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Intervention de Jean Launay

Réunion du 6 juin 2011 à 21h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2011 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Launay :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative pour 2011 dont nous débattons sera donc celui de la fin du bouclier fiscal, emblématique outil de l'injustice fiscale qui aura marqué cette législature, et le mandat du président Sarkozy. Rappelons-nous la loi TEPA !

De nombreux collègues ont déjà évoqué la tromperie supplémentaire de ce texte qui consiste à amender l'impôt de solidarité sur la fortune. C'est la raison pour laquelle j'aborderai pour ma part la question des bénéfices des entreprises du secteur pétrolier, qui fait l'objet dans cette loi de finances rectificative d'un timide article 7, créant une contribution exceptionnelle sur la prévision pour hausse des prix.

Selon l'évaluation préalable de l'article, quarante-quatre entreprises contributrices devront verser 115 millions d'euros, afin de financer – enfin – une mesure à caractère social : la revalorisation de 4,6 % du barème kilométrique utilisé par les salariés qui optent pour la déduction des frais réels lors de leur déclaration de revenus.

Parmi ces quarante-quatre entreprises, il n'y a qu'une seule grande entreprise, Total – dont la contribution s'élèverait à 70 millions d'euros.

Mais il est temps de faire le rapprochement entre ce que l'on pourrait qualifier de bonne idée et le régime du bénéfice mondial consolidé, qui aura permis à cinq entreprises de bénéficier, en 2010, de 460 millions d'euros d'économies d'impôt. Ces chiffres figurent dans le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires relatif aux niches fiscales et sociales des entreprises.

Ce régime, rappelons-le, a été mis en place en 1965, dans un contexte économique très différent ; c'était avant le premier choc pétrolier. Parmi ces cinq entreprises, on compte Vivendi, NRJ Group, Euro Media Group et Total. L'article 209 quinquies du code général des impôts permet en effet aux sociétés mères de groupes français, agréées par le ministère de l'économie et des finances, de retenir « l'ensemble des résultats de leurs exploitations directes ou indirectes, qu'elles soient situées en France ou à l'étranger, pour l'assiette des impôts établis sur la réalisation et la distribution de leurs bénéfices ».

Vivendi a accédé à ce régime le 26 août 2004, par décision du ministre des finances de l'époque, Nicolas Sarkozy. En contrepartie, plusieurs engagements étaient pris en faveur de la création d'emplois dans les territoires français touchés par le chômage et par les restructurations industrielles. Six ans plus tard, il serait intéressant, monsieur le ministre, que vous nous disiez si l'objectif de créer 2 100 contrats à durée indéterminée en cinq ans a été tenu : après tout, nous sommes là dans le rôle de contrôle du Parlement ! Même si c'était le cas, cela mériterait d'être mis en rapport avec les sommes reversées, pour mesurer le coût de la subvention par emploi.

S'agissant de Total, même Christian Estrosi s'interroge, peut-être parce qu'il a été ministre de l'industrie, sur l'effort collectif auquel l'entreprise, après plusieurs années de spectaculaires bénéfices, pourrait être amenée à participer. En effet, sur 10,3 milliards d'euros de bénéfices en 2010 – bénéfices qui s'élèvent déjà à 3,1 milliards d'euros pour le premier trimestre 2011 – la compagnie Total n'a payé aucun impôt sur les sociétés en France, alors qu'elle a versé plus de la moitié de cette somme à ses actionnaires. Rappelons que ses bénéfices s'élevaient déjà à 7,6 milliards d'euros en 2009 et à 13,9 milliards d'euros en 2008 !

Il serait donc intéressant, monsieur le ministre, que vous nous disiez de combien Total a bénéficié en reversement de l'État au titre du bénéfice mondial consolidé : je suis prêt à parier que cette somme est plus importante que la contribution qui sera demandée à la compagnie au titre de l'article 7.

Voilà donc une belle niche de luxe pour une société majeure du CAC 40 qui prospère à coups de milliards d'euros en affichant 207 millions d'euros de pertes en France. Ce mécanisme du bénéfice mondial consolidé n'est pas moral et nous en demanderons la suppression. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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