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Intervention de Serge Blisko

Réunion du 25 mai 2011 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Blisko :

Merci pour cette présentation, d'une grande profondeur et d'une grande clarté.

Sans revenir sur la situation des établissements pénitentiaires, qui sera sans doute évoquée par de nombreux collègues, je voudrais dire à quel point nous avons été interpellés par la question des mineurs. Les visites dans les centres éducatifs fermés, les établissements pour mineurs et les quartiers pour mineurs des établissements pénitentiaires laissent un sentiment pour le moins mitigé. D'autres collègues vous feront sans doute part d'incidents récents ; de mon côté, j'ai visité un établissement pour mineurs plutôt paisible près de Nantes, à Orvault, en compagnie de Dominique Raimbourg, mais il m'a semblé qu'il restait tout un travail de coopération à réaliser entre l'administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), dont les cultures sont très différentes.

Même si le sujet dépasse le cadre de votre rapport, je souhaiterais aussi évoquer le malaise que nous avons ressenti en rencontrant les organisations syndicales et professionnelles de la PJJ. Les mineurs n'étant plus les mêmes qu'autrefois, il est nécessaire que la PJJ évolue, mais elle le fait dans un climat marqué par de grandes interrogations. Le personnel se heurte à un véritable problème de doctrine.

Comme vous, j'ai très récemment visité la prison de Fleury-Mérogis, immense établissement qui accueille 3 800 détenus – des hommes, des femmes et beaucoup de mineurs. J'ai été surpris par le climat de violence latente qui y règne, ainsi que par les dégradations qui s'y produisent. Malgré les expériences extrêmement intéressantes conduites par le service pénitentiaire de probation et d'insertion (SPIP) et par l'administration pénitentiaire en matière de formation, de réinsertion et de réhabilitation, il importe d'être conscient de la situation très tendue qui prévaut. S'il faut saluer le travail réalisé par les équipes constituées d'éducateurs, de conseillers d'insertion et de probation, de fonctionnaires de l'administration pénitentiaire et d'intervenants médicaux, force est de constater qu'on se heurte à un problème lié au gigantisme des structures. En dépit des efforts de l'administration pénitentiaire, il reste aussi à mieux introduire les familles dans ce monde très particulier qu'est Fleury-Mérogis.

Mais je voudrais surtout revenir sur la question des établissements psychiatriques et des quartiers psychiatriques des hôpitaux généraux, dont nous avons récemment débattu.

La tendance que vous décrivez est extrêmement préoccupante. Afin d'assurer une sécurité maximale, tout le monde reste enfermé, y compris des personnes qui pourraient se rendre au café et au bureau de tabac du coin, ou bien sortir pour faire quelques courses. La régression est considérable : la plupart des hôpitaux concernés disposent d'immenses parcs, y compris en région parisienne, en application d'une théorie hygiéniste et psychiatrique parfaitement légitime selon laquelle il est préférable d'être « au vert ». Mais la plupart de ces espaces sont aujourd'hui inaccessibles faute de personnel d'accompagnement. Les patients sont donc cantonnés à des cours de promenade, alors qu'ils pourraient profiter des immenses espaces verts environnants. Le rapport décrit très bien l'ennui absolu qui règne dans les hôpitaux psychiatriques – il n'y a jamais eu beaucoup d'activités, mais la situation actuelle est très préoccupante. Compte tenu des traitements suivis, la télévision n'est pas une solution dans ces établissements, contrairement aux prisons.

En dernier lieu, nous devons être très attentifs au fait que les droits fondamentaux sont aujourd'hui bafoués dans les établissements psychiatriques. Alors que l'état d'esprit commence à changer dans l'administration pénitentiaire, où des efforts ont eu lieu grâce aux règles européennes, au contrôleur général des lieux de privation de liberté et à la récente loi pénitentiaire, on ne constate rien de tel dans le domaine de la santé, bien au contraire.

La loi que nous venons de voter en deuxième lecture prévoit le recours systématique au juge des libertés et de la détention à compter du quinzième jour d'hospitalisation d'une personne contre son gré. Or on compte aujourd'hui 3 000 personnes hospitalisées depuis plus de quinze jours dans les hôpitaux parisiens, et un nombre égal de personnes hospitalisées depuis six mois ; au total, entre 15 et 20 personnes passeraient donc chaque jour devant le tribunal de grande instance de Paris – je n'évoque même pas la situation du tribunal de Créteil, encore plus embouteillé que celui de Paris. Puisque le recours aux visioconférences paraît encore très futuriste et que les juges ne se déplaceront pas dans les hôpitaux, il faudra organiser des transfèrements très complexes de personnes. Une des pires manières d'appliquer la loi serait, en effet, de procéder à un simple contrôle sur pièces : il ne faudrait pas se contenter de déplacer les dossiers pour les soumettre à un avocat commis d'office et à un juge le temps d'une matinée, car ce serait le contraire du contrôle effectif que nous avons souhaité instaurer.

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