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Intervention de Hael Al Fahoum

Réunion du 18 mai 2011 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Hael Al Fahoum, chef de la mission de Palestine en France :

L'influence du Printemps arabe ne peut être que bénéfique car, jusqu'à présent, la cause palestinienne a été instrumentalisée par certains régimes, arabes ou autres, qui se sont saisis de ce prétexte pour maintenir pendant des décennies leur pouvoir sur leur population. Le mouvement de la rue arabe ne peut donc avoir que des retombées positives pour la cause palestinienne, notamment en Égypte. Chacun aura noté que, lors des soulèvements en Tunisie et en Égypte, aucun drapeau américain ou israélien n'a été brûlé. On apercevait épisodiquement un drapeau palestinien brandi ici ou là, mais c'est la semaine dernière seulement qu'un million de personnes se sont rassemblées place Tahrir, au Caire, pour soutenir la cause palestinienne. Cela s'explique : chaque Arabe est blessé dans sa dignité par ce qui se passe en Palestine depuis soixante-trois ans. Le Printemps arabe permettra l'établissement de relations d'État à État, sur la base d'intérêts communs, entre la Palestine et l'Égypte, la Tunisie et d'autres pays arabes.

Le gouvernement égyptien a joué un rôle très discret mais crucial dans la réconciliation entre le Fatah et le Hamas, que les événements ont accélérée. La jeunesse palestinienne a demandé avec insistance à ses dirigeants d'éradiquer le virus de la division au sein de la société palestinienne, une division qui a nui aux intérêts de l'ensemble des Palestiniens.

Malheureusement, les autorités israéliennes au plus haut niveau semblent frappées d'aveuglement. Le gouvernement Netanyahou ne paraît pas avoir pris la mesure des mutations géopolitiques fondamentales en cours dans la région. J'espère qu'il se réveillera, et qu'il verra la réalité en face et se rendra compte que le moment est idéal pour lancer un processus de paix réel et aboutir à la réconciliation historique entre Israéliens et Palestiniens, sur la base de la reconnaissance de deux États distincts - solution qui est la meilleure garantie de sécurité pour l'État d'Israël pour les mille ans à venir. Si la chance historique qui s'offre est saisie, comme elle doit l'être, les énergies négatives actuellement à l'oeuvre se mueront en une dynamique constructive pour les deux peuples considérés, pour la région et pour la paix et la stabilité internationales. J'espère donc que les autorités israéliennes en finiront avec l'arrogance et s'impliqueront activement en faveur d'une paix durable au lieu de chercher tous les prétextes pour accuser l'OLP d'être à l'origine du blocage actuel.

Le rapport Goldstone est entre les mains de l'ONU. Nos représentants qui siègent dans les instances compétentes ont engagé les démarches nécessaires pour que la réalité des faits soit exposée à tous, de manière que les actes commis ne se reproduisent pas.

L'Autorité palestinienne soutient le boycott des produits provenant des colonies israéliennes considérées comme illégales au regard du droit international. Nous n'avons jamais appelé au boycott de l'État d'Israël ; en revanche, nous demandons que l'aide illimitée accordée à Israël par ses alliés ne soit pas utilisée pour détruire la société palestinienne et pour assassiner des femmes, des enfants et des vieillards palestiniens car, dans ce cas, il y aurait en quelque sorte complicité. Tout dépend donc des termes des accords passés entre Israël et ses partenaires, qu'ils soient ou non européens. Nous ne demandons pas la fin des partenariats avec Israël, mais un rééquilibrage qui devrait se traduire par d'autres partenariats avec l'Autorité palestinienne.

J'ai des contacts réguliers avec les groupes qui manifestent leur solidarité au peuple palestinien. Chacun est favorable à la levée du blocus de Gaza, qui a des conséquences désastreuses pour ses 1 500 000 habitants. Il est anormal que la communauté internationale ne réagisse pas, et nous soutenons toute mobilisation contre le blocus avec d'autant plus de vigueur que nous engageons la reconstruction de tout ce qu'a détruit l'armée israélienne à Gaza. À cet effet, nous avons demandé l'aide du secteur privé palestinien et arabe. Il faut savoir qu'actuellement, 60 % du budget de l'Autorité palestinienne sont consacrés aux écoles, à l'Université et aux hôpitaux de la Bande de Gaza.

