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Intervention de Michel Bouvard

Réunion du 18 mai 2011 à 15h00
Débat sur la mise en oeuvre de la révision générale des politiques publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Bouvard :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette semaine parlementaire de contrôle nous donne l'occasion de revenir sur ce qui est incontestablement l'un des chantiers majeurs de cette législature : la révision générale des politiques publiques.

La légitimité de la RGPP participe directement de celle de l'action de l'État, qui repose non seulement sur les finalités qu'il poursuit mais aussi sur l'adéquation des moyens qu'il met en oeuvre pour les atteindre. En ce sens, l'utilité de la RGPP et sa légitimité sont incontestables. Faut-il rappeler que, au fil du temps, dans bien des domaines, l'intervention de l'État était devenue illisible voire incompréhensible aux yeux des Français.

Tout d'abord, les missions se sont multipliées, sans que leur cohérence et leur nécessité soient toujours bien garanties. Ensuite, les structures de l'État chargées de les accomplir se sont ajoutées les unes aux autres dans une sédimentation administrative, et sont apparues parfois inadaptées faute d'avoir évolué au rythme des technologies et des besoins de nos concitoyens. Enfin, les dépenses publiques se sont accrues d'autant et le nombre de fonctionnaires a augmenté de 300 000 en trente ans, malgré de nombreux transferts de compétences liés à la décentralisation, tout cela sans que le service rendu à nos concitoyens en soit pour autant nécessairement meilleur.

Ces constats, couplés à l'état de nos finances publiques, justifiaient donc pleinement qu'en 2007 le Gouvernement engage l'État dans une véritable démarche de performance qui allait au-delà des audits de performance et des stratégies ministérielles de réformes déjà expérimentés.

Cette démarche a deux objectifs : améliorer le service rendu et, par la modernisation de l'État, réduire les dépenses publiques. Ces objectifs ne se contredisent pas ; ils sont bien les deux faces d'une même médaille, ils visent une meilleure efficacité au service de nos compatriotes. C'est la raison pour laquelle j'ai toujours soutenu la RGPP.

Des résultats concrets ont déjà été enregistrés. La possibilité pour les Français de réaliser 80 % de leurs démarches administratives en ligne, celle de signaler un changement d'adresse à toutes les administrations en une seule fois ou de remplir un formulaire unique pour demander un logement social peuvent paraître de bien modestes avancées ; elles n'en traduisent pas moins, concrètement, l'amélioration du service rendu.

Les structures aussi ont évolué, et cela est sans doute plus important encore. La fusion de la DGI et de la DGCP, jugée impossible depuis l'échec de 2001, a été réalisée. Même si cela a été douloureux, la carte judiciaire a été redessinée alors qu'elle était inchangée depuis cinquante ans. Les ASSEDIC et l'UNEDIC ont fusionné au sein de Pôle emploi malgré la résistance de ces organismes qui avaient trouvé le moyen de choisir des systèmes informatiques incompatibles pour préserver leur identité et leur indépendance.

Sur un plan financier, ces évolutions auront permis d'économiser 7 milliards d'euros à la fin de l'année 2001, avec l'objectif d'atteindre 15 milliards en 2013. Elles auront aussi permis de dégager des moyens humains et de faciliter ainsi la mise en place du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite. En 2012, 150 000 postes sont concernés, ce qui ramène le nombre des fonctionnaires au niveau moyen des années 1990, après la décentralisation.

Pour autant, monsieur le ministre, il faut encore faire progresser l'acceptabilité de la RGPP par les citoyens, les fonctionnaires de l'État et les élus locaux, au-delà de la présentation caricaturale qui en est faite parfois. Cela passe notamment par une meilleure concertation en amont, ce qui a déjà été dit sur tous les bancs.

Pour ma part, je veux m'attarder sur un point sur lequel la MILOLF, la mission d'information sur la mise en oeuvre de la LOLF, que j'ai l'honneur d'animer, a eu à se pencher à plusieurs reprises. Il s'agit de la coordination avec les autres politiques de mobilisation autour de la performance, pour la mise en oeuvre desquelles la RGPP a parfois pu être un élément perturbateur.

Ainsi, la réorganisation territoriale décidée dans le cadre de la RGPP a-t-elle pu priver l'État d'ingénierie publique en région. Elle a aussi retardé le déploiement de Chorus, le système d'information budgétaire, financière et comptable de l'État, les choix retenus en RGPP ne coïncidant pas avec ceux du schéma de déploiement initial. La MILOLF avait été amenée à demander à plusieurs reprises la mise en oeuvre d'une gouvernance de Chorus qui soit non seulement technique mais politique, afin d'assurer la cohérence et la coordination entre les deux approches. Il semble malheureusement que ce ne soit toujours pas le cas.

De façon plus fondamentale encore, l'articulation entre les mises en oeuvre de la LOLF et de la RGPP doit être mieux assurée, au risque de voir le « train » de la RGPP cacher celui de la LOLF. RGPP et LOLF constituent deux volets distincts, mais complémentaires et non concurrents, de la modernisation de l'État.

Là où la première vise la nature des missions de l'État, les structures qui les portent et l'amélioration du service rendu à nos concitoyens, la seconde, sur le plan qui nous intéresse ici, vise les moyens déployés et l'amélioration de la gestion des services publics, en responsabilisant les gestionnaires des budgets opérationnels de programmes, les BOP, et en leur confiant le soin de gérer eux-mêmes les moyens humains et financiers qui leur sont alloués.

Or, force est de constater que, loin d'être mise en oeuvre de façon coordonnée, « la modernisation de l'administration a été engagée le plus souvent sans lien véritable avec la LOLF ». Comme nous, la Cour des Comptes faisait ce constat il y a un an. En effet, de quelle marge de manoeuvre dispose le gestionnaire si la RGPP recentralise certaines décisions au sein des ministères ? Comment gérer réellement au niveau local des ressources humaines dans le contexte général du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite, au regard, notamment, de la fongibilité asymétrique ? Comment, enfin, ne pas craindre que le dialogue de gestion se réduise à une procédure formelle, d'ailleurs concentrée sur le volet budgétaire au détriment du volet performance ?

Il doit donc s'agir, là aussi, de coordonner les deux approches, de telle sorte que l'on puisse répondre aux défis de la contrainte budgétaire inévitable et des indispensables réformes structurelles – c'est le volet RGPP – tout en continuant à faire de la LOLF le cadre de référence de la modernisation de la gestion de l'État.

Cela suppose en amont de mieux associer les responsables de programme à la définition et à la mise en oeuvre des mesures RGPP. Cela suppose aussi de conforter le rôle et la place des responsables de programme et des gestionnaires des BOP, clés de voûte du système. La LOLF n'est opérationnelle que s'ils conservent un réel pouvoir de redéploiement. Pour cela, l'interdiction du fléchage depuis le niveau central des crédits déconcentrés, demandée depuis plusieurs années par la MILOLF, doit être actée, et la fongibilité asymétrique et la gestion locale des crédits de personnel réellement promues.

C'est à cette condition, par son association étroite avec la LOLF, que la RGPP pourra donner toute sa mesure, produire tous ses résultats et être pleinement acceptées par les parlementaires qui soutiennent cette démarche. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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