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Intervention de Guy Geoffroy

Réunion du 4 juin 2009 à 15h00
Faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale — Discussion d'une proposition de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique, mes chers collègues, l'Assemblée est invitée à examiner une proposition de loi que j'ai l'honneur d'avoir cosignée avec le président de la commission des lois, Jean-Luc Warsmann, il y a un peu plus de six mois.

Le dépôt de ce texte faisait suite à un travail en profondeur mené depuis presque un an. Cette réflexion s'inscrivait elle-même dans la continuité de celle menée par Jean-Luc Warsmann, désigné parlementaire en mission auprès du ministre de l'intérieur en juillet 2004, pour rendre des conclusions sur la lutte contre les réseaux de trafiquants de stupéfiants.

Ce texte a fait l'objet d'un examen très attentif de la part de la commission, dont les membres ont été unanimes, le 20 mai dernier, pour approuver le texte initial amendé – je reviendrai en particulier sur un amendement très important du Gouvernement.

Nous sommes intimement persuadés de la nécessité d'un dispositif efficace de saisies pénales pour frapper les trafiquants là où nous estimons – disons-le de manière quelque peu triviale – que « ça leur fait mal », c'est-à-dire au portefeuille. Pour être véritablement dissuasive, une sanction pénale prononcée à l'encontre de l'auteur d'une infraction doit pouvoir s'accompagner de la privation des profits qu'il a pu en tirer, ce qui n'est pas tout à fait possible actuellement. Le prononcé par les tribunaux de peines privatives de liberté ou d'amendes ne saurait, dans de nombreux cas, suffire, et ce n'est pas la situation de nos prisons qui me démentira.

Saisir les profits tirés de l'infraction a un réel effet dissuasif : j'en veux d'ailleurs pour preuves les cas récents où l'on a vu des trafiquants condamnés à une peine de prison ferme assortie de la confiscation de tout ou partie de leurs biens faire appel, non pas de la peine de prison ferme, mais de la confiscation. On voit bien là que c'est l'aspect qui les dérange le plus.

Le Président de la République, dans son discours prononcé à l'Élysée devant les principaux acteurs de la sécurité le 28 mai dernier, a d'ailleurs rappelé la nécessité de « frapper les trafiquants au portefeuille ».

Notre proposition de loi donnera le cadre juridique nécessaire à la mise en oeuvre des saisies de ces richesses indues, produits de trafics ou d'infractions.

Nous ne partons pas de rien. J'évoquais tout à l'heure le travail considérable effectué par Jean-Luc Warsmann, qui a conduit à plusieurs progrès notables. Le premier est la création au sein du ministère de l'intérieur de la plateforme d'identification des avoirs criminels, la PIAC, directement issue de son rapport. S'y ajoutent les avancées issues de la loi de 2007 relative à la prévention de la délinquance et de la loi relative à la lutte contre la contrefaçon.

Le président Warsmann avait dénoncé dans son rapport les failles existant dans notre législation en matière de saisies et de confiscations, failles auxquelles cette proposition de loi vise avant tout à remédier.

Il s'agit, tout d'abord, des difficultés dans la détection précoce des avoirs et patrimoines détenus en France comme à l'étranger : un article de la proposition de loi s'emploie spécifiquement à les dissiper. Mais il faudra également donner à la PIAC davantage de moyens juridiques d'agir, de même qu'aux groupements d'intervention régionaux.

Il s'agit ensuite de l'inadaptation des procédures civiles d'exécution.

Il s'agit enfin de la gestion déplorable des biens saisis. Il suffit de penser à la triste image renvoyée par les voitures laissées dans des fourrières à ciel ouvert, qui se déprécient et entraînent des coûts pour l'État.

Notre droit pénal distingue aujourd'hui deux cadres juridiques. Dans les affaires de droit commun sont saisis, dans le cadre d'enquêtes de flagrance, d'enquêtes préliminaires ou d'informations judiciaires, les éléments nécessaires à la manifestation de la vérité ainsi que les objets qualifiés de nuisibles. En revanche, dans les affaires de criminalité organisée est prévue, depuis la loi Perben II, une procédure permettant la prise de mesures conservatoires par le juge des libertés et de la détention.

