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Intervention de Anny Poursinoff

Réunion du 4 octobre 2011 à 15h00
Renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnny Poursinoff :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, construire un véritable système de sécurité sanitaire, indépendant de tout intérêt économique, tel était l'objectif affiché de cette réforme.

Transparence, bonne conduite, absence de conflits d'intérêts sont devenus les leitmotivs de ce débat. Afin de donner à ces mots tout leur sens, nous avons rappelé deux principes. Le premier : la santé publique ne doit jamais être sacrifiée au profit des intérêts économiques. Le second : le doute doit toujours profiter aux patients. Pour qui se soucie plus de la vie humaine que du cours de ses actions en Bourse, déroger à ces principes n'est pas possible.

Pourtant, une fois encore, votre majorité n'hésite pas dans ses tours de passe-passe. En effet, vous êtes parvenus à tailler un dispositif subtil qui vide de tout sens ces principes vertueux et éthiques. En matière de transparence, par exemple, soyez certains que les laboratoires sauront invoquer la confidentialité commerciale et le secret médical lorsque leurs intérêts économiques seront en jeu !

Les exceptions que vous organisez – je pense notamment aux conventions et aux hospitalités vis-à-vis des étudiants – sapent elles-mêmes la portée de cette réforme. Les évolutions consenties en ce qui concerne la gouvernance de la nouvelle agence ne changent rien puisque toute l'armature de cette réforme est constituée de failles au profit des industries pharmaceutiques.

Rappelons également les limites pratiques des dispositions annoncées. Comment invoquer la transparence sur les avantages offerts par les firmes quand les seuils ne sont pas définis ? La cohérence de cette réforme dépendra donc des décrets. Votre projet de loi, déjà timoré, risque ainsi de se réduire à une coquille vide, et l'habillage marketing du changement de nom de l'agence ne fait pas illusion.

Les Françaises et les Français sont en droit d'attendre une réforme ambitieuse, garantissant réellement la transparence et l'absence de conflits d'intérêts, comme vous vous y étiez engagés. Quand la vie est en jeu, on ne transige pas.

Or rien n'est prévu en ce qui concerne la formation continue et indépendante des médecins. La discussion sur l'encadrement du travail des visiteurs médicaux a été l'occasion d'évoquer ce manquement. Quant à l'accompagnement de cette profession vers une reconversion, votre silence en dit long.

De façon plus générale, la politique de sécurité sanitaire ne peut pas être réduite à la seule politique du médicament, une réflexion plus large doit être menée. Cette réforme aurait dû être l'occasion de s'interroger sur la politique du médicament dans sa globalité. Quel financement pour l'innovation ? Quelle ambition pour la recherche publique ? Quelle politique de remboursement des médicaments ? Le champ de réflexion de cette réforme est trop restrictif.

Bien sûr, il conviendrait de ne pas se limiter à une approche purement curative : la prévention doit avoir une place prioritaire. Mais c'est aussi un changement de paradigme qui s'impose. Il n'est plus possible de dissocier santé, alimentation et environnement. Mettre le patient au coeur de la stratégie thérapeutique doit nous amener à nous interroger sur les moyens de mettre en place un système public d'information indépendante sur les médicaments facilement accessible. Cette loi que vous nous proposez est d'une timidité maladive quant aux ambitions qu'elle porte.

Permettez-moi également une remarque sur les lanceurs d'alerte. Lors du Grenelle de l'environnement, le Gouvernement s'était engagé à remettre un rapport relatif à la création d'une instance assurant la protection de l'alerte et de l'expertise. Combien de scandales sanitaires ou environnementaux auraient été évités ou réduits si vous aviez réellement souhaité agir en ce sens ? Sur ce terrain-là, votre réforme est également décevante.

Enfin, votre refus concernant les actions de groupe, auxquelles l'Union européenne elle-même est favorable, demeure incompréhensible, notamment pour les victimes et leurs familles.

En conclusion, vous nous présentez un socle minimal qui n'est pas à la hauteur des besoins. Vous êtes restés sourds aux évolutions demandées qui auraient permis d'améliorer ce projet. La déception des patients et des soignants est grande. Il en est de même pour les citoyennes et les citoyens qui souhaitent que la puissance publique protège l'intérêt général des volontés particulières, trop souvent financières.

Ce projet de loi brille par ses manquements, ses défaillances, ses silences. Pour toutes ces raisons, les députés du groupe GDR voteront contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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