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Intervention de Francis Vercamer

Réunion du 4 juin 2009 à 15h00
Faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrancis Vercamer :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je veux tout d'abord excuser l'absence de M. Michel Hunault qui avait marqué un intérêt particulier pour ce texte et qui m'a demandé de le représenter dans ce débat.

Nous traitons aujourd'hui des questions de saisie et de confiscation en matière pénale à la faveur de l'examen d'une proposition de loi de nos collègues Jean-Luc Warsmann et Guy Geoffroy.

Après avoir révisé la Constitution, en juillet dernier, pour renforcer au sein de nos institutions le rôle du Parlement, nous avons, pendant près d'un an, débattu de la nécessaire modernisation de la procédure parlementaire avant d'adopter, voici quelques jours, le nouveau règlement de l'Assemblée nationale.

Le simple fait de voir désormais des sujets, pour certains sensibles et graves, pour d'autres éminemment complexes et techniques, traités par des textes d'origine parlementaire – je pense bien sûr à la présente proposition de loi mais également à celle de notre collègue Jean-Frédéric Poisson sur le maintien et la création d'emplois dont la discussion vient de s'achever – prouve, s'il en était besoin, que la revalorisation du rôle du Parlement, comme celle du travail parlementaire lui-même, sont à présent des réalités pour chacun de nous.

Mais le présent texte vient aussi concrétiser un travail de long terme dans la mesure où il tend à mettre en oeuvre certaines préconisations du rapport que M. le président de la commission des lois a remis en 2004 au ministre de l'intérieur sur la lutte contre les réseaux de trafiquants de stupéfiants.

Je noterai également la part active prise par le Gouvernement à l'élaboration de ce texte, notamment par la présentation d'amendements ne pouvant, en vertu de l'article 40 de la Constitution, être le fait de parlementaires.

Faciliter la saisie et la confiscation des avoirs criminels procède d'une logique qui vise à donner à la justice de nouveaux moyens afin de briser le train de vie parfois ostentatoire de certains délinquants. C'est par là même le moyen de lutter plus efficacement contre le crime organisé et plus particulièrement peut-être contre les trafiquants de stupéfiants.

Aussi ce texte vise-t-il à répondre aux attentes des acteurs de la justice qui se trouvent, en l'état actuel de notre droit, bien souvent trop démunis pour frapper efficacement le portefeuille des criminels.

Il répond, sans doute également, à une attente plus diffuse d'un grand nombre de nos concitoyens qui sont parfois choqués de voir des individus, qui tirent pourtant d'une manière notoire leurs revenus d'activités illégales, afficher un train de vie indécent.

Avec cette proposition de loi, il s'agit donc de franchir une nouvelle étape dans le renforcement de notre législation en matière de saisie et de confiscation.

Après celles permises par les lois de 2007 sur la prévention de la délinquance et la lutte contre la contrefaçon, ce texte élargit le champ des biens susceptibles de faire l'objet d'une saisie tout en procédant à une profonde clarification des procédures.

Afin d'éviter notamment que le patrimoine d'une personne mise en cause ne se soit évanoui dans la nature au moment où une juridiction en prononcera la confiscation, les possibilités de saisir préalablement, et donc de geler ce patrimoine dès les premiers stades de l'enquête, seront ainsi développées au moyen d'un alignement du champ des biens susceptibles de faire l'objet d'une saisie sur celui des biens confiscables.

Alors qu'actuellement nombre de magistrats se montrent réticents à ordonner de telles mesures de saisie, la levée de l'incertitude juridique pesant sur le caractère saisissable, ou non, d'un bien devra permettre un recours plus fréquent à ce type de mesures dont dépend en réalité l'effectivité même du pouvoir de confiscation.

Dans le prolongement de la création, en 2005, de la plate-forme d'identification des avoirs criminels, les enquêtes visant spécifiquement à identifier les biens saisissables et confiscables seront, pour leur part, systématisées afin, là aussi, de rendre plus effective l'étendue du pouvoir de confiscation.

Il s'agit également, avec ce texte, d'organiser enfin une véritable procédure de saisie pénale par l'insertion, au sein du code de procédure pénale, d'un titre spécifiquement dédié.

À l'heure actuelle, en effet, les articles du code utilisés par certains magistrats pour procéder à la saisie d'avoirs criminels n'ont pas pour objet d'organiser une quelconque saisie patrimoniale, mais s'inscrivent dans une autre logique, celle de la recherche de la preuve, et se focalisent uniquement sur la conservation des pièces à conviction ainsi que des éléments utiles à la manifestation de la vérité.

La loi du 9 mars 2004, en offrant au juge d'instruction ainsi qu'au juge des libertés et de la détention la possibilité de prendre, selon les modalités prévues par les procédures civiles d'exécution, des mesures conservatoires sur l'ensemble des biens, meubles ou immeubles, divis ou indivis, d'une personne mise en examen, a permis de franchir un premier pas vers la systématisation de la confiscation des avoirs criminels.

Ces procédures civiles d'exécution, où l'État ne bénéficie d'aucune prérogative de puissance publique, restent pourtant, à l'heure actuelle, très largement inadaptées aux saisies pénales, et leur caractère tout à la fois lourd et coûteux décourage bien souvent les magistrats souhaitant recourir à ces mesures.

La mise en place de cette procédure de saisie pénale permettra ainsi de mettre fin à une lacune de notre droit en la matière. Elle sera, par ailleurs, plus adaptée que les procédures actuelles à la saisie des biens immobiliers ou incorporels, aujourd'hui laissés de côté par les magistrats faute d'outils juridiques adéquats.

Le recours que nous souhaitons à l'avenir accru aux mesures de saisie puis de confiscation, lorsqu'il y aura eu condamnation, pose toutefois la question de la gestion par les pouvoirs publics des biens saisis. Or nous faisons face, dans ce domaine, à un curieux paradoxe qui veut que les mesures de saisie coûtent pour finir bien plus cher à l'État qu'elles ne lui rapportent.

Afin d'éviter tant la dévalorisation rapide des biens saisis que leur conservation au-delà des besoins de l'enquête, il apparaît nécessaire de mieux organiser la gestion des biens saisis dans la ligne des possibilités ouvertes par la loi de 2007 sur la lutte contre la contrefaçon et de procéder à la vente anticipée des biens saisis au cours de l'enquête lorsqu'ils ne présentent plus d'intérêt pour la poursuite de cette dernière.

C'est pourquoi la création, à l'initiative du Gouvernement, d'une agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués constitue l'une des avancées les plus significatives de cette proposition de loi.

Cette agence assurera, sous le contrôle d'un magistrat, une meilleure gestion des biens saisis. Elle pourra également, au besoin, gérer l'aliénation ou la destruction de ces biens et aura enfin une mission d'assistance envers les juridictions qui la solliciteront.

Pour conclure, mes chers collègues, ce texte permet des avancées déterminantes et attendues de la plupart des acteurs de la justice en matière de saisie et de confiscation. Tout en préservant les garanties procédurales offertes aux mis en cause, il donnera une plus grande effectivité au principe selon lequel une sanction pénale doit s'accompagner de la privation du bénéfice de l'infraction commise.

C'est pourquoi les députés du Nouveau Centre lui apporteront leur soutien.

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