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Intervention de Michel Mercier

Réunion du 4 juillet 2011 à 17h30
Répartition du contentieux et allégement de certaines procédures juridictionnelles — Discussion d'un projet de loi adopté par le sénat après engagement de la procédure accélérée

Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés :

Madame la présidente, mesdames, messieurs, le projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui s'inscrit dans un mouvement initié en 2009 et destiné à mettre en oeuvre les propositions de la commission sur la répartition des contentieux présidée par le recteur Serge Guinchard. Venant après la loi du 22 décembre 2010, relative à l'exécution des décisions de justice et à l'exercice de certaines professions réglementées, et la loi du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques, et après un certain nombre de décrets, il parachève l'inscription dans notre droit des préconisations de cette commission, à laquelle mandat avait été donné de simplifier, d'alléger et de rendre plus efficace le traitement des procédures judiciaires.

Le texte dont nous débattons porte à cet effet sur des aspects très divers de l'activité judiciaire, qu'il s'agisse des juridictions de proximité, de la réforme de la justice militaire, de la médiation familiale ou de l'extension des domaines d'application de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, ou bien encore de l'ordonnance pénale.

Cette démarche de modernisation est aussi le pendant de la réforme de la carte judiciaire qui s'est achevée en décembre 2010. Disposer d'une carte judiciaire plus cohérente et mieux structurée constituait une première étape indispensable, mais elle devait s'accompagner d'une répartition plus claire et rationalisée des compétences.

Le premier objectif du texte est de simplifier et d'améliorer la répartition des contentieux.

Le projet offre tout d'abord une plus grande lisibilité des juridictions de première instance, en clarifiant les compétences respectives des tribunaux d'instance et des tribunaux de grande instance.

Cette dualité retrouvée passe en particulier par la suppression de la juridiction de proximité. Créé par la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, ce troisième ordre de juridiction introduisait, pour les justiciables et les praticiens, une confusion et une complexité d'ailleurs soulignées par la commission Guinchard.

L'apport des 581 juges de proximité est cependant indéniable, et le Gouvernement a donc choisi de les maintenir, en les intégrant au sein des tribunaux de grande instance et en redéfinissant leur périmètre d'intervention. Je remercie à cet égard votre commission des lois, qui a simplifié l'organisation entre juges d'instance et juges de proximité en revenant sur la compétence reconnue à ces derniers par le Sénat en matière de contentieux civils inférieurs à 4 000 euros. Les juges de proximité participeront désormais aux audiences collégiales non plus seulement au pénal mais également au civil. Ils pourront en outre se voir confier la procédure non contradictoire d'injonction de payer. Ils conserveront enfin leur compétence s'agissant des contraventions des quatre premières classes.

L'équilibre que traduit le projet de loi est donc clair, la volonté du Gouvernement n'a jamais été de supprimer les juges de proximité, il souhaitait seulement clarifier leurs missions.

Le texte poursuit par ailleurs le mouvement de spécialisation pour les contentieux les plus complexes, afin de renforcer l'efficacité de la justice pénale dans des contentieux qui se distinguent par leur technicité. Le projet de loi crée ainsi, au sein du tribunal de grande instance de Paris, un pôle judiciaire spécialisé compétent pour les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre. Il sera aussi compétent pour les crimes de torture visés par la Convention de New York. Il crée également des pôles régionaux compétents pour les accidents collectifs, qui permettront une meilleure prise en charge de ces affaires sensibles, souvent techniques et de grande ampleur.

Le texte, tel qu'il ressort des travaux de la commission des lois, renforce aussi les capacités d'enquête. Ainsi, le juge d'instruction et le procureur de la République pourront procéder à des auditions sur le territoire d'un État étranger avec l'accord des autorités de celui-ci.

Enfin, le projet réforme la justice militaire en supprimant le tribunal aux armées de Paris et en attribuant à la juridiction parisienne la compétence pour les infractions commises en temps de paix hors du territoire de la République par les membres des forces armées ou à l'encontre de celles-ci. Cette mesure de cohérence et de simplification parachève l'intégration, en temps de paix, de la justice militaire dans la justice de droit commun.