Au vu des effets bénéfiques de ces dispositions, nous estimons nécessaire de priver des profits de leurs infractions non seulement les grands délinquants, concernés par la loi Perben II, mais également les petits trafiquants, qui pourrissent la vie de nos villages, de nos villes, de nos quartiers, de nos cités, paradant trop souvent au volant de voitures luxueuses dont la justice n'a pas toujours les moyens de les déposséder et provoquant l'incompréhension ô combien légitime de nos concitoyens, comme nous le constatons tous dans nos circonscriptions.

Priver les délinquants des profits tirés de leur trafic suppose une procédure en trois étapes : identifier les avoirs, travail incombant à la PIAC ; geler les comptes bancaires et saisir des biens – véhicules, matériels ou immeubles – en établissant une procédure adaptée à chaque type de bien, comme nous le proposons dans cette proposition de loi ; enfin, la confiscation, qui intervient après qu'une décision juridictionnelle a établi la culpabilité du possesseur des biens – dans le cas contraire, le bien ou le produit de sa vente est restitué avec intérêts à son propriétaire, comme nous l'avons précisé dans la proposition de loi.

On ne soulignera jamais assez le caractère crucial des deux premières étapes : l'expérience montre en effet que la juridiction qui condamne prononce en pratique la confiscation des seuls biens qui sont placés à la disposition de la justice. Il est donc essentiel qu'ils aient été préalablement saisis.

Nous avons identifié dans notre système actuel trois limites majeures : l'absence de définition claire du champ des biens susceptibles d'être saisis au cours de l'enquête pénale, l'inadaptation des procédures civiles d'exécution, enfin, l'absence criante d'une gestion des biens saisis.

Notre proposition de loi vise à combler ces trois lacunes et toutes les auditions auxquelles nous avons procédé nous ont montré le bien-fondé de notre démarche.

S'agissant du champ des biens, elle instaure le principe selon lequel, dès lors qu'un bien peut être confisqué en application de l'article 131-21 du code pénal, il peut être saisi à titre conservatoire au cours de l'enquête. Pour la liste des biens confiscables, je vous renvoie au rapport.

S'agissant de la procédure suivie, l'article 3 instaure une procédure applicable aux saisies pénales, distincte des procédures civiles et qui devrait être plus rapide et plus efficace. Il détaille en outre pour chaque catégorie de biens susceptibles d'être saisis les règles spécifiquement applicables.

Notre commission des lois s'est attachée, dans un examen très attentif, à préserver les droits des tiers de bonne foi. J'avais présenté un amendement en ce sens, qui a été adopté lors de la première lecture, et lorsque la commission s'est réunie tout à l'heure au titre de l'article 88, nous avons approfondi cette protection des droits. À la demande légitime de nos collègues du groupe socialiste, nous avons souhaité préserver le secret professionnel des avocats.

Par ailleurs, la proposition de loi procède à la transposition des dispositions de la décision cadre du 6 octobre 2006 sur l'exécution des décisions de confiscation dans l'Union européenne. En outre, elle codifie les dispositions de deux lois de 1990 et 1996 relatives à l'entraide internationale : modifiant, supprimant et abrogeant, elle opère une simplification du droit.

J'ajoute que la gestion des biens sera considérablement améliorée par la création d'une agence spécifique, à la suite d'un amendement déposé en commission par le Gouvernement. Certaines de ses dispositions semblaient être de nature réglementaire mais la vérification opérée auprès du secrétariat général du Gouvernement fait apparaître qu'une telle exhaustivité était indispensable.

Je termine en remerciant l'ensemble des membres de la commission des lois, qui ont effectué un remarquable travail d'amélioration du texte, mais aussi le Gouvernement, pour sa disponibilité dès les premières étapes de l'élaboration de cette proposition de loi. Je tiens à saluer le président Warsmann qui, en cette matière comme en beaucoup d'autres, a su trouver des solutions concrètes et efficaces qui donneront satisfaction à l'ensemble de nos concitoyens ainsi qu'à tous les professionnels concernés.

Mes chers collègues, je vous invite à voter ce texte à l'unanimité, comme l'a fait notre commission des lois, afin de montrer notre détermination à aboutir à des avancées rapides sur ce sujet technique complexe, mais extrêmement important pour la vie quotidienne de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

1 commentaire :

Le 17/10/2009 à 14:35, Anne-Marie Béneix a dit :

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Merci de nous donner l'espérance qu'un jour, ce qui est à l'origine de tant de maux (la poursuite de l'enrichissement individuel par des moyens illégaux) sera sanctionné.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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