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Intervention de Huguette Bello

Réunion du 25 septembre 2007 à 15h00
Contrôleur général des lieux de privation de liberté — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHuguette Bello :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, réclamé depuis bientôt dix ans par l'Office national des prisons, attendu par tous les acteurs, et notamment par l'administration pénitentiaire, le contrôle des lieux de privation de liberté par un organe indépendant va enfin être institué.

Ce projet de loi permet à la France de respecter les textes européens et ses engagements internationaux. Adoptées en janvier 2006, les règles pénitentiaires européennes prévoient en effet un contrôle indépendant des conditions de détention, tandis que le Protocole facultatif à la Convention des Nations unies contre la torture, signé par la France en septembre 2005, commande d'instituer un système d'inspection régulière des lieux de détention.

Au-delà de cette mise en conformité législative, devenue urgente, l'enjeu est de savoir si l'instauration d'un Contrôleur général des lieux de privation de liberté contribuera à améliorer les conditions de détention, particulièrement dégradées dans les prisons françaises.

Les modalités de nomination de ce Contrôleur, qui demandent à être encore affinées, les pouvoirs qui lui seront reconnus, notamment en matière d'accès aux établissements, et, bien sûr, les moyens humains et budgétaires qui lui seront attribués nous éclaireront sur l'importance réelle que le Gouvernement entend donner à cette autorité. Plus largement, le texte adopté nous donnera des indications sur les intentions gouvernementales en matière pénitentiaire. Il constitue, en effet, la première étape d'un processus qui doit conduire à une grande loi pénitentiaire, très attendue elle aussi.

S'il est nécessaire de les contrôler, il est indispensable de transformer les établissements pénitentiaires, de manière qu'ils cessent d'être des bouillons de culture de la récidive et deviennent de véritables lieux de réinsertion.

Or si les prisons françaises sont, comme on le dit, les pires d'Europe, celles de la Réunion sont les pires de France ! Après la venue sur place d'une délégation parlementaire en 1999, une commission d'enquête sur les prisons a été créée à l'Assemblée nationale. Au début de son rapport, on peut lire, à propos de la maison d'arrêt de Saint-Denis de la Réunion : « L'état lamentable de cet établissement, une honte pour la République, comme a cru devoir le qualifier un des membres de la délégation, a permis d'entamer une nécessaire réflexion sur le système pénitentiaire français. »

Il est à craindre que ce terrible constat soit toujours d'actualité. Au cours des dernières semaines, deux syndicats de surveillants de prison ont alerté les médias et le Gouvernement sur la surpopulation carcérale et les conditions de détention dans les prisons réunionnaises, et un courrier vous a, madame la garde des sceaux, été adressé. De manière plus inattendue, le directeur de la prison Juliette-Dodu de Saint-Denis aurait lui-même dénoncé les conditions indignes de détention dans son établissement : 326 personnes s'y entassent alors que cette prison ne compte que 123 places.

En 2005, le Comité européen pour la prévention de la torture avait rédigé un rapport sur les conséquences de la situation des prisons à la Réunion. Ce texte déplorait les conditions de vie dégradées et dégradantes des détenus, en même temps qu'il soulignait « le dévouement et le professionnalisme du personnel de surveillance ». Il insistait sur la fréquence et la gravité des violences entre codétenus et stigmatisait une prise en charge sanitaire déficiente : présence médicale insuffisante, vétusté des locaux de consultation et d'hospitalisation. Dans ces conditions, la réinsertion relève du miracle et la privation de liberté constitue une atteinte à la dignité humaine.

Exerçant mes prérogatives de parlementaire, je visite régulièrement les prisons réunionnaises, sans jamais manquer d'alerter le ministère de la justice sur la gravité de la situation. Il faut savoir, par exemple, que les trente cellules de quinze mètres carrés de Juliette-Dodu accueillent parfois jusqu'à quinze détenus ; certains n'ont pas de matelas et dorment à même le sol !

Un nouvel établissement serait prévu sur le site de Domenjod. Pouvez-vous, madame la ministre, nous en confirmer officiellement l'ouverture en 2008 ? Qu'est-il prévu pour la maison d'arrêt de Saint-Pierre, installée dans un bâtiment vétuste et qui connaît, elle aussi, un taux d'occupation de près de 300 % ? Qu'est-il prévu pour le centre pénitentiaire du Port, qui, quoiqu'installé dans un bâtiment plus récent, connaît des difficultés comparables, avec, au mépris des règles européennes, un taux d'occupation de 220 % dans le quartier des mineurs ?

Face à une situation aussi grave et dangereuse pour la sécurité du personnel et des détenus, je souhaite que les prisons de la Réunion reçoivent en priorité la visite du futur Contrôleur général, et que le comité d'orientation restreint que vous avez installé pour l'élaboration de la future loi pénitentiaire leur accorde une attention particulière. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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