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Intervention de Paul Jeanneteau

Réunion du 24 mai 2011 à 15h00
Bioéthique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Jeanneteau :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner en deuxième lecture le projet de loi relatif à la bioéthique.

Au mois de février dernier, en première lecture, notre assemblée a rappelé ces principes éthiques fondamentaux que sont la dignité de l'être humain, le respect dû au corps, la protection de l'embryon et la primauté de l'intérêt de l'enfant.

Ces valeurs ne sont pas propres à la France ; elles sont universelles. Ainsi, l'intangibilité de ces principes est consacrée dans le préambule de la Déclaration universelle des droits de l'homme, dont le premier considérant rappelle que « la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde ».

Ces principes sont aussi énoncés dans notre droit positif national, notamment dans l'article 16 du code civil, selon lequel « la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie ».

Le respect d'autrui dans ce qui fait son humanité constitue la base du contrat social, le fondement même de notre société. Y déroger c'est rendre toute vie en commun impossible ; c'est quitter l'état de culture pour revenir à l'état de nature où la seule loi qui s'applique est celle du plus fort. Aussi les législateurs que nous sommes devront-ils garder à l'esprit ces principes tout au long des débats afin que les dispositions législatives tendent vers le bien commun.

En première lecture, les députés ont souhaité inscrire la révision des lois de bioéthique dans la lignée des textes de 1994 et de 2004 en réaffirmant les principes éthiques qui forment le socle de notre législation actuelle, parmi lesquels l'anonymat et la gratuité du don de gamètes, le caractère libre et éclairé du don, l'interdiction des manipulations génétiques, l'encadrement de l'assistance médicale à la procréation et l'interdiction de la gestation pour autrui. Nos débats, intenses et parfois même passionnés, ont abouti à un texte relativement court qui apporte quelques ajustements à la loi de 2004.

Nos collègues sénateurs, quant à eux, ont jugé bon de réviser en profondeur le texte voté par l'Assemblée nationale. Ainsi, le Sénat a supprimé le principe d'interdiction de la recherche sur les embryons pour instaurer une autorisation avec encadrement. Il est également revenu sur les modalités selon lesquels les tests prénatals sont proposés aux femmes enceintes. Enfin, les sénateurs ont ouvert l'assistance médicale à la procréation aux couples de femmes.

À l'Assemblée, en deuxième lecture, la commission spéciale chargée d'examiner le texte du Sénat a souhaité revenir sur cette dernière disposition, estimant que la procréation médicalement assistée devait être réservée aux seuls couples médicalement infertiles. Elle a également souhaité réintroduire l'autorisation du transfert d'embryon post mortem, que le Sénat avait supprimé.

Mes chers collègues, nous devons faire preuve de prudence et de mesure dans nos choix éthiques, car les dispositions législatives que nous voterons auront un impact direct sur la personne humaine, de sa conception à sa naissance, puis durant sa vie. Il convient donc de bien mesurer toutes les conséquences sociales et humaines qu'induit chacune des mesures que nous adopterons afin de déterminer dans quelle société nous souhaitons vivre.

Concernant la recherche sur les embryons, je suis pour ma part favorable au maintien du texte que notre assemblée avait voté en première lecture. Il permet de contrôler, en amont, les recherches autorisées de façon dérogatoires selon des modalités strictes. Il constitue ainsi un rempart éthique contre d'éventuelles dérives rendues possibles par l'accélération des innovations scientifiques et médicales dans les domaines de la génétique ou de la procréation médicale assistée.

Surtout, le principe d'interdiction avec dérogation me semble conforme à notre corpus législatif, et plus particulièrement à l'article 16 du code civil qui garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie, je l'ai déjà cité.

Je souligne aussi que la très grande majorité des chercheurs auditionnés par la mission d'information sur la révision des lois de bioéthiques n'a jamais remis en cause le principe d'interdiction. Elle souhaitait seulement l'abrogation du moratoire de cinq ans, disposition qui a été votée en première lecture.

Le transfert d'embryons post mortem pose un certain nombre de problèmes. Perdre son conjoint alors qu'un projet parental est en cours reste une situation éminemment dramatique et douloureuse. Toutefois, en faisant naître délibérément un enfant orphelin, on favorise le droit à l'enfant plutôt que le droit de l'enfant.

Les enfants ainsi conçus deviendront un substitut symbolique du père disparu, portant ipso facto une charge psychologique importante. Cela est d'autant plus vrai que, selon le dispositif adopté en commission, l'enfant naîtra entre quinze et vingt-sept mois après le décès du père.

Par ailleurs, le transfert d'embryons post mortem pose des problèmes juridiques de filiation et il porte atteinte au droit de la famille.

Il me semble donc raisonnable de poser comme limites à la procréation les limites mêmes de la vie.

En ce qui concerne la systématisation des tests prénatals, le Conseil d'État et le Comité consultatif national d'éthique, dans leurs études relatives à la révision des lois de bioéthique, avaient pointé les risques de dérives eugéniques de cette pratique qui dépasse d'ailleurs largement la question du seul dépistage de la trisomie 21. C'est pourquoi je soutiendrai l'amendement présenté par notre rapporteur, Jean Leonetti, visant à ce que ces examens soient proposés dans le respect des articles 8 et 35 du code de déontologie médical.

En première lecture, notre assemblée avait su se retrouver, majoritairement, autour de valeurs communes pour dégager le meilleur consensus sociétal possible. En seconde lecture, je vous encourage, mes chers collègues, à user de la même sagesse afin que, cette fois encore, nous puissions parvenir à adopter un texte équilibré, respectant les principes fondamentaux qui structurent notre société. En gardant à l'esprit ces valeurs intrinsèques qui nous unissent et qui transcendent les clivages partisans ou nos opinions personnelles, nous parviendront à un accord.

Les lois de bioéthique s'inscrivent dans un contexte social, philosophique, culturel et juridique propre à notre pays, que nous ne pouvons ignorer. Notre système juridique repose sur la recherche de l'intérêt général : la détermination des droits passe par la communauté, elle doit être opposée à toute forme d'individualisme.

La recherche du bien commun doit guider l'action du législateur, indépendamment de toute compassion. Chaque expérience, chaque parcours de vie, chaque souffrance ou désir est éminemment respectable. Néanmoins, les parlementaires ne doivent pas se laisser gouverner par leurs émotions ou se contenter de transcrire mécaniquement dans la loi les évolutions techniques ou sociales. Leur devoir est de transcrire dans la loi des règles applicables à tous, fondées sur une éthique partagée.

La France a fait preuve, jusqu'à présent, d'une exigence éthique dont elle peut s'enorgueillir. Certains estiment qu'aller dans le sens du moins-disant éthique permettrait d'accorder plus de liberté. Mais qu'est-ce que la liberté ? Selon Jean-Jacques Rousseau, « l'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté ». Aussi, mes chers collègues, n'ayons pas peur d'affirmer notre liberté en défendant nos principes éthiques. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

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