Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Michel Mercier

Réunion du 23 juin 2011 à 9h30
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Article 8, amendement 83

Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés :

Il est probable que c'est le caractère historique du jury en matière criminelle – M. Raimbourg l'a rappelé à plusieurs reprises – qui justifie cette position du Conseil constitutionnel. La question est donc de savoir si une juridiction composée de trois jurés et de trois magistrats correspondrait à cette catégorie de cour d'assises « historique ».

Au cours de notre histoire pénale, la composition du jury et son importance dans la décision de la cour d'assises, ont beaucoup varié. Aujourd'hui, toute décision de la cour d'assises défavorable à l'accusé doit être adoptée par la majorité absolue des jurés au moins ; cela n'a pas toujours été le cas, notamment entre 1945 et 1958.

À notre sens, la circonstance que la majorité de quatre voix sur six pourrait être atteinte sans le soutien d'une majorité des jurés ne suffit donc pas à elle seule pour considérer que la composition envisagée ne peut se rattacher à la notion historique de cour d'assises, ce qui lui permettrait d'échapper à la règle suivant laquelle toute juridiction prononçant des peines privatives de liberté pour des infractions de droit commun doit comporter une majorité de magistrats professionnels.

En revanche, dans la composition de la cour d'assises, les jurés ont été constamment plus nombreux, et même au moins deux fois plus nombreux, que les magistrats professionnels : douze jurés en 1808, six en 1941, sept en 1945, neuf depuis 1959 et douze en appel depuis la loi du 15 juin 2000. On ne peut donc exclure que la présence d'une majorité de jurés au sein de la cour d'assises constitue un trait caractéristique de cette juridiction : si c'est le cas, la formation composée de trois magistrats professionnels et de trois jurés ne pourrait bénéficier de l'exception reconnue à la cour d'assises pour déroger à l'exigence d'une présence majoritaire de magistrats professionnels.

La composition paritaire – autant de juges professionnels que de jurés – apparaît donc comme celle qui présente le plus grand risque constitutionnel. La solution initialement retenue dans le projet de loi du Gouvernement prévoyait que certains crimes pourraient être jugés par une formation comportant trois magistrats professionnels et deux jurés, sur le modèle de la composition retenue pour certaines formations du tribunal correctionnel, et validée par le Conseil constitutionnel en 2005. Cette composition ne peut certainement pas se prévaloir du régime juridique particulier des cours d'assises, mais la Constitution n'interdit pas que certains crimes soient jugés par des juridictions composées en totalité ou en majorité de magistrats professionnels, et qui répondent de ce fait aux exigences de l'article 66 de la Constitution. C'est ce qui ressort de la décision constitutionnelle du 3 septembre 1986.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion