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Intervention de Martine Faure

Réunion du 9 juin 2011 à 15h00
Lutte contre le décrochage scolaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Faure :

Vous venez de nous dire, monsieur le ministre, que selon les dernières données 250 000 jeunes ont décroché du système scolaire sans diplôme ni qualification. Et vous soulignez avec regret que 180 000 ont été perdus de vue.

Or, dans le même temps, vous persistez à mener une politique scolaire qui ne peut qu'aggraver la situation. Je me contenterai de vous rappeler la suppression de 1 500 classes à la rentrée prochaine ; la diminution des postes d'enseignants, en particulier d'enseignants spécialisés ; l'aggravation du déficit massif de remplaçants, que ne comblera pas le recours à Pôle emploi ; la disparition progressive, dans les établissements scolaires, des postes de surveillants, de médecins et d'infirmières ; enfin le recours à l'exclusion, quoi que vous ayez dit, par le biais de la fameuse loi Ciotti visant à suspendre le versement des allocations familiales aux parents d'élèves décrocheurs.

Pourtant, la « maison école » est l'outil premier de la République pour construire l'égalité des chances, l'égalité entre les citoyens. L'école que nous voulons doit s'adresser à tous les élèves et pas seulement aux meilleurs. Je dirai même que cette école-là, celle que nous voulons reconstruire, doit offrir le meilleur aux enfants les plus fragiles.

Il faut réhabiliter l'école, Yves Durand l'a souligné, la rendre captivante au lieu de la désenchanter, donner ou redonner le goût d'apprendre aux élèves et plus particulièrement aux élèves en difficulté. Il faut aussi renoncer à la démagogie, aux incantations, aux campagnes de communication ruineuses et insincères : pour mémoire, près de 1,3 million d'euros ont été dépensés pour l'opération destinée à « attirer de nouveaux talents » et à recruter 17 000 personnes.

Vous venez de rappeler votre volonté de lutter contre le décrochage scolaire et d'apporter une réponse personnalisée et rapide à chaque jeune de seize à dix-huit ans sans diplôme et sans solution en créant 400 plateformes de suivi et d'appui pour recenser les décrocheurs. Et alors ? Ce ne sont pas des remèdes mais tout au plus des annonces qui, je l'espère, ne seront pas sans lendemain, mais on peut en douter.

Ce que nous proposons aujourd'hui en urgence, c'est de prendre le mal à la racine, dès les premières années, lors de l'acquisition des bases de compétences nécessaires. C'est pourquoi nous voulons abaisser de six à trois ans l'âge de la scolarisation obligatoire et donner la possibilité aux familles qui le souhaitent d'inscrire leurs enfants à partir de deux ans.

La lutte contre le décrochage scolaire doit commencer au moment où les premiers signes de difficulté ou de mal-être peuvent être repérés. Une stratégie précoce est indispensable : le destin scolaire d'un élève se joue avant la sixième, en particulier lors de l'apprentissage de la lecture. Nous ne saurions admettre la disparition des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED, qui ont fait la preuve de leur efficacité mais ont été sacrifiés sur l'autel des économies budgétaires. Nous voulons au contraire sécuriser ce dispositif et permettre aux enseignants spécialisés d'intervenir dans les collèges à la demande du chef d'établissement.

Ensuite, il est essentiel de maintenir l'élève décrocheur, ou qui risque de le devenir, au sein du système scolaire. Le rejet pur et simple de l'élément perturbateur à l'extérieur de la communauté est le pire des expédients, c'est une échappatoire, pas une solution. Toute mesure d'exclusion de la classe doit être assortie d'un dispositif d'accompagnement et de soutien à l'intérieur de l'établissement et en lien avec la famille. La sanction doit être expliquée et déboucher sur une réflexion et une prise de conscience de la part du jeune, mais cela nécessite la présence d'enseignants disponibles, formés et en nombre suffisant.

La meilleure façon de responsabiliser les familles n'est certainement pas de suspendre les allocations familiales comme l'impose la loi visant à lutter contre l'absentéisme scolaire. Le caractère systématique d'une telle mesure – répressive et non pas éducative – ne la rend pas plus efficace que celles qui l'ont précédée. C'est pourquoi nous proposons son abrogation.

En matière d'échec scolaire comme dans bien d'autres domaines, il vaut mieux prévenir que guérir. Cela va sans dire mais il faut le répéter et le faire. Une fois les difficultés installées, les mesures palliatives se révèlent souvent inopérantes. À l'inverse, la mise en place en amont de procédures pédagogiques doit permettre d'anticiper les problèmes et de réduire notablement la proportion d'élèves décrocheurs.

Notre proposition de loi nourrit cette ambition et j'encouragerais nos collègues de la majorité à la voter s'ils étaient présents. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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