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Intervention de Frédérique Massat

Réunion du 9 juin 2011 à 15h00
Simplifier le vote par procuration — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédérique Massat :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, l'abstention, comme vient de le rappeler notre rapporteur, connaît des taux rarement égalés. Plus qu'une tendance, c'est une réalité qui se généralise à toutes les démocraties occidentales.

Il est de notre devoir de législateur de lever les freins à l'abstentionnisme. Si la complexité du vote par procuration n'est qu'une des multiples causes expliquant la faiblesse de la participation électorale, il convient néanmoins de réfléchir aux manières dont nous pourrions simplifier cette démarche.

C'est tout le sens de cette proposition de loi, qui tend à faciliter les conditions permettant à un citoyen de se faire représenter le jour d'une élection par un électeur de son choix.

Le présent texte s'inscrit donc dans une démarche d'assouplissement du vote par procuration initiée dès 2003 et approfondie en 2006.

Les électeurs peuvent désormais établir une procuration non seulement sur leur lieu de résidence, mais également sur leur lieu de travail sans avoir à fournir de certificats justifiant leur absence le jour du vote.

Le formulaire a également été simplifié. Les personnes ne pouvant se déplacer doivent solliciter, en passant un simple coup de téléphone au commissariat, la venue à domicile d'un officier de police judiciaire.

Toutefois, nous nous sommes rendus compte que tout le monde n'appliquait pas la loi de la même façon. Par exemple, certains exigent de malades la preuve de l'empêchement de voter, alors qu'une simple déclaration sur l'honneur suffit pour d'autres.

Mes chers collègues, notre société change. Nous devons prendre en compte ses évolutions et adapter notre législation.

Autrefois sanctuarisé, le dimanche tend aujourd'hui à devenir une journée dont beaucoup profitent pour exercer d'autres activités.

J'appelle également votre attention sur la situation des salariés qui, depuis la loi légalisant le travail le dimanche, n'ont plus la possibilité de se déplacer pour aller voter.

À toutes ces personnes qui, pour des motifs différents, ne pourront se rendre dans leurs bureaux de vote, il est important de faciliter l'accès au vote par procuration afin de leur permettre de faire entendre leur voix.

Constatant que, depuis les assouplissements de 2003 et 2006, les demandes de vote par procuration s'étaient considérablement multipliées mais qu'elles comportaient encore trop de lourdeurs, notre groupe a décidé de proposer trois grandes modifications du code électoral permettant de simplifier ce recours en vue des prochaines échéances électorales de 2012.

La première de ces modifications est la suppression de l'obligation d'inscription sur les listes électorales d'une même commune pour l'établissement d'une procuration et, la deuxième, le passage à deux procurations par mandataire.

Il n'est pas toujours évident de trouver un mandataire à qui donner une procuration. Que l'on habite dans une grande ville ou dans une commune rurale, on ne dispose pas toujours de quelqu'un de disponible pour aller voter à notre place. Dans ces cas-là, faute de mandataire potentiel, on n'établit pas de procuration, ce qui gonfle au passage le nombre des abstentionnistes.

Par ailleurs, à l'heure où la question de la prise en charge de la dépendance est devenue centrale, nous remarquons qu'un nombre important de personnes âgées, qui ne peuvent se déplacer pour aller voter, souhaiteraient que leurs enfants puissent accomplir cet acte de citoyenneté à leur place, mais, souvent, les enfants ne résident pas dans la même commune et ne peuvent donc pas avoir de procuration. De plus, chacun ne peut aujourd'hui avoir qu'une procuration.

Le problème est le même avec un parent dont les deux enfants étudient dans des villes différentes mais sont toujours inscrits sur les listes électorales du domicile parental.

Pour toutes ces situations, qui sont loin d'être des cas isolés, les mesures proposées dans ce texte apparaissent comme les solutions idéales qui permettraient à la fois de simplifier les démarches et d'élargir la liberté de choix du mandataire.

En effet, au-delà des aspects techniques et pratiques, la question de la confiance accordée au mandataire est centrale. Quoi de plus personnel que le vote ? Qu'est-ce qui garantit à l'électeur dépossédé de l'acte physique qui consiste à mettre son bulletin dans l'urne que son vote sera respecté ? C'est en cela que la question de la confiance accordée au mandataire est essentielle.

Certains électeurs préféreront s'abstenir plutôt que de déléguer leur vote à une personne en qui ils n'ont pas entièrement confiance.

Ainsi, en supprimant l'obligation d'inscription sur les listes électorales de la même commune et en relevant à deux le nombre de procurations par mandataire, on offre au mandant la possibilité de choisir comme mandataire la personne de son choix.

Le troisième axe de cette proposition de loi est l'établissement en mairie des procurations.

Actuellement, les procurations doivent être établies au tribunal d'instance, au commissariat de police ou à la brigade de gendarmerie. Nous avons décidé de substituer la mairie à ces lieux.

Il s'avère qu'aujourd'hui – cela a été rappelé par notre rapporteur – les électeurs se tournent déjà spontanément, mais à tort, vers leur mairie pour donner une procuration. La confusion se justifie par le fait que les inscriptions sur les listes électorales ont lieu en mairie; que les cartes électorales sont établies par le maire et que les bureaux de vote sont présidés par les maires, les adjoints et les conseillers municipaux. En outre, à ce jour, nous ne connaissons pas de suppressions de mairies, alors que nous avons des suppressions de gendarmeries. Cette évolution irait donc dans le bon sens et garantirait davantage de proximité pour bon nombre de citoyens.

Quant à l'administration, il me semble que, au vu de l'encombrement des tribunaux et des difficultés de fonctionnement des commissariats et des gendarmeries à la suite de la révision générale des politiques publiques, cette réforme allégerait considérablement leurs charges.

Je pense également aux petites communes en milieu rural et en zone de montagne, par exemple celles du département de l'Ariège. Cent quinze des 332 communes de l'Ariège comptent moins de 100 habitants, et elles sont bien souvent éloignées d'une gendarmerie, et encore plus d'un tribunal ou d'un commissariat. De plus, ces derniers mois, le Gouvernement a supprimé trois gendarmeries dans le département et la pérennité de l'existence d'un commissariat suscite les plus vives inquiétudes.

Certains cantons sont ainsi orphelins de gendarmerie, donc d'un lieu d'établissement de procurations.

En zone de montagne, ce sont parfois plus de trente ou quarante kilomètres qui séparent les communes d'un lieu d'établissement de procurations. Je rappelle qu'il s'agit de routes de montagne, parfois enneigées. L'an dernier, au mois de mai, l'Ariège subissait ainsi les assauts d'une dernière vague neigeuse et, pendant plusieurs jours, un certain nombre de communes sont restées isolées. Cette réalité s'ajoute à celle du parcours du combattant de l'établissement d'une procuration dont se plaignent nos compatriotes à toutes les élections.

Mes chers collègues, le texte que nous vous proposons aujourd'hui, admirablement géré par notre collègue Bernard Roman, va dans le bon sens et transcende les clivages politiques classiques. Il correspond aux évolutions de notre société et contribue à endiguer le phénomène rampant de l'abstention. Refuser de soutenir cette proposition de loi, c'est refuser de participer à une démarche en faveur de la citoyenneté.

C'est pourquoi, nous vous demandons aujourd'hui de nous accompagner dans cette démarche et de soutenir cette initiative. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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