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Intervention de Jacqueline Fraysse

Réunion du 24 mai 2011 à 15h00
Bioéthique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacqueline Fraysse :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la révision des lois bioéthiques est un moment démocratique important. Précédée d'états généraux, elle permet aux citoyens de débattre et de s'exprimer sur des sujets qui les concernent directement et qui sont d'actualité. Il revient ensuite à la représentation nationale de délibérer pour opérer des choix situés à l'intersection des avancées de la science et des règles du vivre ensemble dont notre nation veut se doter.

Or l'arbitrage peut être délicat. Notre devoir de législateur est d'adopter des positions au service du plus grand nombre, tout en respectant l'intérêt singulier des personnes dans des domaines où les clivages politiques, religieux ou philosophiques sont très fortement marqués. Néanmoins, nous devons nous attacher, dans ce domaine plus que dans tout autre, à rechercher le consensus : un consensus centré sur le bien-être de la personne humaine, dont il faut bien mesurer la grande diversité. Cette exigence devrait nous interdire toute prise de position dogmatique, aveugle aux besoins d'une société humaine complexe et en perpétuel mouvement.

Le projet de loi que nous examinons est globalement équilibré. Il prend acte des évolutions de la société et des avancées de la recherche. Toutefois, nous pourrions aller plus loin sur certains points, sans pour autant remettre en cause l'esprit de nos débats, fondé sur le respect des différences.

Dans ses premiers articles, le texte améliore l'encadrement des tests sur le patrimoine génétique, précise mieux leur finalité et protège davantage la société contre les dérives et les discriminations qui pourraient en résulter. En matière de discriminations, nous pouvons également nous féliciter de l'introduction par le Sénat – et de l'adoption avec modification par notre commission – d'un amendement à l'article 5 quinquies AA qui précise que « nul ne peut être exclu du don de sang en dehors de contre-indications médicales ». Ces quelques mots mettent enfin un terme à des dispositions aussi inutiles que stigmatisantes visant les hommes homosexuels, lesquels se voyaient jusqu'ici exclus du don de sang sous le fallacieux prétexte qu'ils auraient des pratiques sexuelles à risque. En effet, nul ne peut préjuger des comportements et de la prise de risque de telle ou telle personne sur le seul fondement de son orientation sexuelle.

Ce point méritait d'être souligné, car il témoigne d'une évolution positive de la société, qui tend, petit à petit, à se débarrasser de préjugés infondés, stigmatisants, voire obscurantistes. À ce propos, je tiens à faire remarquer que nos collègues socialistes ont déposé un amendement tendant à faire disparaître les derniers reliquats de cette discrimination énoncée dans l'arrêté du 12 janvier 2009. J'espère que cet amendement sera voté à l'unanimité.

Nous nous félicitons également que, dans le cadre du diagnostic prénatal, soient désormais proposés à toute femme enceinte des examens visant à évaluer le risque que l'embryon ou le foetus présente une affection grave. C'est une avancée importante qui vient renforcer les droits des femmes.

Par ailleurs, les dispositions relatives au don d'organes, outre qu'elles élargissent le cercle des donneurs aux personnes entretenant une relation proche avec le receveur, prévoient, avec le don croisé, une dérogation justifiée qui ne remet pas en cause le principe d'anonymat auquel nous tenons.

Les nouvelles dispositions sur le don de sang de cordon et de sang placentaire sont également de nature à permettre de surmonter les difficultés liées notamment à la pénurie de donneurs de moelle. Ouvrant la voie à des thérapies porteuses d'espoir pour les malades, ces prélèvements sont moins pénibles pour les donneurs et simplifiés pour la communauté médicale.

S'agissant du don d'organes, nous sommes confrontés, en France, à une pénurie très pénalisante pour les malades, qui exige que nous nous attachions à apporter des réponses novatrices. Actuellement, les campagnes d'information ne sont pas à la hauteur des besoins. Je pense particulièrement aux prélèvements d'organes effectués sur des personnes en état de mort cérébrale. On peut facilement comprendre que les familles, choquées, bouleversées suite à un décès brutal et auxquelles on demande l'autorisation de prélever un organe, refusent. C'est évidemment en dehors de ces situations dramatiques qu'il faut aborder ces sujets, en débattre et réfléchir avec l'ensemble des citoyens.

On constate que, dans d'autres pays, le taux d'implantation est très supérieur à ce qu'il est en France. Notre rôle est donc de prendre des dispositions pour informer l'ensemble de la population de ces problèmes et l'inviter à se prononcer librement, afin de limiter les difficultés rencontrées pour effectuer ces prélèvements en cas de décès. C'est pourquoi nous proposerons, par voie d'amendement, deux dispositions qui nous paraissent utiles : premièrement, une information systématique par les médecins, qui pourraient, par exemple, remettre des documents à leurs patients et en parler avec eux ; deuxièmement – j'ai entendu Olivier Jardé exprimer un autre point de vue à ce sujet –, la création d'un fichier de consentement symétrique de celui du refus, en conservant bien entendu l'actuel accord présumé pour les personnes qui ne se sont pas prononcées de leur vivant.

Il s'agit d'un sujet complexe, qui fait débat. Mais nous pensons que, si aucun texte de loi ne peut remplacer le dialogue singulier entre l'équipe médicale et les proches, ce fichier pourrait permettre à ces équipes, qui font un travail remarquable et difficile, d'engager plus facilement le dialogue. Cette disposition restera cependant inopérante si nous ne lançons pas rapidement une importante campagne d'information sur les dons d'organes.

Toujours dans le registre du don, je voudrais aborder plus particulièrement celui des gamètes, dans le cadre de l'assistance médicale à la procréation. Le texte issu du Sénat offrait aux couples de femmes la possibilité de recourir à l'AMP, passant ainsi du paradigme de l'infertilité médicale à celui de l'infertilité sociale. C'est un débat que nous ne devons pas occulter, puisqu'il se fait jour dans notre société. Toutefois, je ne crois ni sérieux ni raisonnable de le trancher dans ce texte par voie d'amendement.

En effet, une telle disposition, si elle était adoptée, soulèverait plusieurs problèmes, sur le plan tant sociétal et civique que financier, sur lesquels il faudrait statuer. Certains refusent cette hypothèse, souhaitant rester dans le cadre de l'infertilité médicalement constatée ; d'autres sont prêts à examiner la possibilité d'étendre le recours à la PMA aux personnes qui la demandent pour des raisons sociétales et non plus seulement médicales. En tout état de cause, on ne peut prendre de décision à la légère, même si rien n'interdit évidemment d'aborder ce débat dès à présent, lors de l'examen de ce texte, chacun ayant la possibilité d'exposer son opinion, comme l'a fait M. Mamère.

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