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Intervention de Marietta Karamanli

Réunion du 9 juin 2011 à 15h00
Introduction d'une taxe sur les transactions financières en europe — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, monsieur le président de la commission des affaires européennes, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, depuis ce matin, tout le monde s'accorde à souligner l'importance de cette proposition de résolution : la taxation des transactions financières apparaît comme l'une des mesures raisonnables pour lutter contre la spéculation sur les dettes publiques.

Après la grave crise financière qui a frappé le monde il y a maintenant trois ans, l'endettement public a augmenté. Depuis, les gouvernements européens estiment majoritairement que pour endiguer les assauts de la finance, la rigueur budgétaire et la limitation salariale sont inéluctables et constituent les seules voies possibles. L'idée est simple : si un pays se soumet à une discipline budgétaire, les taux d'intérêt redeviendront supportables et l'accès à un crédit moins cher sera alors à nouveau possible. Selon cette conception, les marchés commandent aux États car les acheteurs d'obligations sont censés être les meilleurs juges des plans d'austérité appliqués par les gouvernements.

À bien y regarder, l'application de taux plus doux ne repose en l'état que sur la confiance que manifestent ces marchés à l'égard de promesses car les réformes n'auront d'effets qu'à long terme. Par un effet paradoxal, la dette viendra à échéance avant même que les réformes ne portent leurs fruits, ce qui contribue à renforcer la tendance des marchés à demander aux États d'adopter des mesures plus dures. La situation de la Grèce le montre bien.

Les atermoiements nationaux et la cécité des instances européennes ou internationales renforcent, à leur façon, la position des marchés. L'expérience de ces derniers mois suggère que la reprise tant attendue ne pourra se produire qu'avec difficulté tant que les marchés financiers conserveront leur force de frappe. D'où la nécessité de les désarmer, en quelque sorte, afin qu'ils cessent de menacer les États de l'Union européenne.

La tâche n'est pas insurmontable, là encore. Elle suppose un effort de régulation, de taxation et de restructuration des dettes des pays. Dans la perspective d'une régulation offensive, il pourrait être envisagé d'interdire à toute entité financière européenne de spéculer sur les dettes souveraines des États membres par CDS interposés, ou encore d'instaurer une taxe européenne sur les plus-values, sous l'égide des gouvernements nationaux. Une autre voie possible – et c'est l'enjeu de cette proposition de résolution – consisterait à instituer une taxe sur les transactions financières.

Certes, une telle taxe ne constitue pas une panacée, mais son adoption n'a que trop tardé depuis que son principe a été ébauché en 1978. Elle repose sur un mécanisme simple : il s'agit ni plus ni moins de prélever un impôt sur les capitaux internationaux en circulation afin de décourager la spéculation internationale en la rendant trop onéreuse pour les opérateurs, même si le taux de taxation reste faible.

Cette taxation est nécessaire. Le coût des transactions financières a notablement diminué au cours des trois dernières décennies du fait du recours massif à des échanges par voie électronique et de l'utilisation d'applications informatiques propres à ces marchés. Ces transactions ont, pour la plupart, peu à voir avec la valeur économique ou sociale des droits et titres échangés et leur explosion a permis une énorme redistribution des ressources au profit du secteur financier.

La taxe que la proposition de résolution de notre collègue Pierre-Alain Muet tend à créer vise toutes les transactions financières, qu'il s'agisse des transactions boursières ou non boursières, des titres, des obligations ou produits dérivés, ou encore des transactions sur le marché des changes.

Cette proposition entend répondre aux arguments trop souvent opposés à l'instauration d'une telle imposition, selon lesquels, en ce domaine, les États ne peuvent agir seuls et ont besoin qu'une initiative internationale soit prise. Notre démarche s'inscrit en effet dans les perspectives dessinées par plusieurs sommets internationaux et évoquées par plusieurs dirigeants européens. En ce sens, elle peut constituer un signal positif : les États et l'Union Européenne ont leurs finalités propres au même titre que les marchés financiers, et seul un équilibre est de nature à établir une régulation et à prévenir les dérives.

J'aimerais à présent évoquer les effets positifs qui pourraient résulter d'une telle taxe. Malgré son caractère limité, elle est de nature à remettre en cause la primauté sans limite des marchés financiers. L'économiste André Orléan a montré combien l'idée selon laquelle le capital est fongible, peut passer sans coût d'un endroit à un autre, d'un actif à un autre, domine désormais. Taxer la finance de marché permettrait aux États d'affirmer qu'elle n'est pas forcément bonne et de montrer qu'ils n'acceptent pas la tyrannie du rendement maximal.

Limiter même modestement ce rendement maximal, c'est rendre possible demain, si les parlements le souhaitent, la mise en place d'une surtaxe spécifique sur les transactions les plus nocives, comme le note judicieusement notre rapporteur.

Promouvoir cette taxe, c'est aussi favoriser ce que les États du G 20 ont appelé des financements innovants en faveur du développement et de la lutte contre la pauvreté.

En faisant ce modeste pas vers plus de régulation et en incitant les acteurs à ne pas tous faire la même chose, la puissance publique favorise la diversité des comportements et on peut logiquement penser qu'en agissant de la sorte, elle favorise également l'économie réelle au détriment de l'économie virtuelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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