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Intervention de Jacqueline Fraysse

Réunion du 25 mai 2011 à 15h00
Bioéthique — Article 19 a

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacqueline Fraysse :

L'article 19 A ouvre aux personnes majeures n'ayant pas d'enfant la possibilité de donner leurs gamètes et de bénéficier, en contrepartie, de la conservation d'une partie de ces gamètes en vue d'une éventuelle utilisation pour elles-mêmes, ultérieurement, dans le cadre d'une PMA.

Je vous ai déjà fait part de nos réserves sur ce point, dont nous comprenons l'objectif mais qui, à nos yeux, pose plus de problèmes qu'il n'en résout. Ces réticences relèvent de trois considérations.

Premièrement, est-il raisonnable de faire courir un risque – car aucun geste médical n'est anodin et, en l'occurrence, il y a anesthésie générale, stimulation hormonale et prélèvement – à des jeunes femmes n'ayant pas encore eu d'enfant ? Je parle uniquement des femmes, car la situation est différente pour les hommes.

C'est d'ailleurs cette considération qui a conduit à proposer à ces femmes de conserver une partie de leurs gamètes pour elles-mêmes, en cas de problèmes ultérieurs, et d'ouvrir, par symétrie, la même possibilité aux hommes. C'est le deuxièmement, qui constitue une brèche très importante dans notre système de don solidaire, anonyme et gratuit. Sans parler de la porte ouverte à la multiplication éventuelle de banques autologues conservant les gamètes au bénéfice futur de la donneuse et du donneur, et peut-être, à terme, à une commercialisation remettant en cause le principe de solidarité qui fonde notre démarche.

Troisièmement, ce n'est pas une bonne réponse au vrai problème de la pénurie de gamètes. Cette disposition nouvelle vise à élargir le cercle des donneurs, et notamment des donneuses d'ovocytes, et à améliorer la qualité de ceux-ci en les prélevant sur des personnes jeunes.

Il est vrai que cette pénurie d'ovocytes a conduit les CECOS à imaginer différentes stratégies pour multiplier le nombre de dons. Un rapport de l'IGAS de 2011 nous apprend, par exemple, que le don relationnel a été fortement multiplié et représente parfois une part plus importante que le don spontané. Il consiste, pour un couple demandeur, à « recruter » une donneuse. En vertu du principe de l'anonymat, les ovocytes ainsi recueillis ne seront pas attribués au couple receveur mais viendront accroître la ressource ovocytaire du centre et alléger ainsi les délais d'attente. En contrepartie, le couple concerné bénéficie d'un délai d'attente réduit. Dans ces conditions, en Île-de-France, par exemple, les délais d'attente ont été sensiblement diminués dans plusieurs centres, mais c'est également le cas à Montpellier ou à Lille.

L'ensemble des personnels considère cependant que cette manière de procéder n'est pas tout à fait satisfaisante, car elle implique une sorte de don conditionnel, non spontané, dans des conditions telles qu'on ne peut exclure d'éventuelles pressions psychologiques, ce qui ne doit pas être négligé et pourrait même être aggravé par le contenu de l'article 19 A.

Par ailleurs, l'argument concernant la qualité des gamètes et le taux de réussite des fécondations tend à s'amenuiser avec les progrès considérables réalisés en matière de conservation, notamment avec la vitrification.

Après avoir soupesé tous ces éléments et relu les avis donnés dans les différents rapports, notamment le rapport d'information de 2010 et le rapport de l'IGAS de 2011 commandé par le ministère de la santé, les députés de notre groupe restent partagés sur cette question. Certains d'entre nous ont déposé un amendement visant à maintenir la situation actuelle, n'autorisant donc le don de gamètes que pour les femmes ayant déjà des enfants et supprimant la possibilité d'une auto-conservation. Celle-ci, je le répète est un des points qui nous préoccupe. D'autres députés de notre groupe ne partagent pas ce point de vue, et il faut que nous nous attachions à respecter les avis des uns et des autres, même s'il n'est pas facile de parler d'une seule voix pour en rendre compte.

Il y a toutefois un point qui rassemble la totalité du groupe et qui a fait l'objet d'un autre amendement, par le biais duquel nous vous inviterons à décider d'une grande campagne d'information, régulièrement renouvelée, conformément d'ailleurs à la synthèse du rapport de contrôle et d'inspection relatif aux activités d'AMP dans lequel l'Agence de la biomédecine s'était exprimée « en faveur d'une communication conçue et vécue comme une information et non une promotion visant directement à augmenter le nombre de donneuses », précisant que « le faible développement de l'activité de don est lié […] à une faible sensibilisation et information de la population susceptible de faire un don ». Nous devrions donner à l'information une place beaucoup plus prégnante.

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