Vous aurez noté que le Gouvernement de M. Salam Fayyad, qui est lui-même un économiste distingué, a montré une très grande créativité. C'est ainsi qu'après la première conférence des donateurs, nous avons réussi, en dépit des obstacles dus à l'occupation israélienne et avec l'aide de la communauté internationale, à dynamiser la croissance économique. Chacun comprendra toutefois qu'elle ne peut être durable si l'occupation persiste.

Pour assurer la viabilité du futur État palestinien, la communauté internationale a un rôle éminent à jouer. Aux partis arabo-palestiniens, elle doit faire comprendre que la création de l'État palestinien mettra un terme à la spirale de désespoir et de frustrations, ce qui permettra de se débarrasser des groupuscules extrémistes qui cherchent à détruire le processus de paix. Plus grand sera l'espoir que la situation s'améliore, plus facilement on mobilisera l'opinion publique palestinienne et arabe. La communauté internationale doit donc dire fermement à Israël que la seule solution viable est celle des deux États : l'État de Palestine dans ses frontières de 1967 et l'État d'Israël. A la suite de quoi, une négociation devra s'ouvrir pour définir les mécanismes permettant de résoudre les questions en suspens, dont celle de la sécurité de toutes les parties. Quelle meilleure garantie y a-t-il pour Israël que la normalisation de ses relations avec 48 pays arabes ou musulmans ? Comme je vous l'ai dit, nous sommes ouverts à la négociation sur de multiples sujets – l'eau, les réfugiés, les colonies israéliennes – mais il ne s'agit pas de redessiner les frontières de l'État.

Depuis mon arrivée à Paris, j'ai multiplié les contacts institutionnels, avec l'objectif de modifier la nature des relations franco-palestiniennes. Nous avons besoin de la France comme partenaire stratégique, dans un intérêt commun. La viabilité de l'État palestinien ne dépend pas seulement de ses ressources naturelles ; elle dépend aussi de la qualité de ses ressources humaines, qui est grande. Ce qui nous fait défaut, ce sont les transferts de technologie dont bénéficie Israël et sans lesquels il ne pourrait continuer d'exister. Aujourd'hui, 85 % des centres de recherche israéliens dépendent des transferts de technologies depuis les pays occidentaux. La même interdépendance doit valoir avec la Palestine ; on ne peut se limiter à une coopération qui n'établit pas des relations suffisamment fortes, il faut des partenariats. Nous avons besoin d'une implication directe de la France dans les processus de reconstruction de nos institutions, de notre économie et de notre recherche scientifique. M. François Fillon a été invité à se rendre dans les territoires palestiniens. D'ici le début de l'été aura lieu le premier séminaire intergouvernemental franco-palestinien ; j'espère qu'à cette occasion un accord-cadre de partenariat entre les deux pays sera conclu.

La sécurité est une question très complexe. Nous avons déjà fait des pas de géant dans le rétablissement de la sécurité civile et d'un appareil judiciaire efficace. Malheureusement, nous sommes empêchés d'aller au bout de notre démarche car des infiltrations de l'armée israélienne ont lieu à chaque progrès réalisé. Nous ne sommes donc pas complètement libres de mener à terme notre politique sécuritaire et judiciaire, et le déplorable assassinat de Juliano Mer-Khamis comme celui de Vittorio Arrigoni ont été des chocs terribles pour le Président Abbas et pour toute la population. Nous mènerons à terme notre programme visant à assurer la sécurité et le respect du droit pour tous sur notre territoire.

L'impact du Printemps arabe sur l'accord intervenu entre le Hamas et le Fatah ne peut être mésestimé. Oui, la jeunesse palestinienne a fait pression sur le Fatah, sur le Hamas et sur le Président pour que l'union prévale. Cette jeunesse pleine d'énergie souhaite que nous parvenions à avancer, ce qui me donne du courage dans la poursuite d'une tâche difficile.

