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Intervention de Jean Dionis du Séjour

Réunion du 29 septembre 2011 à 9h30
Protection des consommateurs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Dionis du Séjour :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en écoutant nos collègues socialistes, je me disais que le PS était un grand parti. En effet, après Annick Le Loch, raisonnable, mesurée et positive, nous avons entendu François Brottes, beaucoup plus politique et dont le style est si proche du bulldozer qu'il a fait un lapsus qui ne manquera pas de figurer parmi les perles des débats parlementaires. Le centriste que je suis sera plus prosaïque.

Informer de façon loyale les consommateurs et contribuer ainsi à leur donner confiance : tels sont les objectifs de ce projet de loi. Nous le savons – Annick Le Loch l'a rappelé –, la consommation est l'un des moteurs de la croissance française. Or, celle-ci a progressé de 1 % au premier trimestre 2011 mais a été nulle au deuxième trimestre. Compte tenu de cette situation, qui nous rappelle combien la consommation est incertaine en temps de crise, il est absolument nécessaire de ne pas l'entraver et de la faciliter.

Tel fut l'objectif de la loi Chatel, de la loi de modernisation de l'économie et de la loi de modernisation de l'agriculture. Nous y revenons aujourd'hui dans le cadre de ce projet de loi, dans lequel M. le secrétaire d'État nous soumet un certain nombre de mesures sectorielles. Bien entendu, les centristes se réjouissent des avancées proposées par certaines dispositions, et je veux vous féliciter, monsieur le secrétaire d'État, pour le dialogue de qualité que vous avez su instaurer entre le Gouvernement et, notamment, les associations de consommateurs. Les centristes mais aussi, j'en suis certain, les membres de la commission des affaires économiques – dont vous estimez du reste, monsieur le président de la commission, qu'elle est celle de la vie quotidienne – saluent votre méthode, qui a consisté précisément à partir de la vie quotidienne, notamment des 92 500 réclamations reçues par la DGCCRF. Il s'agit d'une bonne méthode, modeste mais efficace.

Le texte prévoit ainsi, et nous nous en félicitons, le développement des dispositifs de valorisation de la qualité, qui permettent au consommateur de repérer les produits et services de qualité au milieu d'une offre toujours plus abondante et donc difficile à évaluer. Nous saluons également votre proposition d'instaurer un tarif social de l'internet, fixé à 23 euros par mois, soit une économie annuelle de plus de 100 euros, ce qui n'est pas négligeable. En réduisant la fracture numérique, ce dispositif permet de faire un pas en avant significatif. Une évaluation précise du nombre et de la sociologie de ses bénéficiaires devra nous permettre de faire varier à la baisse ou à la hausse le tarif social proposé

Par ailleurs, nous saluons la suspension du paiement par le consommateur de factures anormales de gaz ou d'électricité dans l'attente de vérifications – nous avons eu connaissance, ces derniers mois, des drames familiaux que peuvent provoquer de telles erreurs – ainsi que le renforcement des moyens d'action de la DGCCRF et la création de sanctions financières pouvant aller jusqu'à 15 000 euros pour les entreprises contrevenantes. Le fait que l'État n'ait pas craint d'entamer des procédures contre la grande distribution, notamment, est une nouveauté dans notre pays, et nous tenions à le souligner.

Si ces dispositions accroissent clairement la concurrence et renforcent l'information des consommateurs dans ces secteurs, le groupe Nouveau Centre estime néanmoins que nos travaux et les amendements qui seront examinés doivent permettre d'aller plus loin.

Parmi les dispositifs que nous vous proposerons, je veux citer l'obligation, pour toutes les ventes par téléphone ou autre moyen technique oral, y compris à l'initiative du consommateur, de confirmer par écrit l'offre communiquée ; le contrat ne sera alors formé qu'à la signature de cette confirmation écrite.

Nous souhaitons également réduire le délai de remboursement de trente à quinze jours, en matière de vente à distance, afin de réduire le temps où le consommateur est captif de la vente et de favoriser la concurrence.

Nous vous proposerons de limiter le droit des professionnels de demander des frais exorbitants aux consommateurs lors de paiement en ligne à l'aide de la carte bancaire. En effet, je puis vous dire, en tant que rapporteur du projet de loi sur la confiance dans l'économie numérique, combien ces facturations exorbitantes sont un frein majeur au développement de l'e-commerce, secteur en très forte croissance. Dans ce domaine, il y a du ménage à faire.

Il convient par ailleurs de développer les conventions d'affiliation pour tous les types de commerce afin de favoriser la mobilité des enseignes, en centre-ville notamment, ainsi que de supprimer le monopole des constructeurs automobiles concernant les pièces détachées au titre de dessins et modèles sur le marché secondaire des pièces de rechange.

