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Intervention de Marie-Hélène Amiable

Réunion du 9 juin 2011 à 15h00
Simplifier le vote par procuration — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Hélène Amiable :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à l'initiative de nos collègues du groupe socialiste, radical et citoyen, nous examinons une proposition de loi de simplification du vote par procuration.

Nous partageons le constat de la nécessité, entre autres moyens, d'une simplification du système des procurations pour lutter contre l'abstention.

Aujourd'hui, effectivement, les commissariats de police et les brigades de gendarmerie ont des difficultés à gérer les afflux de demandes, souvent concentrées dans les jours qui précèdent les scrutins. Les forces de l'ordre ont bien souvent d'autres priorités, et les élus doivent d'ailleurs parfois intervenir pour permettre le bon déroulement des opérations.

Pour reprendre les principales propositions contenues dans ce texte, il est bien évident que laisser à un mandataire la possibilité de disposer de deux procurations et de ne pas habiter dans la même commune que ses mandants simplifierait le vote par procuration.

Dans le même temps, une telle simplification ne va pas sans un certain nombre de risques qu'il nous faut examiner attentivement.

Chacun le sait ici, le système actuel a montré par le passé à quel point le dispositif des procurations pouvait s'avérer un levier de fraudes. Plusieurs exemples d'élections truquées par le recours à des procurations fictives en attestent. Certains scrutins aux résultats très serrés ont été annulés, notamment dans des baronnies locales aux pratiques clientélistes connues. Dans ce contexte, il importe de légiférer avec la plus grande prudence.

Ainsi, si le principe d'une déconnexion du lieu de résidence ou de travail du mandant et du lieu de résidence du mandataire paraît aller dans le bon sens, son application rendra les contrôles plus ardus. Un fichier informatique départemental ou national peut bien entendu être créé, mais les procédures de vérification seront loin de s'en trouver simplifiées.

Le principe de porter à deux le nombre de procurations possibles par mandataire peut, lui, être légitimement retenu.

Nous souhaitons par ailleurs revenir sur le dispositif de la proposition de loi qui transfère la compétence de l'établissement des procurations aux municipalités. Les députés communistes, républicains et du parti de gauche ont d'ailleurs déposé un amendement en ce sens.

Je veux effectivement attirer votre attention sur le fait qu'il s'agit d'un nouveau transfert de charge. L'État se trouverait dessaisi d'une charge régalienne, assumée actuellement par les tribunaux d'instance ou les officiers de police judiciaire, qui incomberait désormais aux communes. Or celles-ci ont pourtant déjà fort à faire, et les collectivités territoriales ne peuvent pas assumer la totalité des missions dont l'État se déleste sous les coups de boutoir de la déréglementation libérale menée par le Gouvernement. Dans le cas qui nous occupe, ce transfert de charge n'est pas compensé par un transfert des moyens humains et financiers correspondants. Par principe, nous estimons que les collectivités territoriales ne peuvent être considérées comme les suppléantes de l'État défaillant, surtout lorsque cette défaillance résulte de politiques d'appauvrissement délibéré des services publics. C'est par ce type de transferts de compétences progressifs que s'organisent le dépeçage de l'État et de l'administration et l'augmentation des dépenses des collectivités territoriales non compensées.

D'autre part, transférer la compétence de l'établissement des procurations aux municipalités, c'est à notre sens accroître les risques de fraude et de pression. Les maires, et les adjoints, qui sont intéressés aux résultats des scrutins, ne doivent pas participer à l'établissement des procurations ; cela les placerait en situation d'être à la fois juge et partie. Des possibilités de tricherie existent déjà, comme le montre la variété des méthodes de fraude ayant fait l'objet de sanctions ; elles ne doivent pas être étendues.

Si les services de police ou de gendarmerie n'ont souvent pas le temps et les moyens nécessaires pour un bon accueil des citoyens qui souhaitent établir une procuration, ces dysfonctionnements ne peuvent justifier une simplification qui étendrait par trop les risques de fraude. C'est d'ailleurs pour prévenir ce type de dérapages que la présente proposition de loi laisse au juge du tribunal d'instance la charge de désigner des officiers de police judiciaire pour se rendre auprès des malades ou des personnes âgées dans les hôpitaux et les établissements de retraite. Ce garde-fou montre bien que chacun est conscient des risques. Las, s'il limite l'importance de la charge qui incomberait désormais aux municipalités, ce saucissonnage des compétences – municipalités pour l'établissement des procurations, police pour le vote des personnes ne pouvant se déplacer – ne semble pas aller dans le sens d'une réelle simplification.

Chers collègues, vous l'avez compris, les députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche partagent le constat de la nécessité d'une amélioration du système des procurations. Certaines des simplifications proposées par nos collègues socialistes nous semblent aller dans le bon sens mais, dans un esprit de grande vigilance par rapport à l'important risque de fraude que ces modifications pourraient occasionner, et sauf si notre amendement est adopté, nous nous abstiendrons.

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