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Intervention de Gilles Carrez

Réunion du 31 août 2011 à 11h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Carrez, rapporteur général :

Je concentrerai mes observations sur la lettre rectificative et sur l'exécution du budget en 2011.

Nous sommes aujourd'hui confrontés à un double problème. Tout d'abord, en ce qui concerne les dépenses, nous devons faire face à une forte augmentation des intérêts de la dette. Il s'agit d'une augmentation ponctuelle liée à la poussée de l'inflation, comparable à celle qui s'était produite en 2008, mais elle nous impose de trouver 1,4 milliard d'euros supplémentaires. Ensuite, s'agissant des recettes, nous connaissons, notamment du côté des grandes entreprises, une forte érosion du produit de l'impôt sur les sociétés. Il faut absolument corriger ce phénomène, que la commission des Finances annonçait d'ailleurs depuis plusieurs mois.

Face à ce double problème, je salue la réactivité du Gouvernement. Alors que bien d'autres auraient attendu le collectif de fin d'année pour constater une moins-value sur l'impôt sur les sociétés, il manifeste à nouveau le souci de sincérité et de réactivité dont il a toujours fait preuve pendant la crise financière que nous traversons depuis 2008. Selon l'expression désormais consacrée, le montant de déficit prévu en 2011, 5,7 % du PIB, doit constituer un objectif intangible : j'approuve donc cette correction de trajectoire.

La difficulté est de prendre des mesures, en dépenses et en recettes, qui ne fassent par courir de risques sur la croissance, dans ses deux composantes essentielles que sont la consommation et l'investissement. À cet égard, je salue la grande cohérence dont fait preuve le plan du Gouvernement : toutes les propositions qui nous sont faites portent essentiellement sur la taxation des revenus de l'épargne et, en ce qui concerne les entreprises, sur les grandes entreprises internationalisées.

À cette cohérence économique – ne pas prendre le risque d'altérer la croissance – s'ajoute un incontestable souci d'équité et de justice fiscale. L'essentiel des mesures applicables aux ménages portent sur les revenus de l'épargne, et visent à l'évidence les plus aisés.

En matière de dépenses, le phénomène qui touche les intérêts de la dette ne risque-t-il pas d'avoir le même effet sur les nombreuses prestations sociales – telle l'allocation logement, l'allocation pour adulte handicapé ou les prestations familiales – dont le montant est indexé sur l'inflation et, si oui, à quelle hauteur ? Comment, dans ces conditions, respecter la « double norme » d'exécution du budget : aucune augmentation des dépenses hors intérêts et pensions, et des dépenses totales ne progressant pas plus vite que l'inflation ? Avec une augmentation de la charge de la dette atteignant 1,4 milliard d'euros, et à moins d'avoir de très bonnes nouvelles en ce qui concerne les pensions, cela paraît difficile. Or la double norme doit, elle aussi, demeurer un objectif intangible.

Par ailleurs, nous sommes tous d'accord pour réduire les niches fiscales, mais cela revient à augmenter les impôts. Il ne faudrait pas qu'un discours intégriste sur ces niches fasse oublier la vraie priorité, celle d'une maîtrise des dépenses et de la réalisation d'économies.

Je m'interroge sur la clé de passage entre un déficit budgétaire qui se dégrade de plus de 3 milliards d'euros et un déficit public consolidé fixé à 5,7 % du PIB en 2011. Vous avez dit, madame la ministre, que les collectivités locales seraient mises à contribution, mais elles l'ont déjà été en 2010. Pouvez-vous être plus précise sur ce point ?

J'en viens aux cinq mesures fiscales proposées, dont la plus lourde est sans doute la réforme des plus-values immobilières. On comprend l'intérêt économique de cette orientation : dans la mesure où la crise boursière que nous venons de vivre suscite de nombreuses interrogations, il ne faudrait pas que l'immobilier constitue un refuge et concentre à l'excès l'épargne au détriment du financement des entreprises. Mais cette mesure est brutale et tourne le dos à ce qui a été fait pendant les dernières décennies, jusqu'à la réforme de 2004. Nous devons prendre garde à ne pas bloquer le marché de l'immobilier.

Par ailleurs, nous créons une différence très forte entre le régime fiscal de la résidence principale et celui des autres résidences. La question doit être examinée de près afin de ne pas entraver la mobilité professionnelle, ni empêcher certains ménages vivant dans des zones très tendues, et qui n'ont pas la possibilité de devenir propriétaire de leur résidence principale, de se constituer malgré tout un morceau d'épargne immobilière.

Le nouveau dispositif serait applicable aux compromis de vente signés à partir du 24 août. Que se passera-t-il pour ceux qui ont mis un bien en vente quelque temps auparavant sans avoir signé de compromis ? Je le répète, cette réforme va dans la bonne direction, mais ne doit pas avoir pour effet de bloquer le marché de l'immobilier.

Pourquoi avoir écarté la solution, évoquée dans l'évaluation préalable qui accompagne l'article, de l'allongement à vingt-cinq, voire trente ans, de la durée ouvrant droit à exonération totale, actuellement de quinze ans ?

J'espère enfin, madame, monsieur les ministres, que le report des abattements sur les plus-values mobilières, que je propose depuis deux ans, sera enfin approuvé.

Avec une hausse de 1,2 point, les prélèvements sociaux sur l'épargne continuent d'augmenter – ils seront passés en cinq ans de 10 à 13,5 % – accentuant le différentiel avec l'Allemagne, qui s'est bien gardée d'augmenter son forfait libératoire sur les revenus de l'épargne. Étant donné la mobilité de l'épargne, je ne saurais trop insister sur la nécessité de préférer la voie de la réduction des dépenses plutôt que de l'aggravation, sous couvert de réduction du nombre des niches fiscales, de prélèvements obligatoires dont le niveau est déjà très élevé dans notre pays.

Le renforcement de la taxation sur les conventions d'assurance maladie solidaires et responsables devrait peut-être nous amener à adapter, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale, le crédit d'impôt que nous avons créé pour permettre aux ménages les plus modestes d'accéder aux complémentaires santé.

Je me réjouis que le Gouvernement ait retenu notre proposition d'aménagement des mécanismes de report des déficits au titre de l'impôt sur les sociétés, mais d'autres niches fiscales sont aussi préoccupantes. Le rapport de l'inspection générale des finances pointe ainsi la fiscalité réduite des plus-values de cession de brevets, qui risque de favoriser une hémorragie de recettes fiscales au titre de l'IS dû par les grands groupes. Par ailleurs, cette limitation des possibilités de reporter les déficits n'est pas une recette budgétaire, mais une simple mesure de trésorerie, à un moment où ces reports sont systématiques.

Quel sera l'impact sur les recettes d'IS de la dépréciation de 21 % des titres de la dette grecque détenues par le secteur privé, banques et assurances, du fait de la participation volontaire de ces institutions au plan d'aide européen à la Grèce, sous quelque forme qu'elles interviennent ?

Je conclurai en soulignant la très grande cohérence de ce plan, pourvu qu'on sache, le moment venu, l'assortir de mesures d'économie.

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