Nous aurons le temps de débattre de l'ensemble de ces sujets, mais je souhaiterais m'arrêter sur deux points, fondamentaux pour les centristes, en affirmant fortement que notre vote final sera déterminé par les décisions de notre assemblée sur ces deux enjeux.

Le premier est l'enjeu grand public des télécommunications. Vous connaissez la dimension de ce marché considérable – 24 milliards d'euros pour les seuls services de téléphonie mobile – aujourd'hui arrivé à maturité, puisque le taux d'équipement est d'environ 100 % et que ce poste de dépense, qui représente environ 11 % des dépenses d'un budget familial, est devenu significatif pour les ménages français. Ce marché est, depuis plusieurs années, oligopolistique et l'arrivée d'un quatrième opérateur, Free – il faut féliciter le Gouvernement de l'avoir permise – vient bousculer la donne avec l'ambition, annoncée hier par M. Max Lombardini, de conquérir à terme 25 % de ce marché stratégique. Dans cette perspective, on assiste, ces dernières semaines, à la multiplication des initiatives commerciales des opérateurs existants, Orange, SFR et Bouygues, dans le but de garder leurs clients.

Les Français ont une relation privilégiée avec leur téléphone mais ils savent bien que, partout en Europe, les usagers paient beaucoup moins cher cette relation. Ainsi, la France occupe la deuxième place au classement des prix les plus élevés en téléphonie, avec 29 euros de dépenses mensuelles contre 17 euros en moyenne européenne – le comparatif étant établi à partir d'un panel de services comprenant un certain nombre de SMS et de minutes de communication téléphonique.

Notre position consiste clairement à sanctionner toutes les pratiques ayant pour objet de garder captifs les abonnés. Le jeu de la concurrence, qui doit fonctionner avec l'arrivée du quatrième opérateur et – enfin – le décollage des opérateurs de réseau mobile virtuel, permettra aux Français de gagner en pouvoir d'achat. C'est pourquoi nous avons déposé un certain nombre d'amendements visant à animer le marché des télécommunications.

Nous vous proposerons tout d'abord d'abaisser la durée d'engagement des abonnements à douze mois contre vingt-quatre mois aujourd'hui. Le système généralisé de l'engagement pour vingt-quatre mois sclérose le marché, fixe les parts de marché, limite la concurrence et immobilise de façon contrainte les consommateurs. Le grand mouvement du premier trimestre 2011, qui a vu 600 000 consommateurs rejoindre les opérateurs de réseau mobile virtuel, et presque autant quitter les trois opérateurs historiques de réseau à la faveur de la résiliation permise par la hausse de la TVA, montre que le consommateur guette l'occasion de recouvrer sa liberté. Les offres d'une durée de vingt-quatre mois, qui avaient leur légitimité lorsqu'elles intégraient le paiement du terminal téléphonique, le sont beaucoup moins actuellement, avec l'arrivée systématique des offres se limitant strictement à l'accès au service.

Les opérateurs de communications électroniques ont recours à plusieurs moyens, à la limite de la légalité, pour garder les consommateurs. Contre cette logique, nous vous proposerons notamment de bannir tout processus de réengagement caché. En effet, les opérateurs subordonnent trop souvent l'utilisation des points de fidélité à un réengagement.

Nous vous proposerons, enfin, des amendements visant à éviter que les consommateurs ne se trouvent piégés. Nous estimons en effet que les opérateurs doivent pouvoir offrir au consommateur la faculté de bloquer les services de messages surtaxés. En Suisse ou en Finlande, les autorités ont obligé les opérateurs de téléphonie mobile à proposer une option gratuite pour bloquer l'envoi de SMS surtaxés. Pour l'instant, rien de tel n'existe en France.

Le deuxième point prioritaire à nos yeux concerne le secteur bancaire. Monsieur le rapporteur, vous avez inscrit votre travail dans la suite du projet de loi réformant le crédit à la consommation de 2010. Nous sommes tout à fait d'accord avec cette logique et avons parfaitement en mémoire les débats ayant eu lieu le 9 avril 2010 dans notre hémicycle. Vous vous souvenez sans doute, monsieur le ministre, des engagements pris par Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie et des finances, sur un sujet éminemment politique : le répertoire national du crédit aux particuliers. Ce répertoire serait détenu par la Banque de France et consultable par les organismes prêteurs après autorisation de l'emprunteur pour une période d'un mois – en format papier et non informatique, pour éviter toute constitution de dossier pérenne sur les emprunteurs potentiels de ce type de crédit. L'utilisation commerciale de ce répertoire serait donc écartée. Par ailleurs, sa consultation se ferait en contrepartie d'un dédommagement financier qui permettrait l'autofinancement de l'ensemble. Bref, le système est aujourd'hui parfaitement défini.

