne pas être en désaccord sur le fond. D'autant que d'après l'article 12 de cette même directive, un État membre peut procéder à la suspension ou à l'interdiction d'un essai clinique s'il a des raisons de douter de son bien-fondé. Et, vous pouvez être rassuré, M. Bertrand a manifesté sa volonté d'être précurseur en matière de droit européen s'agissant du médicament, notamment pour ce qui est des essais contre comparateurs – j'ai sur ce point tendance à lui faire confiance. Vous avez là l'occasion rêvée d'avancer en ce domaine.

La directive du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain indique dans son douzième considérant que, « dans l'éventualité d'un désaccord entre les États membres sur la qualité, la sécurité et l'efficacité d'un médicament, un arbitrage rapide doit être réalisé au niveau communautaire afin d'aboutir à une décision unique sur les points litigieux ». Rien n'empêche la France, me semble-t-il, de mener la bataille des tests contre comparateurs au niveau européen, à moins que ce ne soit pas la volonté réelle de M. Bertrand. Je me refuse cependant à le croire, tant il paraissait sincèrement choqué par l'affaire du Mediator – à moins d'envisager que des forces cachées auraient eu raison de sa volonté.

Je vous invite à vous pencher sur l'annexe I de la directive de novembre 2011 qui détaille de façon exhaustive les protocoles et marches à suivre en termes d'essais de médicaments. Je ne m'étendrai pas dans les citations puisque tout dans ce texte tend à prouver que le droit européen est en phase avec notre amendement. Il y est indiqué que la documentation concernant le protocole, y compris la justification, les objectifs, les méthodes statistiques et la méthodologie de l'essai, de même que les conditions dans lesquelles l'essai a été réalisé et géré et les renseignements relatifs au médicament étudié, ainsi que le médicament de référence et le placebo doit être fournie et conservée.

Pour votre information, monsieur Robinet, je vous précise que la directive de décembre 2010 n'évoque pas du tout les essais contre comparateurs auxquels vous venez de faire référence.

Tous ces éléments concordent avec la déclaration d'Helsinki de 1996 qui précise, à son paragraphe 29, que « les avantages, les risques, les contraintes et l'efficacité d'une nouvelle méthode doivent être évalués par comparaison avec les meilleures méthodes diagnostiques, thérapeutiques ou de prévention en usage. Cela n'exclut ni le recours au placebo ni l'absence d'intervention dans les études pour lesquelles il n'existe pas de méthode diagnostique, thérapeutique ou de prévention éprouvée. » Par ailleurs, et afin de lever toute ambiguïté, j'évoquerai la note explicative au paragraphe 29 ajoutée en bas de page qui indique, sans tergiversations possibles, que les essais avec témoins placebos ne doivent être utilisés qu'avec de grandes précautions et, d'une façon plus générale, lorsqu'il n'existe pas de traitement éprouvé.

J'espère avoir fait la démonstration, une bonne fois pour toutes, que nous pouvions dans cet hémicycle prendre des décisions en matière de tests contre comparateurs sans avoir l'accord des instances européennes.

Monsieur le ministre, cela fait des années que je tente de vous expliquer, avec l'ensemble de mes collègues de l'opposition, que ces tests contre comparateurs sont absolument essentiels à la réforme de notre système de sécurité sanitaire. J'espère avoir été assez claire et complète dans mes références.

Lorsque notre amendement avait été présenté en commission, M. Bur – ou M. Méhaignerie, je ne sais plus – avait rétorqué qu'il ne fallait pas rendre obligatoires les tests contre comparateurs car cela risquait de déséquilibrer le système. Quel système ? Quel équilibre ? Qui a quelque chose à perdre ? Et quoi ?

Monsieur le ministre, soyez libre, …

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