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Intervention de Victorin Lurel

Réunion du 27 novembre 2008 à 21h30
Nomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel public — Après l'article 1er, amendements 436 839

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVictorin Lurel :

Je comprends l'intention de Frédéric Lefebvre (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), mais je n'approuve pas l'amendement tel qu'il est rédigé. Je ne vais pas faire ici un cours de droit constitutionnel en rappelant le corpus philosophique républicain auquel nous sommes tous adossés. Je rappelle cependant que j'ai été le premier signataire d'une proposition de loi visant à supprimer le mot « race », proposition que 205 députés socialistes ont signée ; je me suis escrimé, jusqu'à l'épuisement, à proposer des textes visant à supprimer ce mot des lois organiques ou des lois ordinaires.

Vous me regardez, mes chers collègues : oui, je suis de couleur différente, et j'admets avec vous tous que la Constitution française, l'histoire de France enseignée à l'école et nos textes sont, comme disent les Américains, color blind puisque nous ne voulons pas parler de race ou de couleur. Mais les discriminations, voire le racisme, existent, et je serais mal placé pour prétendre le contraire. Cela étant, le mot « race » a certaines connotations. Souvenons-nous de ce que cette notion a déchaîné au cours de l'histoire, y compris la nôtre. Chez moi en Guadeloupe, il y a eu Louis Delgrès, et Toussaint Louverture en Haïti. Il a fallu se battre pour universaliser ce qui est inscrit en lettres de feu dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. » Je suis d'accord avec Frédéric Lefebvre pour reconnaître que ce principe existe dans nos textes, qu'il contribue à notre vivre ensemble et qu'il fait la force de nos valeurs, mais il y a, dans la pratique, un problème de pleine égalité.

Faut-il, dès lors, renier toutes ces avancées et légitimer le mot « race », lui donner une valeur positive en gommant l'aspect négatif qui figure dans nos textes – puisque, quand ce mot est employé dans la loi, c'est pour lui dénier toute valeur ? Je rappelle que l'affirmative action a été supprimée aux États-Unis en 1978, suite à un arrêt fameux de la Cour suprême : toute discrimination ou toute action positive à base de préférence raciale a été abrogée.

Je rappelle également que Manuel Valls et moi-même avons déposé, avec nos collègues du groupe socialiste, une proposition de loi visant à généraliser l'accès aux classes préparatoires aux grandes écoles, non pas sur la base de la préférence raciale ou de la couleur de la peau, mais sur la base des origines géographiques. Je suis le premier président de région à avoir souscrit un contrat de partenariat avec Richard Descoings, directeur de Sciences-Po – non sans m'être assuré qu'il ne s'agissait pas de discrimination positive. Il s'agit d'une troisième voie : ce sont les mêmes concours, les mêmes programmes et les mêmes difficultés pour les élèves concernés par ce partenariat que pour les autres élèves. Je peux vous dire que les jeunes Guadeloupéens réussissent maintenant massivement à entrer à Sciences-Po Paris.

Le sous-amendement de la commission aurait pu conserver la phrase de la directive commençant par les mots : « Le principe de l'égalité […] », mais en substituant aux mots : « liés à la race ou à l'origine ethnique », les mots : « liés aux origines ». Il peut en effet s'agir d'origines géographiques ou culturelles. Nous avions proposé de remplacer le mot « race » – je n'aime pas plus le mot « ethnie » – par le mot « origines ». Certes, parmi les origines, il y a la couleur. Je suis convaincu qu'un racisme sur la base des couleurs existe. Mais les races, je le rappelle, n'existent pas dans l'espèce humaine. Il n'y a qu'une seule race, c'est l'espèce humaine.

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