Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Dominique Orliac

Réunion du 24 mai 2011 à 21h30
Bioéthique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Orliac :

Comme en première lecture, je ferai porter l'essentiel de mon intervention sur le sujet qui me semble être le plus emblématique de ce texte, la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Inutile de rappeler que l'Assemblée nationale, malgré des amendements très nombreux venus des bancs de l'opposition, avait consacré en première lecture le principe de l'interdiction des recherches sur l'embryon. Sur cette question, les sénateurs ont, contre l'avis du Gouvernement, procédé à une réécriture globale de l'article 23 du projet de loi afin de substituer au régime actuel d'interdiction – assorti de dérogations – des recherches sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires, un régime d'autorisation encadrée. Si je regrette profondément que notre commission spéciale ait adopté lors des réunions des 10 et 11 mai derniers des amendements tendant à rétablir le texte de l'Assemblée nationale, notamment sur les conditions mises à l'autorisation des recherches, je me réjouis toutefois qu'elle n'ait pas réintroduit le principe de l'interdiction des recherches sur l'embryon. C'est donc de ce point de vue un progrès, un progrès très relatif, mais un progrès tout de même ! Par conséquent, les députés radicaux de gauche s'opposeront à tous les amendements qui auront pour objet de réintroduire dans le texte ce principe d'interdiction.

Faut-il rappeler à nouveau à cette tribune combien ce principe est synonyme pour nous d'obscurantisme et que le devoir, pour ne pas dire la responsabilité, d'un parlementaire, c'est justement tout le contraire : permettre au progrès scientifique d'apporter une vie meilleure pour tous ?

Faut-il rappeler que l'enjeu du débat est, en l'espèce, ni plus ni moins que d'ouvrir la voie au traitement d'affections graves, incurables aujourd'hui, comme les maladies neurodégénératives – Alzheimer, Parkinson, sclérose en plaques –, les cancers et nombre d'autres affections, dont les maladies rares ?

Faut-il redire que l'interdiction pénaliserait tout particulièrement la recherche française par rapport à celles des autres pays ? Depuis 1988 et la découverte ainsi que l'isolement de la première souche embryonnaire humaine, de grands espoirs sont nés dans la recherche biomédicale. Le risque est donc bien réel de voir les chercheurs français distancés dans la compétition scientifique internationale alors que leurs travaux devraient être valorisés. Maintenir l'interdiction des recherches sur l'embryon aurait pour conséquence de pénaliser nos chercheurs, ce qui n'est pas acceptable : faire de la recherche sur les cellules souches embryonnaires n'est pas une dérive eugéniste ! Nos chercheurs sont des hommes et des femmes responsables,

respectueux de l'éthique et bien évidemment soucieux du respect de la loi.

C'est pourquoi, je le réaffirme à cette tribune, la recherche encadrée sur les cellules embryonnaires doit constituer une priorité. Nous, parlementaires d'une République laïque et éclairée, nous devons de désentraver la recherche et de l'accompagner. C'est pourquoi nous saluons le passage du régime de « l'interdiction avec dérogations », issu de nos travaux en première lecture, vers un système d'« autorisations avec contrôles » par l'agence de biomédecine. Cela représente, au moins sur le plan des principes, une véritable avancée législative, et je regrette que notre rapporteur n'en soit pas convaincu, lui qui indique dans son rapport que « la cohérence de notre corpus juridique en matière de bioéthique, pour laquelle la norme de référence essentielle demeure le principe constitutionnel de dignité humaine, exige de rétablir le principe de l'interdiction, assortie de dérogations, de la recherche sur l'embryon ». Eh bien non, monsieur le rapporteur, je ne partage pas cette vision ! Je crois au contraire que ce même principe de la dignité humaine, tout comme ceux du progrès scientifique et de la responsabilité politique convergent pour que nous franchissions enfin le pas et que nous autorisions, sous conditions bien sûr, les recherches sur l'embryon ! Encore une fois, je salue sur cette question la rupture législative introduite par nos collègues sénateurs et je ne doute pas un seul instant de son caractère constitutionnel. Je précise d'ailleurs que le texte sénatorial reprend les recommandations aussi bien du Conseil d'État que de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui préconisaient tous deux « un régime permanent d'autorisation enserrée dans des conditions strictes ».

Le droit n'a-t-il pas pour mission d'accompagner et d'encadrer les évolutions de notre société et les progrès de la science ? Et certainement pas de nous maintenir dans un corpus de règles figées ! Aussi, plus que jamais, les radicaux de gauche se situent du côté du mouvement et du progrès quand le conservatisme se confond clairement avec l'archaïsme, la crainte et des convictions religieuses ou spirituelles qui ne doivent en aucune façon interférer lorsqu'il s'agit d'écrire la loi dans une République laïque comme la nôtre.

De la même manière, sur bon nombre d'autres dispositions contenues dans le projet de loi nous devons être à l'avant-garde des possibilités offertes par la science. Une loi sur la bioéthique doit naître de la confrontation et de la rencontre à un moment donné entre progrès scientifique et valeurs morales d'une société, la société d'aujourd'hui, celle du temps présent et pas celle du passé. Il ne s'agit pas de légiférer avec des préjugés d'un autre temps, et en la matière cinq ans c'est long ! Mais c'est au moins la garantie d'une clause de révision et d'un rendez-vous assuré au sein du Parlement sur les questions de bioéthique. C'est pourquoi, sur le volet institutionnel, nous sommes favorables à la réintroduction par le Sénat d'une clause de révision plutôt qu'un retour au texte de l'Assemblée nationale fondé sur un simple renforcement de l'information mais sans aucune garantie d'une révision de la législation. Mieux vaut être sûr de se revoir tous les cinq ans plutôt que prendre le risque de ne pas se revoir du tout !

Concernant l'assistance médicalisée à la procréation, les radicaux de gauche sont favorables à l'autorisation du transfert d'embryons post-mortem rétablie par notre commission alors que celle du Sénat l'avait supprimée, mais aussi à l'anonymat du don de gamètes. Quant à la gestation pour autrui, elle demeure toujours – et nous le regrettons – la grande absente du texte. L'évolution de notre société nous amènera à nous poser ces questions en des termes nouveaux et à bien distinguer le droit à l'enfant du droit de l'enfant afin de parvenir au juste équilibre, sachant que l'équilibre d'aujourd'hui n'est pas celui d'hier et probablement pas non plus celui de demain. D'où l'intérêt de fixer des échéances précises pour des clauses de révision.

Les députés radicaux de gauche, privilégiant toujours l'intérêt général sur les cas particuliers et le progrès sur l'obscurantisme, espèrent l'adoption d'un texte ambitieux par le Parlement : si nous sommes sur la bonne voie à l'occasion de cette deuxième lecture, de profondes modifications peuvent – et doivent –, particulièrement en ce qui concerne la recherche sur les cellules souches embryonnaires, venir améliorer la version actuelle, sans quoi nous ne pourrions toujours pas lui apporter notre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion