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Intervention de Philippe Nauche

Réunion du 24 mai 2011 à 15h00
Bioéthique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Nauche :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les sénateurs ont profondément modifié le texte du projet de loi bioéthique tel que nous l'avions adopté en première lecture.

Je souhaite pour ma part évoquer deux aspects de ce texte dont nous allons devoir débattre à nouveau. Ces deux points sont à mes yeux fondamentaux. Il s'agit de la recherche sur l'embryon et de l'accès à l'assistance médicale à la procréation.

En ce qui concerne la recherche sur l'embryon, la position du Sénat a le mérite de faire progresser les choses dans le sens de la responsabilité, de la clarté et de la mise en perspective pour les équipes de recherche.

De quoi s'agit-il ? Il s'agit de sortir d'un régime d'interdiction-dérogation tel que nous le connaissons aujourd'hui, pour établir un régime d'autorisation encadrée, ce qui, à nos yeux, constitue un véritable progrès, au moins dans la sincérité de l'expression. Nous considérons, en effet, que le régime d'interdiction avec dérogation tel que nous le connaissons aujourd'hui n'apporte pas plus de garanties qu'une autorisation encadrée, dans la mesure où l'encadrement de ces recherches par l'Agence de la biomédecine sera maintenu.

Je tiens à rappeler aussi que le régime d'encadrement proposé est extrêmement strict. En effet, les protocoles de recherche sur un embryon humain ou sur les cellules souches embryonnaires ne pourront être autorisés que s'ils remplissent plusieurs conditions cumulatives.

Ces conditions sont : que la pertinence scientifique de la recherche soit établie ; que la recherche soit susceptible de permettre des progrès médicaux majeurs ; qu'il soit impossible, en l'état actuel des connaissances scientifiques, de mener une recherche similaire sans recourir à des cellules souches embryonnaires ou à des embryons, même si cette formulation pose problème quant à son interprétation ; que le projet et les conditions de mise en oeuvre du protocole respectent les principes éthiques relatifs à la recherche sur les cellules souches embryonnaires et les embryons.

Dans ces conditions, nous pouvons considérer que cet encadrement présente des garanties importantes du point de vue de l'éthique et du respect dû à l'embryon, car il s'agit bien d'utiliser des cellules d'embryons ne faisant plus l'objet d'un projet parental et voués à la destruction.

Si j'insiste particulièrement sur l'aspect éthique des choses, c'est afin de dépasser d'autres débats qui n'ont pas ici lieu d'être. Je considère en effet qu'il n'y a pas de position philosophique ou religieuse qui serait le Bien et au nom de laquelle interdire ces recherches, tout en autorisant d'ailleurs à trouver des arrangements lorsque c'est nécessaire, avec des dérogations accordées en fonction des besoins. Toutes les positions sont respectables, mais elles doivent être regardées au travers du principe de laïcité qui régit notre république.

Je conclurai sur ce point en rappelant que ces recherches représentent un formidable espoir pour les malades et leurs familles, pour la recherche sur la procréation médicalement assistée et sur les causes d'infertilité, et que les découvertes sur les cellules souches adultes et les cellules de cordon ne remplacent pas celles sur l'embryon et les cellules embryonnaires. La rigueur de la démarche scientifique impose que les trois voies puissent être examinées en parallèle pour que l'on sache bien ce que l'on fait.

J'en viens au second point que je souhaitais aborder : l'assistance médicale à la procréation. Si cette dernière est une question scientifique et médicale, elle est aussi devenue une question sociétale. On ne peut, à mon sens, se limiter à son seul aspect de traitement médical palliatif de l'infertilité.

La société s'interroge désormais plus largement sur le droit à fonder une famille, c'est-à-dire sur la légitimité d'avoir un projet parental. C'est l'évolution de l'AMP qui a créé ce débat : inexistant lorsque la technique était uniquement endogène, il a émergé lorsqu'il a été fait usage du don d'une tierce personne.

Dans quelle situation législative nous trouvons-nous aujourd'hui ? Après que le projet de loi a prévu l'accès aux couples pacsés, les sénateurs ont ouvert cette possibilité à l'ensemble des « personnes formant un couple », à la condition que ces personnes soient « vivantes, en âge de procréer et aient consenti ». Je me permettrai de saluer ici la sagesse des sénateurs. En effet, il s'agit non pas de valider un quelconque désir d'enfant, mais bien de valider la constitution d'un projet parental, le droit à fonder une famille.

Le problème fondamental est bien celui du statut de l'assistance médicale à la procréation. Doit-elle rester médicale dans ses indications, c'est-à-dire réservée au seul traitement palliatif de l'infertilité ? Je ne le crois pas. Au contraire, tout en restant médicale, bien sûr, dans sa réalisation et ses techniques, avec un encadrement éthique et une logique non mercantile, elle doit avoir des indications à la fois médicales et sociétales permettant l'exercice réel du droit à un projet parental.

En l'état actuel des possibilités matérielles autorisées et non remises en cause, j'ai la conviction que nous devons offrir cette possibilité à toutes les femmes qui ont ce projet parental, qu'elles soient célibataires, en couple avec un homme ou en couple avec une femme. Cette question naît de la prise en compte conjuguée des droits de l'homme, de l'évolution scientifique et technique et de la demande sociétale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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