Second objectif, l'effort de clarification de notre organisation judiciaire se double d'un effort d'allégement des procédures. Le texte ouvre ainsi de nouvelles perspectives pour un règlement rapide et efficace des contentieux civils et pénaux qui ne présentent pas de difficultés particulières.

C'est d'abord le cas en matière civile et notamment familiale. Outre que le texte tire les conséquences de deux règlements communautaires instaurant une procédure d'injonction de payer européenne et une procédure de règlement des petits litiges, de nombreuses améliorations sont apportées par le projet de loi :

Les futurs époux pourront célébrer leur union dans la mairie de résidence de leurs parents, mettant ainsi un terme aux difficultés pratiques difficilement justifiables que nombre d'entre nous connaissent ;

En matière de divorce, le texte introduit une plus grande transparence sur les prix pratiqués par les avocats en instaurant, d'une part, une obligation d'établir dans tous les cas de divorce une convention d'honoraires et, d'autre part, un barème indicatif qui sera établi par la Chancellerie après avis du Conseil national des barreaux. Nous sommes parvenus à un point d'équilibre qui doit, je le crois, être préservé dans l'intérêt des justiciables ;

Afin de prendre acte d'un récent arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne, le texte introduit des dispositions relatives à l'inscription des experts sur les listes des juridictions ;

En matière de changement de prénom des enfants faisant l'objet d'une adoption simple, il est prévu de permettre au tribunal de grande instance, seul compétent pour prononcer une adoption, de statuer également sur le changement de prénom de l'enfant, alors que les parents doivent aujourd'hui saisir un autre juge, le juge aux affaires familiales, de cette question spécifique. Une telle dualité de procédure n'apparaît pas opportune et je remercie votre commission d'y avoir porté remède ;

Enfin, il est apparu nécessaire de rendre plus efficace la procédure de saisie des rémunérations. Des modifications ont là aussi été adoptées par votre commission pour y parvenir.

Le texte étend par ailleurs le champ des procédures pénales simplifiées afin de réduire les délais de jugement et, par là même, de renforcer la pédagogie de la sanction pénale.

Ainsi que l'avait proposé la commission Guinchard, le projet de loi prévoit de développer le recours à l'ordonnance pénale, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité – CRPC –, la procédure d'amende forfaitaire ou encore la transaction pénale : la CRPC sera possible pour tous les délits, à l'exception des violences volontaires et involontaires contre les personnes, des menaces et des agressions sexuelles aggravées ; l'ordonnance pénale pourra être utilisée pour de nombreux délits d'une gravité modérée autres que ceux portant atteinte aux personnes ; l'amende forfaitaire sera étendue à certaines contraventions de cinquième classe, et la transaction à certaines infractions en droit pénal de la santé publique, en droit de la consommation et en droit de la concurrence.

À ceux qui émettent des réserves sur l'extension de ces procédures, je veux dire qu'elles sont entourées de nombreuses garanties, que le présent projet de loi renforce par ailleurs, notamment en ce qui concerne l'ordonnance pénale. Elles ont en outre fait la preuve de leur efficacité et du souci constant du respect des droits des personnes. De plus, si ces procédures sont habituellement désignées sous le terme de procédures simplifiées, je les qualifierai pour ma part de procédures acceptées. En effet, leur caractéristique commune est de ne pouvoir prospérer que si la personne poursuivie accepte la peine proposée par le procureur de la République, dans la CRPC, décidée par le juge dans l'ordonnance pénale, ou prévue par la loi en cas d'amende forfaitaire. Quand cela est possible, une peine acceptée est préférable à une peine imposée.

Je voudrais maintenant aborder les dispositions, introduites à l'initiative de M. le président Warsmann, relatives aux juridictions financières.

Un certain nombre d'amendements ont été déposés à la commission des lois la semaine dernière. Lorsque je suis venu devant la commission, je ne me suis pas exprimé très clairement, je le reconnais, puisque je les ai découverts en m'asseyant. N'en connaissant pas le contenu, je ne pouvais pas donner d'avis.

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