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Intervention de Régis Juanico

Réunion du 9 juin 2011 à 15h00
Introduction d'une taxe sur les transactions financières en europe — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRégis Juanico :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le 8 mars 2011, le Parlement européen adoptait un rapport appelant à la création d'une taxe sur les transactions financières. Hier encore, ce même parlement a adopté le rapport de la commission spéciale sur les défis politiques et les ressources budgétaires pour une Union européenne durable après 2013 visant à réitérer cet appel. Malgré l'opposition obtuse, incompréhensible, de la Commission européenne, plusieurs États membres se sont engagés à avancer sur ce thème.

Aujourd'hui, ce sont les partis socialistes européens dans leur ensemble qui portent ce projet que nous défendons en même temps que nos collègues allemands du SPD au Bundestag. La cause progresse et nous sentons bien que c'est le moment ou jamais d'avancer.

Nous proposons une taxe réaliste de 0,05 % portant sur toutes les transactions financières au niveau de l'Union européenne. C'est une mesure salutaire de rééquilibrage sur le plan fiscal alors que le secteur financier est plus faiblement taxé que les autres secteurs, tels les revenus du travail ou le secteur productif.

Nous pouvons le constater chaque jour, deux ans et demi après le début de la crise : les difficultés économiques et sociales frappent durement des millions de personnes dans les vingt-sept États membres de l'Union. Les citoyens européens souffrent des politiques brutales d'austérité d'inspiration libérale qui font des dégâts considérables en matière de cohésion sociale : 7 millions d'Européens ont perdu leur emploi depuis la fin de l'année 2008. La croissance au sein de l'Union européenne en souffre.

Nous avons le devoir d'agir pour sortir de cette impasse, il y va de l'intérêt de l'Europe et de ses habitants : nous devons trouver de nouvelles marges de manoeuvre politiques et financières.

La responsabilité du secteur financier dans la crise n'est plus à démontrer. Citons quelques chiffres pour montrer à quel point ce secteur est aujourd'hui déconnecté des évolutions de l'économie réelle. Le volume des transactions financières a crû cinq fois plus vite que le PIB depuis 1950. Chaque jour, 4 000 milliards de dollars s'échangent sur le marché des changes. Le montant des transactions financières internationales a doublé depuis 2002 ; cette hausse vertigineuse provient en grande partie de la multiplication des prises de positions spéculatives aux fins de profit et ne relève pas à titre principal du financement des activités de production ou des échanges de biens et de services.

Or que s'est-il passé entre 2008 et 2010 ? Les aides en faveur du secteur financier, essentiellement sous forme de garanties, se sont élevées à 4 589 milliards d'euros, soit l'équivalent des PIB de la France et de l'Allemagne réunis. En 2008 et 2009, les aides publiques concrètement versées au secteur financier ont atteint près de 500 milliards d'euros. Dans le même temps, la baisse des recettes fiscales des États a eu pour conséquence directe le creusement des déficits publics, qui conduit toujours plus de pays à subir les attaques spéculatives de ces mêmes marchés financiers. Cette situation totalement ubuesque affaiblit les États et affecte directement les peuples de l'Union.

La création d'une taxe sur les transactions financières répond donc à un double impératif de souveraineté et de justice.

Un impératif de souveraineté d'abord. La taxe appliquée aux transactions financières au sein de l'Union européenne rapporterait 200 milliards d'euros. Nous proposons que ces nouvelles recettes soient affectées aux budgets des États membres pour qu'ils retrouvent les marges de manoeuvre nécessaires à leur indépendance à l'égard des marchés, mais aussi pour qu'ils conduisent des politiques publiques robustes en matière de solidarité, de services publics, d'investissements dans les infrastructures ou les secteurs innovants. Le principe européen de subsidiarité offrira aux États le libre choix de l'affectation des produits de cette taxe, y compris celui de les reverser au budget européen.

Un impératif de justice ensuite. Comment ne pas comprendre les peuples qui manifestent en Espagne, en Grèce et ailleurs quand les mesures d'austérité frappent exclusivement les secteurs productifs ou la protection sociale ? Les services publics et les mécanismes de solidarité sociale sont plus menacés que jamais, bien qu'ils n'aient rien à voir avec la crise financière.

En conclusion, le citoyen européen sera le premier bénéficiaire de l'instauration d'une taxe sur les transactions financières, laquelle aura trois effets vertueux.

D'abord, elle accroîtra la transparence du secteur financier et en garantira la moralisation.

Ensuite, elle exercera un effet dissuasif sur certains mouvements spéculatifs. Elle réduira ainsi considérablement les risques auxquels certains organismes bancaires exposent encore aujourd'hui leurs clients : trop souvent, l'épargne de ces derniers alimente les opérations spéculatives de ces établissements.

Enfin, elle permettra de créer de nouvelles recettes budgétaires pour financer des politiques volontaristes en matière d'industrie, d'emploi et de lutte contre la pauvreté, ainsi que des investissements à long terme dans l'économie réelle. Elle offrira ainsi aux États la possibilité d'innover pour mieux protéger leurs citoyens d'éventuelles futures secousses.

Je vous appelle donc, mes chers collègues, à approuver largement la proposition de résolution présentée par Pierre-Alain Muet au nom de notre groupe.

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