Un porte-parole du Hamas a fait savoir immédiatement que la déclaration de M. Ismaël Haniyeh, après la mort de Ben Laden, exprimait une position personnelle et non celle du Hamas. Pour notre part, nous ne considérons pas Ben Laden comme un combattant de l'Islam ou un martyr de la cause palestinienne ; au contraire, il a donné d'eux une très mauvaise image. Il a été un élément destructeur, responsable du massacre de nombreux musulmans et Arabes. Les extrémistes sont des virus dangereux qui détruisent le corps arabe de l'intérieur ; il convient donc de créer les anticorps qui permettront de s'en débarrasser. Nous n'avons absolument rien à voir avec ce mouvement qui nuit à la juste cause palestinienne.

Pour ce qui est des relations entre l'Union européenne et la Palestine, le président Sarkozy a dit la nécessité d'un changement de méthode. Soulignant l'absence de progrès, il a souligné que l'Europe ne peut se satisfaire d'être seulement un bailleur de fonds et qu'elle doit avoir un rôle politique innovateur, conduisant à la conclusion d'un accord de paix qui renforcera la stabilité au Proche-Orient, autour de la Méditerranée et dans le monde. La deuxième conférence des donateurs avait originellement été conçue pour compléter les promesses faites lors de la première conférence, et une réunion préparatoire a eu lieu à Bruxelles. Mais quand ils se sont rencontrés, les présidents Sarkozy et Abbas sont convenus que les problèmes en suspens n'étant pas seulement d'ordre économique, la conférence devrait traiter de sujets plus larges. Elle combinera donc des thèmes politiques et économiques, avec l'objectif d'un progrès politique réel. Nous approuvons cette approche.

Revenant sur l'accord intervenu entre le Fatah et le Hamas, vous m'avez interrogé sur leur position respective quant à la reconnaissance de l'État d'Israël. La reconnaissance d'un État incombe à une entité politique et non à un parti, et le Président Abbas a déclaré hier encore que tout gouvernement palestinien respecterait les accords signés avec Israël et avec la communauté internationale. Comme il est prévu par les accords d'Oslo, c'est l'OLP et elle seule qui, pour la Palestine, est habilitée à négocier la paix. L'État qui, à ce jour, ne respecte pas les accords signés, c'est l'État d'Israël, qui refuse de nous reconnaître. Le Hamas n'est pas l'OLP - qui a reconnu l'État d'Israël dans les frontières de 1967 - mais un parti politique palestinien. Dois-je rappeler que certains partis politiques de la majorité israélienne ne reconnaissent pas l'existence du peuple palestinien et que d'autres désignent les Arabes comme des cafards à écraser ?

Je rappelle à nouveau que l'on traite, en cette matière, entre États et non entre partis politiques. À ce jour, il n'y a pas d'État palestinien mais, dès 1988, c'est-à-dire avant les accords d'Oslo, le Conseil national palestinien a accepté, par souci de compromis, de reconnaître l'existence de l'État d'Israël dans ses frontières de 1967, une concession considérable. Pour sa part, M. Netanyahou s'emploie à multiplier les conditions. Pourquoi exige-t-il maintenant de nous que nous reconnaissions Israël comme « l'État-nation du peuple juif » ? S'il souhaite que son pays change de nom, qu'il en fasse la demande à l'ONU, certainement pas à l'Autorité palestinienne ! En réalité, le Premier ministre israélien invente prétexte sur prétexte pour prétendre que l'Autorité palestinienne est à l'origine du blocage des négociations. C'est très regrettable. Je suis moi-même issu d'une famille musulmane, j'ai été élève d'une école chrétienne, j'ai fait mes études supérieures dans une université juive et je considère que ma religion est mon affaire privée, qui ne regarde que moi. Que veut-on ? Préparer une guerre de religions dans la région ? Nous ne pouvons accepter une telle évolution, qui devrait être tout aussi intolérable à la France, pays laïc.

La Turquie joue en effet un rôle très important dans la région, mais nous ne serions pas défavorables à l'intervention d'autres États. C'est pourquoi, lors de leur rencontre, les présidents Sarkozy et Abbas ont évoqué l'idée d'un groupe de pays « amis du processus de paix », dans lequel figureraient l'Afrique du Sud, le Brésil, la Chine ou encore l'Inde.

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