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Intervention de Jean-Claude Sandrier

Réunion du 14 juin 2011 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2011 — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Sandrier :

Monsieur le ministre du budget, votre prétendue réforme fiscale résulte d'abord d'une double défaite politique.

Voici la première : votre bouclier fiscal, déjà présenté comme le summum de la justice, a été condamné par nos concitoyens, auxquels vous demandiez des efforts toujours plus importants tout en redonnant de l'argent aux plus riches.

Seconde défaite : vous avez alors tenté, toujours sous prétexte de justice, de supprimer le bouclier fiscal et l'ISF, faisant ainsi un cadeau encore plus énorme aux plus riches. Cela n'a pas échappé aux Français.

Vaincus deux fois, vous deviez tenter un énième faux-semblant, plus subtil celui-là : supprimer le bouclier fiscal, mais dans deux ans seulement ; supprimer l'ISF pour plus de 50 % de ceux qui en sont actuellement redevables et l'alléger pour presque tous les autres. C'est donc un cadeau direct de 1,8 milliard d'euros que vous faites aux plus riches.

L'astuce consiste cette fois à faire croire que ce sont les mêmes qui vont payer les compensations de ce nouveau cadeau. C'est très fort, mais c'est très faux. Car, pour un vrai cadeau, vous créez une fausse compensation et vous jetez beaucoup de poudre aux yeux.

Ce n'est pas nous qui le disons, mais le rapporteur général du budget, Gilles Carrez, qui l'écrit dans son rapport : les compensations sont assises sur des impôts dont le rendement n'est pas assuré.

De fait, trouver deux milliards d'euros pérennes en misant sur des donations et successions dont on connaît le caractère aléatoire, en créant une exit tax sur des plus-values à réaliser, donc hypothétiques, ou encore en comptant sur la cellule de régularisation des fraudes fiscales, alors que la plus grosse opération récemment réalisée résultait d'une dénonciation, donc d'une situation exceptionnelle, au demeurant illégale selon la direction des finances publiques elle-même : voilà qui ne constitue pas un montage très solide. Je le répète, pour compenser un vrai cadeau, vous créez une fausse recette.

Que reste-t-il pour financer le cadeau fait aux plus riches ? On peut imaginer une infinité de moyens, mais deux viennent immédiatement à l'esprit : le blocage des traitements dans la fonction publique, qui rapportera 900 millions d'euros ; le milliard d'euros prévu pour le RSA mais non utilisé – faute de dossiers, paraît-il. On en arrive à près de deux milliards d'euros.

Ainsi, non seulement vous contrevenez à l'équité, mais vous vous rendez coupables de l'injustice la plus totale : ce sont toujours les mêmes qui vont payer pour l'enrichissement d'une petite caste de nantis – en réalité la plus assistée de France.

Ainsi, votre fameux « printemps fiscal » va-t-il empêcher d'appliquer au 1 % de Français les plus riches un taux d'imposition sur le revenu de 18 %, au lieu des 40 % qu'ils devraient payer – comme vient de le rappeler la commission des prélèvements obligatoires dans son rapport ?

Va-t-il inverser le moins du monde les tendances relevées par l'INSEE – en 1970, 26 % des bénéfices des sociétés non financières allaient aux dividendes des actionnaires et aux intérêts des banques, contre 65 % aujourd'hui – et, il y a peu, par l'OCDE – en dix-huit ans, les salaires ont augmenté de 81 % et les dividendes de 355 % ?

Non : cela ne remédiera nullement au creusement des inégalités qui nous a jetés dans la crise, et qui est en train de déstabiliser une société française construite sur une répartition des richesses plus équitable et sur la réparation partielle des injustices les plus graves grâce au poids du service public et à la protection sociale.

Ce qui m'amène au dernier argument que vous osez avancer : la prétendue pertinence économique de votre projet de loi. Nous attendons toujours que vous nous démontriez en quoi donner de l'argent jusqu'à l'overdose aux marchés financiers et aux plus nantis contribuerait à développer l'économie. Comme le rappelle fort honnêtement le milliardaire américain Warren Buffett, la situation actuelle tendrait plutôt à démontrer le contraire.

Il faut donc prendre une autre voie : taxer le capital au même degré que les revenus du travail ; supprimer les niches fiscales pour les plus riches ; supprimer les paradis fiscaux ; moduler l'impôt sur les sociétés au profit de ceux qui investissent dans l'emploi, les salaires et la formation, et au détriment de ceux qui favorisent les dividendes ; enfin, instaurer un impôt sur le revenu qui soit juste, progressif, avec un taux marginal à 54 %, et qui joue ainsi son rôle de réduction des inégalités fiscales et sociales.

Toutes les composantes du groupe GDR – communistes, républicains, parti de gauche, Verts et ultramarins – voteront contre ce texte injuste du point de vue social et inefficace du point de vue économique. Puisse votre printemps fiscal devenir votre automne politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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