C'est un sujet politique majeur pour une triple raison.

Premièrement, ce répertoire est un outil de prévention indispensable du surendettement, ce fléau social. Monsieur le ministre, vous êtes face à des parlementaires de terrain qui reçoivent beaucoup de familles dans leur permanence et qui ont ainsi fait l'expérience de la descente aux enfers que représente la spirale du surendettement. Or, nous avons l'absolue conviction qu'avec le répertoire national, un grand nombre de ces situations de détresse pourraient être évitées. La preuve, c'est que chez nos voisins européens, le montant moyen d'un dossier de surendettement se situe autour de 20 000 euros, alors qu'en France, il atteint 45 000 euros. La France est l'un des seuls pays en Europe à ne pas avoir installé de répertoire national. Allons-nous attendre qu'elle soit l'un des derniers au monde à ne pas l'avoir fait ? En exagérant un peu, je me demande si elle ne va pas rester le seul pays dans ce cas avec le Kazakhstan !

Face à l'énorme enjeu social, le consensus grandit autour de l'opportunité de créer ce répertoire : tous les travailleurs sociaux, toutes les associations luttant contre le surendettement, mais aussi les associations de consommateurs, auparavant circonspectes, et jusqu'à la grande distribution, tout le monde appelle à cette création. À juste titre, tout le monde s'est prononcé en faveur d'une politique de prévention qui concerne directement plus de 900 000 Français surendettés.

Tout le monde ? Pas tout à fait : tout le monde sauf les banques françaises et, pour être plus précis, deux banques que je vais citer, car il faut bien mettre les pieds dans le plat, deux banques qui ont des accords entre elles, aboutissant notamment à l'interconnexion de leurs fichiers : je veux parler de BNP Paribas et du Crédit Agricole, qui craignent pour leurs parts de marché dominantes. Les mêmes banques sont bien évidemment favorables au répertoire national à l'étranger, quand elles sont en position minoritaire et ont des parts de marché à gagner. Monsieur le ministre, il n'y a pas à hésiter entre l'enjeu social qu'est la prévention du surendettement et la protection des parts de marché de BNP Paribas et du Crédit Agricole !

Mais il y a deux autres raisons pour lesquelles ce sujet est devenu un enjeu politique majeur. D'abord, le respect du travail du Parlement. C'est une vieille histoire : nous travaillons sur ce thème depuis huit ans. J'ai rassemblé toutes les propositions de loi, toutes les initiatives y ayant trait. Elles viennent aussi bien de l'UMP – avec une proposition de mon ami Luc Chatel – que du centre – avec une proposition de Jean-Christophe Lagarde – et du groupe socialiste. Bref, il y a un vrai consensus du Parlement pour la création du répertoire du crédit.

La dernière raison, évoquée par Annick Le Loch, est le respect de la parole donnée par le Gouvernement, en la personne de Mme Lagarde, alors ministre de 1'économie et des finances lors de l'examen par le Parlement de la loi sur le crédit à la consommation le 9 avril 2010. Mme Lagarde, parlant du comité de préfiguration qui a débouché sur le rapport Constans, disait alors : « Il ne s'agirait pas […] de nous interroger sur l'opportunité de créer un tel fichier. Nous ne sommes pas à nouveau en train de peser le pour, le contre, le comment, le pourquoi, les bénéfices et avantages. » Le 9 avril 2010, Mme Lagarde se proposait clairement de créer le répertoire national du crédit, l'instance de préfiguration n'ayant vocation qu'à prévoir les conditions de sa mise en place. Bref, le Gouvernement s'est solennellement engagé. Le comité de préfiguration a travaillé et le rapport Constans a été remis en juillet 2011.

Monsieur le ministre, le Gouvernement est au pied du mur. Veut-il mettre en oeuvre le rapport Constans et donner à la France l'outil de prévention du surendettement dont elle a un besoin urgent ? Le répertoire peut-il être créé dans un délai raisonnable, c'est-à-dire dans les six mois, pour le premier semestre 2012, maintenant que le rapport Constans montre le chemin ?

Le oui ou le non du Gouvernement doit être sans ambiguïté. Nous n'avons pas apprécié les manoeuvres dilatoires de la CNIL. S'il faut débattre de points techniques précis – notamment de l'identifiant du répertoire ou du NIR – nous le ferons, et avons d'ailleurs des propositions précises à présenter en termes de protection de la vie privée. Mais n'imaginez pas que le Gouvernement puisse enterrer ce débat en nous faisant à nouveau le coup du père Clemenceau !

Le Gouvernement doit maintenant parler clair. Le vote des centristes sera clairement conditionné par votre réponse sur le répertoire national du crédit, quelle que soit l'importance des autres sujets traités.

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