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Intervention de Axel Poniatowski

Réunion du 12 juillet 2011 à 15h00
Débat et vote sur l'autorisation de la prolongation de l'intervention des forces armées en libye — Ouverture du débat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAxel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères :

On le voit, les États-Unis peuvent, dans certaines circonstances bien précises, laisser à leurs partenaires la direction politique d'une opération. Nos alliés américains ont systématiquement soutenu nos initiatives et apportent une contribution logistique décisive, mais ce sont Londres et Paris qui impriment leur tempo à la coalition internationale et qui effectuent l'essentiel des frappes.

Cette crise valide le choix stratégique qui a été fait en 2009. Dans la loi de programmation militaire, nous avons en effet choisi de privilégier les dépenses d'équipement, afin de doter notre armée des matériels les plus modernes. On le voit bien en Libye, notre supériorité aérienne est un élément clé du soutien que nous pouvons apporter dans des conflits complexes : cette supériorité, nous ne pourrions la maintenir sans la décision de réduire les effectifs de nos armées, et de rationaliser leur organisation territoriale, afin d'accroître nos investissements matériels. L'armée française, d'un format réduit mais mieux équipée, est à même de répondre aux défis de notre temps.

Bien entendu, ces deux appréciations positives ne doivent pas occulter d'autres constats, plus préoccupants. Il est clair que cette intervention aurait pu être plus efficace si elle avait été soutenue résolument par l'ensemble des pays européens, et en particulier par l'Allemagne. Il est clair également que sont apparus aussi, à cette occasion, les graves inconvénients du fossé qui sépare désormais le couple franco-britannique de la plupart de ses partenaires européens en termes de capacités militaires.

Néanmoins, le travail remarquable de nos forces et leurs résultats objectifs relativisent la portée de ces critiques. Nous avons bien les moyens de notre politique étrangère.

Car, aujourd'hui, les jeux sont faits. Les coups portés au potentiel militaire des forces de Kadhafi et l'isolement croissant de ce régime conduiront à sa chute pourvu que nous poursuivions nos efforts à la fois sur le plan militaire et sur le plan diplomatique.

Certes, quatre mois après le début de ce conflit, le régime libyen est toujours en place, ce qui alimente l'éternelle critique qui revient dès qu'une intervention dure un peu plus de quelques semaines : celle du risque d'enlisement.

Il est vrai que l'opposition n'a pu, jusqu'à présent, prendre le contrôle de l'ensemble du territoire libyen qui, je vous le rappelle, est trois fois plus grand que le nôtre. Il est vrai aussi que l'armée contrôlée par Kadhafi a su procéder à une réorganisation tactique et que le régime, fort d'un trésor de guerre difficile à évaluer, parvient à payer ses fonctionnaires et à nourrir sa population, en dépit des sanctions économiques, notamment l'impossibilité d'exporter la part de la production pétrolière qu'il contrôle.

Inversement, le Conseil national de transition peut utiliser les recettes tirées de l'exportation de la production pétrolière des zones qui sont sous son contrôle, mais ne dispose d'aucune autre ressource propre, alors que la population souffre de plus en plus cruellement du conflit.

Mais, en réalité, cette intervention a permis de marquer des points décisifs contre le régime. Ses forces aériennes clouées au sol, ses tanks détruits ou paralysés, tous ses espoirs de reconquête sont anéantis ; ses fondations mêmes sont fissurées. La règle bien connue que des frappes aériennes ne permettent pas à elles seules de gagner une guerre, mais qu'elles peuvent empêcher un adversaire de vaincre est donc, une nouvelle fois, vérifiée.

Il est clair qu'un arrêt de cette opération aurait des conséquences préjudiciables. Les forces mises en réserve par Kadhafi, notamment les tanks qui sont aujourd'hui immobilisés, ne tarderaient pas à reprendre l'offensive, avec toutes les conséquences que nous pouvons imaginer pour les populations civiles.

Il n'est naturellement pas envisageable de forcer une décision en franchissant une nouvelle étape : nos forces n'ont pas vocation à marcher sur Tripoli. Une intervention terrestre n'est d'ailleurs pas souhaitée par l'opposition libyenne, qui tient à ce que cette révolution reste la révolution du peuple libyen. Elle n'est pas souhaitable non plus au regard du reste de l'opinion arabe, qui la condamnerait immédiatement.

En revanche, la prolongation de l'intervention permettra de maintenir la pression sur le régime de Kadhafi et d'épauler les forces de l'opposition. Celles-ci ont repris leur souffle et affrontent désormais Kadhafi sur trois fronts. Les nouvelles offensives qu'elles entreprennent en ce moment même témoignent que cette stratégie a toutes les chances d'être couronnées de succès, comme elle l'a été en 1995 en Croatie et en Bosnie.

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