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Intervention de Jean Leonetti

Réunion du 25 mai 2011 à 15h00
Bioéthique — Article 20

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Leonetti, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi bioéthique :

Certes, et je me garderai bien de parler au nom de mon groupe. J'ai constaté qu'Alain Claeys le faisait d'ailleurs avec beaucoup de précaution. Mme Fraysse l'a fait aussi, en évoquant certaines contradictions. Nous sommes dans un débat qui n'est pas comme les autres. Il y a des convictions différentes de la part de chacun, y compris au sein des groupes.

Lorsque l'on voit l'ensemble des propositions, la première idée que l'on a, en bioéthique, c'est de se dire que tout ce qui est possible n'est pas souhaitable. Si l'on estimait que tout ce qui est possible est souhaitable, ce ne serait pas la peine de faire des lois de bioéthique. En ce cas, en effet, tout ce qui existe serait à la disposition de tout le monde, et nous serions dans une société qui ne réfléchirait pas collectivement à ses valeurs, mais qui raisonnerait du point de vue de l'individu. Il ne s'agirait alors que de répondre à ses aspirations, à ses besoins, à ses handicaps.

Il me semble que deux ou trois idées forces ressortent du débat bioéthique.

La première, c'est que si la construction humaine se fait à partir de biologie et de génétique, elle se fait aussi au travers du savoir transmis et de l'amour donné. Personne ne peut le contester. La seule caractéristique propre à l'homme, c'est qu'il a un cerveau qui lui permet d'avoir de la mémoire et de transmettre aux autres générations ce qu'il a acquis. C'est ce qui fait que la culture et la civilisation avancent, alors que l'abeille est toujours au même stade de développement social et sociétal, si je puis oser une telle comparaison, qu'au temps de Virgile, et probablement qu'au temps de la naissance des abeilles.

Deuxième idée force : c'est quoi, la médecine ? Répond-elle à la performance ou à la vulnérabilité ? Sommes-nous dans une éthique de l'individu et de l'autonomie, ou dans une éthique de la fragilité et de la vulnérabilité ? Si tel est le choix qui s'offre à nous, je choisirai toujours la vulnérabilité plutôt que l'autonomie, et je choisirai la solidarité plutôt que l'individu parce que c'est cela qui tisse notre humanité, nos valeurs communes ; parce que c'est cela qui fait que nous sommes humains ; parce que l'humain qui est en nous nous relie aux autres humains.

Par conséquent, chaque fois que je constate que l'avancée médicale fait de la performance et qu'elle va à l'inverse – pardonnez-moi ce terme, qui est galvaudé – de la nature, j'éprouve une réticence. En revanche chaque fois qu'elle va vers la souffrance, la vulnérabilité, le handicap, la maladie, alors là, je dis oui.

Notre société est très particulière. Contrairement à un certain nombre d'autres pays européens, dont on ne peut pas nier l'évolution démocratique, nous, nous remboursons. À partir du moment où nous avons décidé que cette vulnérabilité devait être aidée par la société, donc par la médecine et par les progrès de la science, la solidarité financière s'exprime. Il ne s'agit pas uniquement de finances, car cela signifie que nous sommes tous solidaires autour de la personne qui est en difficulté. Le médical est là pour répondre aux souffrances, aux handicaps, aux maladies. Il n'est pas là pour compenser les insatisfactions de l'individu, qui sont innombrables.

Ne parlons pas de l'homoparentalité ; parlons, par exemple, de l'âge. Une femme a cinquante ans, et a encore un utérus capable de porter un enfant. Doit-on répondre à sa demande ? Je me suis même posé une autre question, mais j'ai constaté qu'elle faisait polémique, raison pour laquelle j'ai préféré écarter ce débat, qui n'est pourtant pas inutile : il s'agit de l'intérêt de l'enfant à naître. Aux États-Unis, un couple de sourds-muets a demandé à ce que l'on sélectionne un enfant sourd-muet, et ce pour avoir un enfant qui soit comme eux. Fort heureusement, même aux États-Unis, cela a été refusé. Chez nous aussi, on le refuserait parce qu'on voit bien qu'il s'agit d'une demande personnelle qui ne correspond pas à l'intérêt de l'enfant à naître.

C'est la raison pour laquelle, sans prétendre que le débat sociétal sur l'homoparentalité soit tranché, il me semble logique d'affirmer que l'orientation sexuelle ne doit être l'objet d'aucune discrimination de quelque ordre que ce soit. Cependant l'aide médicale doit porter sur des anomalies, des handicaps ou des pathologies. Considérer que l'orientation sexuelle d'une personne est une pathologie serait une insulte. Nous avons dépassé le stade où l'on considérait que l'homosexualité était anormale.

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