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Intervention de André Chassaigne

Réunion du 29 septembre 2011 à 9h30
Protection des consommateurs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Examinons les faits. Cette idée est-elle validée dans la réalité ? Je ne vous surprendrai pas en répondant immédiatement : non. En effet, le consommateur, comme j'ai déjà essayé de le montrer, n'a bien souvent pas le choix de consommer les biens et services qu'il achète.

Votre gouvernement a beau, par exemple, dérembourser de plus en plus de médicaments, la demande ne refluera pas dans les mêmes proportions, parce que les gens n'ont pas le choix. Encore que ! Aujourd'hui, la situation est telle que beaucoup rognent sur leurs dépenses de santé, quitte à rester malades. C'est en particulier le cas d'un nombre grandissant de jeunes, comme le constatent les missions locales auprès de ceux qu'elles accueillent.

Nous touchons là à la définition des libertés selon Amartya Sen, prix Nobel d'économie. Les libertés individuelles ne sont pas la liberté. Celle-ci est le grand principe, tandis que les libertés individuelles, dont celle de consommer, sont les choix dont l'individu dispose dans la réalité. On est libre d'acheter du pain mais, si l'on n'a pas d'argent, on ne l'est pas vraiment. Avec 10 % de chômeurs, c'est autant de personnes qui, parmi la population, sont d'une certaine manière privées de libertés. Décidément, Louise Michel avait bien raison quand elle disait : « Ce n'est pas une miette de pain, c'est la moisson du monde entier qu'il faut à la race humaine, sans exploiteur et sans exploité. »

Quant aux entreprises, surtout les plus grandes, elles ont les moyens et donc la liberté de contourner les règles de concurrence. Les exemples en sont quotidiens. Sur tous les marchés oligopolistiques, les ententes entre les gros acteurs permettent à ceux-ci de maintenir un niveau de prix élevé. La déréglementation laisse libre cours aux stratégies prédatrices et aux appétits financiers des actionnaires. La libéralisation a démantelé toutes les entreprises publiques susceptibles de maintenir des prix bas et attractifs pour tous, laissant le champ libre au secteur privé et à sa gloutonnerie.

Voilà pourquoi nous contestons ce cliché d'une concurrence qui serait facteur de progrès. La concurrence a pour effets, à long terme, de saper la solidarité et de dresser les acteurs économiques et les peuples les uns contre les autres, puisqu'elle en fait des adversaires dans le cadre de la grande compétition mondiale pour la rentabilité.

Puisque ce projet de loi aborde la question des opérateurs de téléphonie, chacun peut constater qu'en ce domaine la concurrence n'a pas eu les effets escomptés. Avec l'ouverture des marchés, les prix n'ont évidemment pas baissé, puisqu'ils connaissent au contraire une augmentation constante. Les pratiques qui ont cours se situent bien souvent à la limite de la publicité mensongère, comme en témoignent l'utilisation du mot « illimité » pour qualifier des forfaits qui ne le sont pas, ou encore le bridage du débit 3G des terminaux, ainsi que les atteintes délibérées à la neutralité des réseaux.

Ces pratiques commerciales sont monnaie courante. Or, à l'autre bout de la chaîne, les grandes entreprises savent faire jouer à plein la concurrence : concurrence entre les territoires pour marchander leur implantation et chasser les primes auprès des collectivités territoriales ; mais aussi, bien évidemment, concurrence entre les salariés. Elles savent délocaliser pour trouver moins cher ailleurs en termes d'implantation et de coût du travail. Mais dès qu'il s'agit de se concurrencer entre elles, elles oublient leurs stratégies prédatrices et deviennent expertes dans l'art des arrangements et des entraves au fonctionnement du marché. Ce système hypocrite marche sur la tête ! Disons plutôt que cette approche schizophrénique occulte tout simplement une maladie bien plus prédatrice : l'addiction au profit.

Ce projet de loi obligera-t-il les grands groupes à cesser leurs pratiques malhonnêtes, qui n'ont d'autre objectif que de plumer un peu plus les ménages et d'accroître les marges ? Non, bien entendu. Il ne changera rien à la situation et les lobbyistes des groupes du CAC 40 s'en frottent déjà les mains. Nous avons au moins une certitude : il n'empêchera pas les groupes les plus importants de dégager ces profits qui nous donnent le tournis. Faut-il citer les résultats, au premier semestre 2011, en pleine crise, de quelques géants des télécommunications ? Pour le meilleur de la génération numérique, Vivendi, 2,558 milliards d'euros et une hausse de plus de 100 % des profits en six mois ; 1,945 milliard d'euros pour France Télécom, pourtant en baisse conjoncturelle ; seulement 391 millions d'euros pour le pauvre Bouygues ! Je pense au regretté Allain Leprest, disparu en août dernier, qui dit si bien : « Le fric, le tout-fric, la joncaille, les biffetons et les talbins .»

Parmi les mesures proposées, l'essentiel consiste dans une meilleure rédaction des contrats qui lient les consommateurs aux prestataires en matière de téléphonie, d'électricité et de souscription de garantie. Pour le reste, c'est plutôt la pente inverse qui est suivie, puisque vous persistez dans votre objectif condamnable de dépénalisation du droit des affaires,…

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