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Intervention de Mounir Fakhry Abdel Nour

Réunion du 7 juin 2011 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Mounir Fakhry Abdel Nour, ministre du tourisme de la République arabe d'égypte :

Des heurts interconfessionnels se sont effectivement produits, souvent méchants ; chacun a en mémoire l'attentat commis devant une église copte d'Alexandrie dans la nuit du 31 décembre au 1erjanvier dernier. Mais, outre que je vois dans cet événement l'une des raisons principales de ce qui s'est produit le 25 janvier, je considère que ces affrontements meurtriers ont aussi eu des retombées positives. En premier lieu, ils ont permis d'aborder de front la question confessionnelle, un tabou qui jusqu'alors n'était jamais évoqué franchement. Aujourd'hui, on en parle ; or, le premier pas vers la solution d'un problème, c'est la reconnaissance qu'il existe. C'est fait, et l'on s'efforce désormais de le résoudre.

La deuxième conséquence positive, c'est que ces confrontations violentes ont poussé les coptes à sortir des églises et à agir en citoyens. Avant le 1er janvier 2011, les coptes, lorsqu'ils manifestaient, le faisaient « en coptes », c'est-à-dire devant une cathédrale ou une église, jamais devant le Parlement ou la présidence de la République. À présent, ils manifestent dans les rues et commencent à participer à la vie sociale et politique du pays ; je m'en félicite.

La troisième retombée positive de ce qui s'est passé, c'est que demain, le 8 juin, le conseil des ministres adoptera un texte régissant la construction de tous les lieux de culte en Égypte. On parlait de cette loi depuis une quinzaine d'années mais, sous le régime précédent, il était pratiquement inconcevable qu'une loi soit adoptée un jour par laquelle le permis de construire une mosquée, une église ou un temple serait accordé selon des critères uniformes. Cette loi sera promulguée demain, et c'est un progrès considérable.

Enfin, l'église d'Imbaba, brûlée il y a un mois au cours de heurts interconfessionnels, a été restaurée dans des délais record et de la plus belle manière. Elle sera officiellement inaugurée ce soir : une messe y sera dite en présence du Premier ministre et de deux ministres. C'est un message très fort, qui confirme la volonté du Gouvernement de mettre l'accent sur l'égalité entre les citoyens égyptiens indépendamment de leur appartenance confessionnelle.

Certes, les coptes s'inquiètent de la montée des extrémismes et de la force des Frères musulmans sur l'échiquier politique égyptien. Ils ont raison d'avoir peur, et ils ne sont pas les seuls : comme s'inquiètent tous ceux qui croient au principe de l'égalité des citoyens devant la loi. De fait, les Frères musulmans disent tout et son contraire : par exemple qu'ils sont favorables à un État civil – sans pour autant le définir – et à l'égalité entre les citoyens mais, dans le même temps, certains d'entre eux se disent contre l'octroi de droits aux femmes et aux non-musulmans. À titre personnel, je considère que ce double langage constant découle d'une règle érigée en principe par Hassan Al-Banna, le fondateur des Frères musulmans, qui a encouragé ses partisans à mentir pour préserver leurs intérêts politiques, économiques ou sociaux. Le point de vue que j'exprime ainsi n'est pas nécessairement celui de l'ensemble du gouvernement auquel j'appartiens, mais c'est celui de tout libéral égyptien, de toute personne croyant aux valeurs d'une citoyenneté caractérisée par des droits égaux pour tous.

L'Égypte, qui a signé le traité de paix, qui respectera ses engagements internationaux et qui a tout intérêt à voir la paix régner à ses frontières de l'Est, de l'Ouest et du Sud, entend continuer de jouer un rôle de médiateur entre la Palestine et Israël. Elle continuera de promouvoir la paix au Moyen-Orient.

Pour ce qui est des relations égypto-israéliennes, je tiens à souligner que quand il a été question de « normalisation », l'objectif était d'établir avec Israël des relations normales et non pas des relations privilégiées. Aussi longtemps qu'Israël ne sera pas promoteur de la paix dans la région, il ne devrait pas profiter d'un traitement préférentiel. Je le dis de la manière la plus catégorique : les Israéliens doivent en finir avec le double langage.

Le Conseil suprême des forces armées a proposé un système électoral mixte, mais la question n'est pas encore tranchée. Un tiers des députés serait élu à la proportionnelle et deux tiers par des élections individuelles directes, ou l'inverse ; le débat reste ouvert. Beaucoup pensent que la proportionnelle bénéficiera aux nouveaux partis politiques. C'est vrai en théorie mais je ne suis pas certain que cela se réalise dans les faits. L'Égypte a usé par deux fois de la proportionnelle, en 1984 et en 1987. Pour avoir personnellement participé à ces élections, je sais qu'il est très difficile de constituer une liste électorale, surtout quand sont en lice des partis naissants, sans chef dont l'emprise soit telle qu'elle lui permette de prendre des décisions qui seront toutes acceptées par la base. Les nouveaux partis égyptiens n'étant pas bien structurés, je ne vois pas comment ils pourraient établir des listes électorales acceptées par leurs membres respectifs.

J'ai été secrétaire général du parti Wafd jusqu'à mon entrée au ministère, auquel je consacre à présent tout mon temps. Je pense que le Wafd a rendez-vous avec l'Histoire, à condition qu'il parvienne à réunir tous les partis libéraux qui sont en train de se créer en Égypte pour constituer un front uni contre le défi – ou le danger – que représentent les Frères musulmans. J'espère que le Wafd ne ratera pas ce rendez-vous.

Les réserves de l'Égypte, qui s'élevaient à l'équivalent de 32 milliards de dollars le 25 janvier 2011, ne sont plus que de 26 milliards. Elles s'épuisent donc rapidement, parce que nous devons combler le très fort déficit de la balance commerciale et aussi le déficit budgétaire, qui croît pour les raisons dites. Les réserves dont nous disposons encore et les aides que nous sommes en train de recevoir seront-elles suffisantes pour nous permettre de remonter la pente ? Tout dépendra de notre capacité à convaincre les investisseurs et à gagner la confiance des pays fournisseurs et de ceux qui importent des produits égyptiens.

Je ne suis pas contre la tenue d'élections législatives en septembre, car je pense que la force des Frères musulmans est surfaite. J'espère ne pas être trop optimiste. Il n'y a pas eu d'élections libres en Égypte depuis plus de cinquante ans, non plus que d'enquêtes d'opinions faites sur des bases correctes, mais mon estimation, toute personnelle qu'elle soit, est celle d'un homme averti : en ma qualité d'ancien secrétaire général d'un parti politique, ayant moi-même participé à de nombreuses élections législatives au Caire et en Haute Égypte, je crois connaître le paysage et les clivages politiques de mon pays et je pense que les Frères musulmans ne représentent pas plus d'un quart de l'échiquier politique égyptien. Encore faut-il toutefois que face à eux s'établisse un front commun uni et capable de former un Gouvernement qui aura l'approbation du Parlement. Voilà pourquoi je préfère que l'Égypte soit rapidement en mesure de bénéficier d'un système politique stable. Notre but, je le répète, est d'instituer un État démocratique, laïque, juste et moderne.

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