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Intervention de Éric Ciotti

Réunion du 5 octobre 2011 à 15h00
Service citoyen pour les mineurs délinquants — Discussion après engagement de la procédure accélérée d'une proposition de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Ciotti, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, « il est peu de problèmes aussi graves que ceux qui concernent la protection de l'enfance, et parmi eux, ceux qui ont trait au sort de l'enfance traduite en justice. La France n'est pas assez riche d'enfants pour qu'elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains. » Ces mots, par lesquels s'ouvrait l'exposé des motifs de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, conservent, plus de soixante ans après, une force intacte.

C'est cet impératif de protection de l'enfance, cette volonté de mettre en oeuvre tout ce qui pourra faire de nos jeunes, les adultes de demain, « des êtres sains », qui motive la proposition de loi, objet du présent rapport.

Le phénomène de la délinquance des mineurs connaît depuis plusieurs années une incontestable augmentation, tant sur le plan de la fréquence que sur celui de la gravité des actes commis par les mineurs. Cette augmentation indiscutable est mise en évidence aussi bien par les statistiques des services de police et de gendarmerie que par les condamnations enregistrées au casier judiciaire.

Mais au-delà de la seule augmentation du nombre de faits commis, l'aggravation du phénomène de la délinquance des mineurs résulte aussi de la nature des faits commis par les mineurs. Ainsi la part des mineurs dans la délinquance violente a-t-elle augmenté au cours des dernières années : par exemple, alors que la part des mineurs dans les vols avec violences représentait 39 % en 2004, elle est passée à 43,5 % en 2009.

Cette situation, dans un contexte de baisse généralisée de la délinquance depuis 2002, est préoccupante. Bien sûr, elle place notre société en situation de danger, mais, surtout, elle met d'abord ces mineurs, ces enfants en danger. Danger pour eux-mêmes, danger pour la société, la délinquance des mineurs est un fléau qui devrait, qui doit tous nous mobiliser.

Cette augmentation apparaît comme le symptôme d'une perte des valeurs de la vie en société parmi une frange de notre jeunesse. Malheureusement, chacun peut aujourd'hui constater qu'il semble manquer à une partie de notre jeunesse engagée dans une dérive délinquante un certain nombre d'éléments indispensables à la vie en société : un respect minimal de l'autorité, le respect d'autrui, la solidarité. Mais il lui manque également des qualités qui sont, elles, indispensables à l'insertion professionnelle et sociale : la volonté, le goût de l'effort, du travail, l'esprit d'équipe.

Face à cette évolution, l'actuelle majorité, en particulier sous l'impulsion du Président de la République, a mené une action déterminée, tant sur le terrain de la prévention que sur celui de la réponse judiciaire. M. le garde des sceaux, dont je salue l'action, a conduit avec beaucoup de détermination des chantiers importants pour améliorer cette réponse judiciaire.

Cependant, en dépit de cette action menée depuis 2002 pour améliorer les dispositifs de prévention de la délinquance et la réponse judiciaire apportée aux infractions commises par les mineurs, les solutions apportées apparaissent encore trop peu variées.

En effet, malgré la diversification des mesures pouvant être prononcées à l'encontre des mineurs délinquants et des structures susceptibles de les accueillir, il existe aujourd'hui encore un écart trop grand entre, d'une part, des structures au fonctionnement peu contraignant, tels que les internats scolaires ou les foyers classiques de placement des mineurs délinquants, et, d'autre part, les structures privatives ou restrictives de liberté que sont la prison et les centres éducatifs fermés. Entre ces extrêmes, il manque, dans la gradation souhaitable des établissements susceptibles d'accueillir des mineurs délinquants, un échelon intermédiaire, qui permettrait d'accueillir des mineurs dans un cadre structurant, à même de leur fournir les repères indispensables à leur insertion sociale, sans pour autant les priver de liberté. Entre la rue et la prison, nous avons le devoir d'explorer une voie nouvelle.

Or toutes les personnes entendues dans le cadre de la préparation de la discussion de la présente proposition de loi – que j'ai eu l'honneur de déposer avec plus de 140 de mes collègues –, qu'il s'agisse du directeur de la protection judiciaire de la jeunesse ou des représentants des magistrats, ont souligné que la qualité de la réponse pénale apportée aux actes de délinquance commis par les mineurs nécessitait de disposer d'une palette aussi variée que possible de solutions éducatives et de modes de placement.

Cette proposition de loi a précisément pour objet de compléter la palette des outils à la disposition des magistrats de la jeunesse, au travers de la mise en place d'un service citoyen pour les mineurs délinquants. Ce service citoyen s'appuiera sur l'apport que peuvent avoir les valeurs militaires en matière d'insertion des jeunes en difficulté et sur le dispositif « Défense deuxième chance » mis en oeuvre depuis 2005 dans les centres de l'Établissement public d'insertion de la défense : l'EPIDE. En effet, face à une population de mineurs délinquants en manque de repères, auxquels certains éléments fondamentaux de la vie en société font cruellement défaut, les valeurs militaires peuvent constituer un apport décisif pour les remettre sur la voie de la resocialisation et de l'insertion. On connaît le savoir-faire et l'expérience des armées en matière d'insertion des jeunes en difficulté. Cette expérience s'est exprimée par le passé dans le cadre du service militaire obligatoire ainsi que dans celui de l'association « Jeunes en équipes de travail » – JET –, dont l'amiral Brac de la Perrière avait pris l'initiative, et qui s'exprime encore aujourd'hui au travers du service militaire adapté – SMA – en outre-mer.

En ce qui concerne l'association JET, qui a accueilli entre 1986 et 2004 des jeunes majeurs et des mineurs dans le cadre de séjours dits « de rupture » encadrés par des militaires d'active, tous les magistrats auditionnés par notre commission, nous en ont donné une image très positive et ont regretté la disparition de cette solution éducative qui enrichissait la gamme des réponses à leur disposition.

Les valeurs militaires sont également mises en oeuvre dans le cadre du dispositif « Défense deuxième chance », qui a pour objectif d'insérer durablement des jeunes de seize à vingt-cinq ans en situation d'échec scolaire et professionnel et en voie de marginalisation sociale.

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